Le capitalisme : décrypter les mimiques et grimaces de son visage pour en contrer les effets pervers et destructeurs

Les valeurs promues par le capitalisme ultralibéral sont celles des pouvoirs absolus ou autoritaires des grandes puissances et de leurs serviteurs les plus soumis, pouvoirs exercés sur l’ensemble des sociétés. S’enrichir au détriment de l’État ou de la collectivité est le mot d’ordre donné. Acquérir des biens et les vendre dans un environnement spéculatif, en toute liberté, est la recette toute rêvée. Puis, vient cette soif insatiable du pouvoir et de domination sur l’ensemble de l’humanité d’une minorité de privilégiés (journaldunet.com) auxquels il a donné naissance, une situation mise en relief par le mouvement des Indignés.

Au menu quotidien du fonctionnement du capitalisme se déploie une publicité souvent mensongère et trompeuse de biens non essentiels à la vie, de produits de prestige et de produits destructeurs comme les armements. Tous les jours est exhibée la propagande des plus puissants possédants : se mieux positionner pour investir et faire des profits et encore plus de profits. Cette grande comédie est jouée et légitimée par les institutions financières internationales et nationales. Leurs tentacules s’étendent, par le biais des entreprises multinationales et de leurs filiales à l’étranger, dans tous les recoins où il est possible de trouver un bon marché de consommateurs et des richesses à exploiter. Cette quête inlassable de rentes de situation favorables à l’accumulation du capital rend les principaux protagonistes complètement obnubilés par l’obtention du gain. Ceux-ci empruntent alors tous les moyens, y compris la guerre,  pour s’enrichir le plus rapidement possible et surtout se transformer en des parasites de la société, souvent champions de l’évasion fiscale, de la collusion, de la fraude et de la spéculation.

Les processus de concentration de la richesse

Les principaux mondes qui profitent du bien commun pour accumuler le capital et concentrer la richesse collective entre quelques mains sont au nombre de quatre : le monde du divertissement incluant les sports professionnels avec les dieux des stades, celui des communications, celui de la finance et celui des forces de sécurité vouées à la protection des avoirs des riches et dont on ne cesse de glorifier le courage, la bravoure et les exploits (les armées nationales, les forces policières et les agences de sécurité). Inspirés par la même logique les quatre utilisent le cadre de l’État-nation ou tout simplement celui de l’ensemble économique régional ou mondial pour conquérir des marchés de consommation prometteurs pour leurs investissements, les protéger et accroître ainsi leur puissance. Tout mouvement de contestation ou de dissidence observés allant à l’encontre de leurs intérêts est réprimé selon les préceptes dictés par des appareils juridiques placés sous la férule des plus puissants et des plus riches. Il est primordial alors, pour ce faire, de contrôler la gouvernance mondiale au moyen de la fidélisation des chefs d’État et de gouvernement et des institutions internationales.

La résultante inéluctable de ce processus consiste dans l’appauvrissement et la marginalisation de la majorité. Selon le PNUD,

–  Plus d’un milliard d’êtres humains vivent avec moins d’un dollar par jour.

–  2,8 milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, vivent avec moins de 2 dollars par jour.

–  448 millions d’enfants souffrent d’insuffisance pondérale.

–  876 millions d’adultes sont analphabètes, dont deux-tiers sont des femmes.

–  Chaque jour, 30 000 enfants de moins de cinq ans meurent de maladies qui auraient pu être évitées.

–  Plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à de l’eau salubre.

–  20% de la population mondiale détient 90% des richesses (atd-quartmonde.org).

Les grimaces du capitalisme

Les grimaces ou  les déformations du visage du capitalisme totalitaire et mondialisé se matérialisent à l’intérieur de l’information véhiculée à l’échelle mondiale par les principaux medias. Il s’agit alors des faux sourires des speakers en vue de la télévision, des messages trompeurs des entreprises commerciales, du traitement souvent sélectif et biaisé donné à la nouvelle, de l’idéologie transmise par le cinéma populaire et des promesses illusoires de la classe politique dans les enceintes du pouvoir.

Une gouvernance pyramidale

Deux modes sont préconisées par le système, la dictature ou la démocratie « contrôlée ». La première permet, par la force et la violence armées,  de maintenir l’ordre établi et la paix sociale afin de favoriser le développement des affaires. La seconde a les mêmes attributs dans la mesure où les campagnes électorales sont  totalement contrôlées par une minorité allant du choix des candidats en passant par les sondages jusqu’au verdict final. Dans les deux modes il y a nécessité de présenter un chef de file, un personnage qui pave la voie à ceux et celles qui militent pour la même et unique idéologie, c’est-à-dire l’idéologie du pouvoir et de l’enrichissement individuel. Au sommet de la pyramide se situe le 1% des plus riches et le reste est occupé par les classes professionnelles servantes, les petits marchands, les petits propriétaires terriens ainsi que les classes populaires exploitées.

