Le CICR met en garde les États-Unis

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«Les prisonniers capturés lors de conflits doivent être gardés comme détenus et non tués. Ceci est une règle de base du droit humanitaire international». Cette déclaration du directeur général du CICR, Paul Grossrieder, vise directement les récentes déclarations du secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld. Devant des militaires, ce dernier avait plaisanté sur le sort de Ben Laden en évoquant le mot d’ordre du président Bush : capturer Oussama Ben Laden «mort ou vif». Sur la question, «J’ai mes préférences personnelles», avait plaisanté Donald Rumsfeld sous les rires de son auditoire, laissant clairement entendre que son choix se portait sur le premier terme de l’alternative. Donald Rumsfeld n’en était pas à son coup d’essai. Le 19 novembre, lors d’un point de presse, le patron du Pentagone indiquait : «Les États-Unis ne sont pas enclins à négocier des redditions. Nous ne sommes d’ailleurs pas en position d’accepter des prisonniers, compte tenu du nombre relativement faible de nos forces». Et d’ajouter : «Nous sommes en pourparlers avec l’Alliance du Nord. Nous espérons qu’ils n’engagent pas de négociations qui permettraient la libération de forces d’Al Qaïda, permettant à des non-Afghans de quitter le pays et de déstabiliser des pays voisins. (…) Mon vœu est que [les combattants d’Al Qaïda] soient ou bien tués, ou bien faits prisonniers.» Et lorsqu’un journaliste lui demande : «vous n’êtes pas en train de suggérer qu’ils devraient être abattus ?», le secrétaire à la Défense répond : «Mon Dieu ! non. Vous me faites penser à Charlie !». Le compte rendu du service de presse du Pentagone précise que fusent a! lors des rires.

Bien que Rumsfeld n’ait pas explicitement déclaré qu’il souhaitait que l’Alliance du Nord ne fasse pas de quartier avec les combattants d’Al Qaïda, pour les associations de défense des droits de l’homme, c’est le message implicite qu’il adressait aux forces de l’Alliance du Nord, qui à cet instant faisaient le siège de Kounduz. Pour plusieurs responsables de ces ONG, la question d’une éventuelle responsabilité personnelle dans les exécutions sommaires des «Arabes Afghans» est d’ores et déjà posée. Le sort des prisonniers de guerre a été codifié dès la seconde Convention de La Haye de 1899. Après la Première guerre mondiale, qui avait mis en évidence les faiblesses de la Quatrième convention de La Haye dans le traitement des prisonniers de guerre, la Première convention de Genève (1929) précisait la question, la Troisième Convention de Genève (1949) interdit expressément de tuer les prisonniers de guerre, soit directement, soit passivement. Aussi horrible qu’ait pu être la Seconde guerre mondiale, les principes édictés par la Troisième Convention de Genève ont été peu ou prou respectés par les belligérants. Il n’en a pas été de même au cours des guerres non-déclarées qu’ont été les conflits de Corée ou du Vietnam. Dans le cas de l’Afghanistan, guerre non déclarée par excellence, le problème est entier. Pourtant, d’après les juristes internationaux, ce n’est pas la déclaration officielle d’une guerre qui caractérise le conflit international ouvrant la voie à l’application des Conventions de Genève. Par ailleurs, dès le 11 septembre, tous les dirigeants américains, à commencer par le président Bush, ont employé le terme de guerre pour caractériser la situation issue des attentats du 11 septembre. Or, de par les traités internationaux, c’est le Comité international de la Croix-Rouge qui est le gardien du respect des Conventions de Genève. A Paris, le porte-parole du quai d’Orsay commente sobrement : «Il est naturel et légitime que le CICR appelle au respect des conventions de Geneve. Nous y sommes également attachés.»

Copyright RFI , 2001.

 



Articles Par : Olivier da Lage

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