Le cœur de la France dévasté

Avec l’ensemble des Français, mais aussi avec tous les Européens et les peuples du monde entier, nous avons assisté, impuissants et pétrifiés, à l’incendie effroyable qui a dévasté la Cathédrale de Notre-Dame-de-Paris.

Pourquoi avions-nous tous les larmes aux yeux en voyant ces images tragiques d’un édifice en flammes? 

C’est parce qu’il y a quelque chose qui dépasse le premier degré, la simple considération matérielle, architecturale de l’édifice. C’est la preuve que Notre Dame de Paris incarnait le symbole d’un cœur, celui de la France et des Français, mais aussi celui du monde entier fait d’une humanité qui a senti la déchirure de la douleur qui la traversait étrangement. C’était comme si quelque chose d’essentiel était touché, atteint mystérieusement, comme une mise à mort symbolique réalisée sur le corps vivant de l’humanité touché à cette occasion par les flammes frappant un symbole dont la force archétypale mettait en marche le lien secret qui réunit les peuples entre eux, au-delà des différences, des oppositions, des intérêts, des luttes, des rivalités, des idéologies… 

A travers ce symbole qui s’est mis à brûler, c’est le cœur de tous les humains qui se mettait à brûler, parce que quelque part, chacun d’entre nous vivant la violence de cette émotion, comprenait que c’était la vie des hommes qui se trouvait à nouveau menacée dans son ensemble. Le message silencieux de cet épisode émouvant nous faisait comprendre que c’est l’humanité entière qui se trouvait une nouvelle fois exposée aux flammes de la guerre destructrice, redevenue plausible en ces derniers temps, à cause du véritable désastre opéré par une idéologie planétaire qui ne veut pas reconnaître la prééminence de l’humain sur le mercantile dominant la vie des peuples martyrisés par les injustices qu’il génère. En voyant la destruction de Notre Dame par les flammes, chacun s’est senti atteint au plus profond de son âme. C’est l’impact de ce symbole sur la conscience profonde de l’humanité.

Notre-Dame de-Paris n’est pas n’importe quel symbole, elle n’est pas seulement le cœur de la chrétienté française, elle est aussi le cœur transcendant de le France qui brûlait. Sans Notre Dame, Paris ne serait pas Paris et la France ne serait pas la France. Mais au-delà de la France, ce chef-d’œuvre d’architecture construit par nos ancêtres, constituait l’un des symboles les plus parlant de l’intériorité, du sacré, de cette conscience supérieure de ce qui nous relie au Tout de l’Univers un et multiple à la fois. Ce symbole constituait à lui tout seul un langage, un message sur le mystère de l’union du masculin et du féminin, parlant initiatiquement de cette uni-dualité de la transcendance humaine dans sa valeur sacrée intime née au cours de toute son histoire évolutive dans l’hominisation. 

En effet, ce qui est saisissant dans Notre Dame de Paris, c’est la majesté grandiose des ogives, représentant le féminin, ne pouvant exister que par la majesté grandiose des colonnes qui les portent, représentant le masculin, chacune d’entre elles symbolisant l’harmonie du féminin avec le masculin, une réplique analogique ou un hologramme de l’Univers. C’est pour cela que chacun se sent touché et concerné par ce qui peut frapper cet édifice architectural complexe parlant à lui tout seul du mystère de la création et de la vie dans ses fondements les plus sacrés…

Les Françaises et les Français avec le monde entier ne pleurent pas seulement à cause de ce spectacle tragique des cendres ardentes d’un millénaire d’histoire. Ils pleurent tous ensemble la déchirure qui les a atteints car ils reçoivent dans leur conscience intime le message qui leur dit qu’une supériorité de « la religion de marché » s’est imposée à la supériorité de l’intériorité, de la spiritualité, de la vie sacrée du cœur vivant des humains en brûlant sa représentation symbolique et opérante.

Nous avons tous ressenti, face aux flammes qui emportaient Notre Dame de Paris dans ce désastre, que quelque chose nous avait blessé, que quelque chose nous menaçait, que notre cœur était atteint, que nous étions en danger, que quelque chose allait réellement se passer qui allait nous frapper mortellement… puisque Notre Dame avait toujours été le symbole de la protection, de la sécurité, du refuge devenu un enfer!

Et donc, nous comprenions du même coup qu’il ne s’agissait pas de nous diviser davantage, mais de nous unir pour sauver notre âme.

Il se trouve que Emmanuel Macron devait prendre la parole à 20h00 ce jour du 15 avril 2019, au moment même où l’incendie de Notre Dame faisait rage, afin d’annoncer aux Français les mesures qu’il avait l’intention de prendre suite au « Grand débat » qu’il venait d’achever, en réponse aux revendications des Gilets-jaunes, qu’il refusait de voir comme les représentants de plus de 78% des citoyens de ce pays conscients de l’impasse dans laquelle l’UE avec son euro-libéralisme les avait entraînés.