Une culture des idoles

L’idolâtrie s’avère une approche chère au système capitaliste global en vue de glorifier son existence et son utilité indispensable sur cette planète.  La consécration de stars dans les domaines politique et culturel est le moyen par excellence auquel on a recourt. Les louanges et hommages adressés aux membres des royautés sont également privilégiés. Ils constituent les symboles de la richesse qu’il importe d’acquérir pour devenir célèbre.

Un être dogmatique

Le capitalisme se présente à toutes les échelles avec un visage souriant afin de mobiliser les individus et les organisations derrière ses dogmes (des affirmations considérées comme fondamentales, incontestables) tels que les suivants analysés par Marco Van Hees (frerealbert.be).

–        Le capitalisme est le moins pire des systèmes

–        Hors de l’économie de marché, point de salut

–        Le privé est plus efficace que le public

–        Il faut sauvegarder la compétitivité des entreprises

–        Une meilleure régulation permet d’éviter les crises

–        Le monde politique est impuissant face aux multinationales

–        L’économie de marché et la démocratie sont indissociables

Ces dogmes sont transformés en messages et sont diffusés par tous les médias d’information possibles et inimaginables. Il s’agit alors d’un harcèlement publicitaire inlassable qui ne laisse aucun répit aux citoyens. Bref, le capitalisme cherche à pénétrer dans tous les secteurs de l’activité humaine. Tout devient marchandise et objet spéculatif.

Conclusion

Pour contrer le capitalisme et ses effets pervers il importe d’abord de les identifier, de les reconnaître et de les dénoncer. Ensuite, il est important de choisir un champ d’action et de s’engager sur le terrain en proposant des projets collectifs qui vont à l’encontre de ceux qui détruisent  l’environnement naturel et humain promus par le système et, en particulier, les projets qui favorisent l’hyper-concentration urbaine, la spéculation foncière, le phénomène de l’accaparement des terres et l’expansion de l’agrobusiness. Il y a nécessité de travailler en toute solidarité, en définitive, à la libération des peuples du joug imposé par ce système dans toutes les sphères de l’activité humaine.

Jules Dufour

 

Références

BRICMONT, Jean. 2010. À propos des « dix stratégies de manipulation de masses » attribué à Noam Chomsky.  Le Grand Soir, le 11 octobre 2010. En ligne : http://www.legrandsoir.info/a-propos-des-dix-strategies-de-manipulation-de-masses-attribue-a-noam-chomsky.html

CANONNE, Justine. 2013. Indignés : les nouvelles formes de protestation. Sciences humaines, le 27 février 2013.  En ligne : http://www.scienceshumaines.com/indignes-les-nouvelles-formes-de-protestation_fr_28437.html

CHOSSUDOVSKY, M. 2004. Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial. Montréal, Les Éditions Écosociété. 383 pages.

DUFOUR, Jules. 2007. L’état de la pauvreté dans le monde: un bilan controversé. 50 ans de lutte contre la pauvreté dans le monde : Des efforts mitigés pour un échec retentissant. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), le 31 août 2007. En ligne : http://www.mondialisation.ca/l-tat-de-la-pauvret-dans-le-monde-un-bilan-controvers/6529

DUFOUR, Jules. 2010. L’Occident et la diabolisation. Pour un changement radical du discours global. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), le 2 novembre 2010. En ligne : http://www.mondialisation.ca/l-occident-et-la-diabolisation-pour-un-changement-radical-du-discours-global/21739

LA RÉDACTION JDN. 2013. L’homme le plus riche du monde. Découvrez le classement 2013 des 20 milliardaires les plus riches du monde établi par le magazine américain Forbes et celui dressé par Bloomberg. JDN, le 21 juin 2013. En ligne : http://www.journaldunet.com/economie/magazine/l-homme-le-plus-riche.shtml

MOUVEMENT INTERNATIONAL ATD QUART MONDE. Combien y a-t-il de pauvres? En ligne : http://www.atd-quartmonde.org/Combien-y-a-t-il-de-pauvres.html

SAULNIER, Julie. 2010. Les 5 préceptes d’Indignez-vous de Stéphane Hessel. L’EXPRESS, Le 30 décembre 2010. En ligne : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-5-preceptes-d-indignez-vous-de-stephane-hessel_948929.html

VAN HEES, Marco. 2008. Critique succincte de sept dogmes du capitalisme. Frère Albert. Le site des gros patrimoines, Août 2008. En ligne : http://www.frerealbert.be/pouvoirs/critique-succincte-de-sept-dogmes-du-capitalisme/



Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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