Le Complot de Cheney
Le Vice Président est furieux contre Bush qui accorde désormais ses faveurs à la voie diplomatique défendue par Rice dans la crise iranienne. Mais Cheney veut la guerre contre l’Iran. A tout prix. Même à celui de la trahison, en laissant son entourage se faire l’avocat d’un plan consistant à utiliser Israel pour entraîner les USA dans le conflit en provoquant sciemment la riposte de l’Iran.
L’administration américaine est le théatre d’un affrontement entre deux lignes qui tentent de déterminer l’orientation future de la politique du pays sur l’Iran.
D’un coté on trouve les diplomates, et de l’autre l’équipe du Vice Président Dick Cheney et ses acolytes qui occupent nombre de postes dans l’appareil gouvernemental de la sécurité nationale.
Le Pentagone et les services de renseignements fournissent leur concours pour adjoindre l’un le muscle, l’autre la nuance, aux efforts diplomatiques conduits par Condoleeza Rice, son assistant John Negroponte, le sous Secrétaire d’Etat Nicholas Burns et son conseiller juridique John Bellinger. Le soutien apporté par le directeur du National Intelligence Mike Mc Connell, le Secrétaire à la Défense Robert Gates et le directeur de la CIA Michael Hayden, est un revirement à 180° par rapport à la période précédente, caractérisée par les dysfonctionnements des relations entre ces institutions, avant que n’intervienne un renouvellement de leurs directions.
Toutefois, le Département de la Défense et les services de renseignement se préparent également à un conflit ouvert. Ils estiment que c’est nécessaire afin de persuader les différents centres de pouvoir en Iran que la possibilité de l’option militaire existe réellement.
Il y a cependant un sujet d’inquiètude. Le membre de l’administration Bush qui souhaite le plus le déclenchement d’un conflit militaire avec l’Iran est le Vice Président Dick Cheney. Celui qui désire le plus le conflit en Iran est le Président Mahmmoud Ahmadinejad. La Brigade Al Qods des Gardiens de la Révolution serait, avec le président, le deuxième grand gagnant en cas de conflit, dans la mesure ou les soutiens politiques dont ces deux acteurs bénéficient en Iran sont affaiblis.
De nombreuses sources confirment qu’un collaborateur de haut niveau appartenant à l’équipe chargée de la sécurité nationale de Cheney, a rencontré des membres de l’American Enterprise Institute, ainsi que ceux d’un autre Think Tank, et plusieurs organismes conseillers pour la sécurité nationale, en leur déclarant explicitement que le Vice Président Cheney ne soutient pas l’inflexion du Président Bush en faveur des efforts diplomatiques de Condoleeza Rice, et craint que le président ne prenne trop au sérieux l’option diplomatique en ce qui concerne l’Iran .
Ce fonctionnaire de la Maison Blanche a affirmé à de nombreuses personnes bien informées à Washington que Cheney se prépare a déployer une stratégie de la dernière chance envers le Président, si lui et son équipe sont mis en échec sur le plan politique.
Le plan de l’équipe Cheney consiste à établir une collusion [1] avec Israel pour le pousser, à un moment décisif dans la confrontation en cours entre l’Iran et la communauté internationale, à lancer une attaque conventionnelle à petite échelle sur Natanz en utilisant des missiles de croisière – et non des missiles ballistiques.
Cette stratégie permettrait d’éviter les controverses sur le survol des espaces aériens des nations Moyen Orientales et pourrait permettre d’espérer déclencher une frappe de représaille Iranienne d’ampleur suffisante contre les forces US dans le Golfe – qui viennent tout juste d’être notablement renforcées – pour forcer Bush à abandonner la voie diplomatique défendue par les réalistes et s’engager dans une nouvelle guerre.
Ce collaborateur de Cheney a disséminé dans les cercles de Washington de nombreux autres éléments relevant de ce plan complexe. Il a fait part de son appréciation à de hauts membres de l’AEI et lors de lunch et de dinners en recommandant la discrétion absolue, mais il n’y a aucun doute qu’il espère que les faucons conservateurs et les néoconservateurs partagent ces informations et se rallient à ce point de vue. Ce fonctionnaire est en train de préparer le terrain et met en oeuvre ce que Joshua Muravchik avait suggéré, et qui consiste à ouvrir la voie vers un bombardement de l’Iran.
Le fait saillant dans cette information, c’est que ce collaborateur de Cheney admet que le Vice Président est désappointé par le Président Bush et croit, à l’instar de Richard Perle, que Bush commet une erreur désastreuse en s’alignant sur la ligne politique que Condoleeza Rice, Bob Gates, Michael Hayden et Mc Connel ont définie.
Selon cet homme, Cheney est persuadé que l’on ne peut compter sur Bush pour prendre la bonne décision en ce qui concerne l’Iran ce qui amène Cheney à penser qu’il doit lier les mains du président.
Mardi soir, je me suis entrentenu avec un ancien haut fonctionnaire du renseignement dans l’administration Bush, qui m’a déclaré au sujet de ce que je m’apprétais à écrire au sujet de Cheney qu’il s’agissait « potentiellement d’un crime d’insubordination » contre le Président. Je ne pense pas que la Maison Blanche pourrait entreprendre une action contre Cheney en lui reprochant la promotion de programme politique à laquelle il se livre à Washington, mais je suis persuadé que la Maison Blanche pourrait réduire Cheney au silence, et donner à toute son équipe des bureaux avec vue sur le jardin, qui leur permettraient de s’occupper à admirer le paysage sans plus avoir grand chose à faire ou espérer.
Le vrai problème, ce n’est pas que Cheney veuille bombarder l’Iran et que Bush ne le veuille pas, c’est que Cheney dise que Bush commet une erreur et doive de ce fait voir se réduire les choix qui s’offrent à lui.
(1) collude.
Version française: Contre info.
Steve Clemons est un journaliste indépendant spécialisé dans les questions de politique internationale qui publie régulièrement dans le Washington Post et le New York Times. Il a dirigé le Nixon Center à Washington, et a été conseiller du Sénateur Jeff Bingaman.