Emmanuel Macron avait déjà enregistré son allocution à l’Elysée, mais il décidait, face au message silencieux de Notre Dame en flammes, de ne pas faire sa déclaration qui aurait peut-être été une déclaration de guerre, compte tenu de ses positions intransigeantes affirmées depuis le début du conflit avec les Gilets-jaunes.

Peut-être a-t-il entendu ce message de l’âme française qui lui parlait à travers ce symbole fort du cœur de la France en flammes? Je le souhaite et j’ai envie de me dire que les moyens de l’inconscient collectif d’un peuple sont beaucoup plus puissants que ceux des politiques partisans qui prétendent à chaque époque s’imposer à lui! 

Là, nous avons une grande leçon donnée par l’âme de la France, son inconscient collectif, son esprit spécifique qui lui parle encore une fois le langage archétypal qu’il a toujours tenu à travers le temps. C’est ce même inconscient collectif qui a été à l’œuvre de multiples fois tout au long de son histoire mouvementée et qui s’exprime à travers le langage symbolique, les signes qui sont donnés et qui sont toujours captés et incarnés par un messager cristallisant  en lui la conscience de ce qu’il faut faire, comme ce porte-parole de l’inconscient collectif français que fut certainement le Général De Gaulle pour la France menacée dans son âme spécifique par l’idéologie nazie venue la prendre en otage et d’autres encore avant lui pour d’autres circonstances de l’histoire…

A chaque époque troublée de son histoire, la France a engendré les hommes inspirés qui étaient nécessaires à son salut, à sa reconstruction et à sa renaissance…

Aujourd’hui, la France s’est perdue dans le mensonge de l’Union Européenne qui l’a réduite à néant pour son pillage grâce à une vulnérabilité organisée par les Traités qui ont placé des sens interdits partout permettant aux opportunistes de lui voler sa souveraineté, ses richesses, ses potentialités, puisqu’elle n’a plus le droit de se défendre, au nom de l’ordo-libéralisme de Bruxelles qui prétend se charger elle-même de défendre la liberté à propos de tout, au nom d’un ultra libéralisme qui veut le retrait des Etats Nations pour faire régner la main invisible du marché en toute « liberté »: celle du pillage et de l’injustice au profit de quelques uns saisissant l’aubaine pour se tailler la part du lion…

Les Français épuisés et mis à bout par cette logique prédatrice de la dictature européenne des Traités, ont tout perdu. Il était donc normal qu’ils se mobilisent pour revendiquer leur droit de vivre décemment, non pas de « vivre mieux », mais de vivre bien, c’est-à-dire décemment, debout et avec dignité. Les nombreuses injustices sociales et fiscales les martyrisant depuis trop longtemps, devaient donc cesser. Pour cela il devenait évident que la question majeure était bien celle de leur souveraineté perdue. Il fallait retrouver la souveraineté perdue et pour cela retrouver toute la dynamique révolutionnaire permettant de remettre à jour l’ensemble des curseurs de la société française.

C’était cela le sens incarné par les Gilets-jaunes et Macron, au service de l’Union Européenne et de l’euro-libéralisme des Traités, ne comprenait pas ce réveil de la Nation. L’âme du peuple Français devait donc envoyer un signal fort qui pourrait être entendu, puisque 5 mois de mobilisations soutenues n’avaient pas été suffisants pour faire entendre raison. 

Le symbole de Notre Dame évoquant le cœur de la France était sans doute le plus parlant et le plus percutant au moment même où  Emmanuel Macron allait sans doute donner le signal d’un entêtement politique persistant dans l’erreur de l’Union Européenne que les Français n’avaient pas reconnue par leur vote négatif du 29 mai 2005. Le cœur de la France prenant feu, allait pousser un cri unanime vers le ciel, suffisamment fort pour couper la parole de cet homme si pauvrement légitime, lui interdisant en quelque sorte cet entêtement qui ferait saigner le pays tout entier enfermé dans une impasse que son leader présent ne voyait toujours pas et ne comprenait toujours pas…

Cette parole a été suspendue grâce à cet électrochoc, à ce cri du cœur jailli des entrailles de la France avec la force symbolique qui lui donnerait toute son efficacité, puisque la force des revendications directes de la rue ne pouvait rien changer à l’entêtement du Pouvoir en place sourd au signal de détresse envoyé depuis le peuple des plus défavorisés.

