« Le CETA, c’est le TTIP déguisé » : l’accord commercial entre le Canada et l’UE est un projet hégémonique

La Wallonie a porté un sérieux coup aux espoirs de l’Union européenne de signer un accord de libre-échange avec le Canada, lorsque le président-ministre de cette région de la Belgique a annoncé qu’il n’appuierait pas l’Accord économique et commercial global (AECG, mieux connu sous le sigle anglais CETA) avant la date limite de vendredi.
L’accord doit être ratifié par les 28 États membres de l’UE. Cependant, la Belgique ne peut signer l’accord sans le consentement de ses parlements régionaux.
Radio Sputnik a discuté de cet accord avec Michel Chossudovsky, professeur d’Économie à l’Université d’Ottawa et fondateur et directeur du Centre de recherche sur la mondialisation.
« Ce n’est pas un accord bilatéral entre le Canada et l’UE. C’est un […] mécanisme visant l’intégration de l’ALÉNA et de l’Union européenne dans ce qu’on pourrait appeler l’organisation de commerce et d’investissement de l’Atlantique Nord, qui intégrerait littéralement l’Amérique du Nord et l’Union européenne au chapitre du commerce et de l’investissement », a précisé M. Chossudovsky à Sputnik.
On dit que le CETA offrira de meilleures possibilités d’affaires au Canada pour les entreprises de l’UE et qu’il créera plus d’emplois. Les opposants à cet accord affirment toutefois que le CETA, tout comme le TTIP d’ailleurs, qui est un autre accord commercial que l’UE négocie avec les USA, va abaisser les normes du bloc européen en matière d’alimentation, de santé et de sécurité, tout en permettant aux entreprises étasuniennes et canadiennes de poursuivre les gouvernements de l’UE pour des prétendues pratiques discriminatoires en vertu du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
Selon M. Chossudovsky, les économies des USA et du Canada sont étroitement liées, ce qui fait en sorte que le CETA peut être considéré comme un « succédané » au TTIP.
« Ce n’est pas seulement un projet entre le Canada et l’UE. C’est aussi un projet de Washington, a souligné le spécialiste. Le TTIP et le CETA ont été mis en œuvre de façon concertée. Il ne s’agit pas d’initiatives distinctes, mais bien d’une seule et même initiative », a‑t‑il ajouté.
M. Chossudovsky est d’avis que si le TTIP n’arrive pas à faire consensus, parce que les gens disent « nous ne voulons pas devenir une colonie des États‑Unis », mais qu’ils acceptent le CETA, cela ne changera pas grand-chose quant à la dépendance de l’UE envers Washington.
« Le CETA est un succédané. Cet accord économique global entre le Canada et l’UE est en fait un TTIP déguisé, a fait remarquer le spécialiste. Nous devons être très prudents par rapport à ce que cela signifie politiquement. Ces accords commerciaux ne sont pas [faits] pour la population, ils font partie d’un programme mené par les grandes sociétés. »
D’après le spécialiste, les deux accords mèneraient à l’intégration de l’ALÉNA et de l’UE dans une sorte de bloc commercial atlantique, qui aurait de sérieuses conséquences géopolitiques.
« L’Union européenne a une certaine dynamique. Mais une fois intégrée à l’ALÉNA, elle pourrait ne plus relever de Bruxelles. Ce pourrait être Washington qui mènera la barque », de conclure le spécialiste.
Article original en anglais :
‘CETA is a TTIP in Disguise’: The Canada-EU Trade Deal is a US Hegemonic Project, publié le 21 octobre 2016
Traduit par Daniel pour Mondialisation.ca