Alors, Emmanuel Macron s’est rendu sur place, aux pieds de Notre Dame, pour la voir brûler, partir en cendre. Et devant ce spectacle tragique du désastre enfin constaté de ses propres yeux, son émotion et ses larmes ayant désormais remplacé son arrogance et son mépris habituels, il comprenait enfin qu’il fallait soudain être solidaires et se dépêcher de reconstruire la beauté et la grandeur de Notre Dame symbole de la Nation française. Aussitôt les milliardaires du pays comprenaient eux aussi qu’il fallait sortir leurs centaines de millions pour reconstruire la Grande Dame de la France profonde, blessée à mort.

Du monde entier accouraient les messages de soutien et de solidarité avec le peuple de France dont le cœur saignait encore. 

Le président russe Vladimir Poutine, envoyait un message à Emmanuel Macron disant que « Notre-Dame est un symbole historique de la France, un trésor inestimable de la culture européenne et mondiale, un des principaux sanctuaires chrétiens. Son incendie a donc un écho douloureux dans le cœur des Russes qui compatissent aux émotions attristées de toute la communauté française. » Le patron du Kremlin, par ailleurs, exprimait le souhait que la grande cathédrale soit reconstruite et proposait d’envoyer une aide concrète à la France, car la Russie a toujours été la meilleure amie de la France.

Mardi matin, 16 avril, beaucoup de Chinois ont été choqués à leur réveil par l’incendie dramatique de Notre-Dame de Paris. L’événement a occupé rapidement la première place sur les deux principaux réseaux sociaux chinois Sina Weibo et WeChat. De nombreux témoignages émus des Chinois sont parvenus en France, frappés par la majesté de ce monument qui ne laisse personne indifférent à travers le monde… De nombreuses références ont également été faites par les Chinois, à l’œuvre de Victor Hugo qui a contribué par ses écrits à l’immortalité et au rayonnement mondial de Notre Dame.

De même, provenant des pays d’Amérique Latine, de nombreux témoignages de solidarité et déjà des promesses d’aide à la reconstruction de ce symbole qui dépasse les frontières de la France…

« Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée ». (Victor Hugo)

Aujourd’hui, la conscience peut être entendue et l’importance primordiale de la solidarité humaine peut être mise en avant, afin de faire respecter la justice pour tous en étant tout simplement juste avec la réalité frappant la majorité de nos concitoyens. Le système de l’UE qui génère en soi, par son idéologie sous-jacente,  une injustice inévitable, doit être aboli. 

« Paris brûle-t-il ? » demandait Hitler en août 1944 au Général Allemand commandant la place. Paris avait évité cette catastrophe grâce à la résistance des combattants qui au nom de leurs concitoyens s’étaient mobilisés pour libérer la France du désastre nazi. 

Aujourd’hui, l’incendie de Notre Dame, c’est le symbole du cœur de Paris, du cœur de la France qui brûle, face au désastre des conséquences du fascisme ultra libéral sur l’existence d’une majorité de nos concitoyens, ne pouvant plus vivre décemment dans la patrie des droits de l’homme, qui doivent ainsi survivre avec des salaires de misère ne leur permettant pas la liberté de la dignité.

Notre Dame qui brûle, c’est aussi le renvoie aux écrits de Victor Hugo qui a été ce combattant inoubliable pour la cause des déshérités et des souffrants.

De retour en France de son exile, en 1870, Victor Hugo était accueilli comme le symbole de la résistance républicaine au second Empire. Il était élu député de Paris, puis sénateur. Sensible aux mystères du monde, il disait que :

« rien n’est absolu dans les choses politiques, excepté la moralité intérieure de ces choses. Or, cette moralité est affaire de conscience et non d’opinion. L’opinion d’un homme peut donc changer honorablement, pourvu que sa conscience ne change pas. Progressif ou rétrograde, le mouvement est essentiellement vital, humain, social…

Ce qui est honteux, c’est de changer d’opinion pour son intérêt personnel… 

C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches. » (Victor Hugo 1802-1885)

L’incendie de Notre Dame de Paris nous a renvoyés aux écrits de Victor Hugo et à sa pensée puissante qui s’est mise au service des plus pauvres et de ceux qui subissaient les injustices à tous les niveaux. Il y a en cela quelque chose de prémonitoire, quelque chose qui nous parle au plus profond de notre cœur touché par ces événements troublants du 15 avril 2019 au cœur de la capitale française, symbole de notre vie politique que nous devons décrypter et comprendre honnêtement en tirant les conséquences qui s’imposent…

Jean-Yves Jézéquel

Le mardi 16 avril 2019



Articles Par : Jean-Yves Jézéquel

A propos :

Jean-Yves Jézéquel, philosophe et psychanalyste, diplômé du troisième cycle en sciences humaines, est l’auteur d’une trentaine d’essais en philosophie, spiritualité, religion, psychologie. Il publie également depuis 2014, une série d’analyses sur les grandes questions actuelles de société.

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