Le coronavirus, instrument subtile, capable de renverser la balance internationale du pouvoir

« L’homo sapiens sont inhérents aux conflits » (John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale des USA)

Le libéralisme perd de son attractivité et n’est plus considéré comme un modèle parfait pour tous.   

_ Serghei Lavrov, Ministre des affaires étrangères de la Russie) 

Le coronavirus, à côté des désastres humanitaires sépulcraux et dommages économiques attendrissants, constitue en soi le plus grand test de la mondialisation du début du 21e siècle avec des conséquences immenses.

On dit que la « mondialisation désigne le processus par lequel les relations entre les nations sont devenues interdépendantes et ont dépassé les limites physiques et géographiques qui pouvaient exister auparavant. » Elle a été introduite comme le nouveau paradigme du nouvel ordre mondial, c’est-à-dire, « Une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. » Ce passage se trouvait dans le discours prononcé au congrès américain par l’ex-président George Bush Sr, le 11 septembre 1990. Il a été accueilli favorablement par tous les peuples du monde fatigués de l’expérience conflictuelle Est-Ouest, car ces mots consacrèrent les inhumations évidentes de la guerre-froide, datée de 1945.  Donc, l’avenir était radieux. 

Le mariage était de courte durée, cependant. L’espoir fut rapidement disparu. L’inquiétude revient. Dès 1999, à partir de la différence de points de vue sur le démantèlement de l’ancienne Yougoslavie et du  Kosovo_ Boris Eltsine, président de la Russie d’alors_, brandissait la menace nucléaire. Dans un langage très peu diplomatique, il rappela avec irritation la puissance de son pays: « Hier, Clinton s’est permis de faire pression sur la Russie. Il semble qu’il ait pendant une minute, une seconde, une demi-minute, oublié que la Russie dispose d’un arsenal complet d’armes nucléaires. Il a oublié cela. » Bill Clinton, dans une posture tout aussi belliqueuse, répliqua en des termes très durs : « Je ne pensais pas qu’il avait oublié que l’Amérique était une grande puissance. » Depuis lors, le nouvel ordre mondial si éloquemment miroité et défini par George Bush Sr. n’était plus.  

Tant bien que mal, malgré la tension idéologique et géopolitique, le monde n’avait pas connu de grands bouleversements qui hypothèqueraient la vie de millions de personnes, comme c’était le cas pour la première et la deuxième guerre mondiale. Jusqu’au bouleversement de la tranquillité mondiale à partir du mois de janvier 2020, avec le virus dit mortel.

Le coronavirus, qui fait rage dans le monde dit globalisé, constitue le premier grand test pour les nations après la fin de la guerre-froide. La façon d’approcher la pandémie est mal partie. Nous constatons, non sans une certaine décontenance, que les états utilisent les mêmes méthodes traditionnelles pour contenir un danger qui s’étend globalement. Chaque gouvernement essaie isolement de se battre contre le virus à l’intérieur de ses frontières, en guise de déployer des efforts conjoints. Cette attitude est le résultat de la perplexité qui a toujours marqué les relations internationales. Ce qui représente un handicap majeur empêchant de développer la nouvelle mentalité globaliste, indispensable au renforcement d’un cadre théorique et pratique pour combattre toute nouvelle réalité inédite. 

Lorsque le coronavirus faisait rage en Chine, à l’exception de la Russie et de Cuba, le monde observait l’inquiétant spectacle. On ironisait même que c’était un « mal chinois ». Pourtant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) annonça déjà la perspective de l’enfoncement du monde dans la spirale du virus. La solidarité envers les Chinois n’était pas tout à fait au rendez-vous. On se contentait des déclarations d’intention, car les enjeux économiques restent et demeurent la préoccupation première des nations. En particulier, celle des Etats-Unis d’Amérique.

Le coronavirus arrive dans le monde à un moment où la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine a atteint son apogée. Il s’agit d’un moment décisif pour les deux états dans leur course pour l’hégémonie mondiale. Tous les spécialistes en relations internationales ont unanimement reconnu que l’Asie, en particulier la Chine, arbore des velléités manifestes de domination. Les , l’actuel dominion, essaie par tous les moyens d’empêcher ce changement radical mettant fin à son leadership planétaire. 

L’agitation Huwaei, ce géant chinois de la technologie de réseau mobile, se fait autour du contrôle de la technologie 5G. Ceci explique, entre autres, le comportement suspect, insensible et hostile, des États-Unis par rapport au soi-disant « virus chinois ». La technologie 5G « is the new thing ». Le pays qui en a la maîtrise conserve une forte chance de dominer le monde. Elle est très rentable, mais surtout elle permet de contrôler l’intelligence. Un secteur stratégique clé sur lequel Donald Trump se base pour s’assurer que le 21e siècle reste américain. Ce que la république étoilée ne digère absolument pas.

En effet, pendant que le coronavirus moissonne des vies humaines, les relations internationales ne chôment pas. Les compétitions économiques, la course aux armements, et l’influence culturelle continuent de diviser les peuples. Chaque puissant état essaie d’avancer son pion stratégique au détriment de l’autre. La coopération internationale reste un vain mot ; la realpolitik l’emporte sur le bien-être de l’homme et de son environnement.

L’enjeu économique, c’est la première préoccupation des dirigeants des puissants états_ non pas la multiplication des cadavres. Il faut rappeler que ce sont les crises pluridimensionnelles qui font chuter les empires. Le coronavirus peut être un facteur hégémonique pour les états qui arrivent à mieux s’en sortir. L’après coronavirus peut générer des bouleversements importants au niveau de la balance du pouvoir sur l’échiquier international. Les stratèges chinois et américains le comprennent bien.

Le président XI Jinping de la Chine profite de la tempête provoquée par le coronavirus pour promouvoir la stratégie de « La Nouvelle Route de la Soie », une philosophie mercantile qui rappelle le passé glorieux d’une Chine ambitieuse, florissante qui fouettait l’orgueil nationaliste du reste de l’humanité. L’Italie, déçue du suprême mépris que lui professent ses voisins de l’Union Européenne (UE) pendant la débâcle causée par le virus en question,  vient d’intégrer ce grand marché chinois qui ressemble un peu aux relations entre le CENTRE (insolent)  et la périphérie (soumise). Á cause de cette négligence de l’UE  par rapport aux Italiens au cours de la crise humanitaire qu’a causé le coronavirus, la Chine fait son entrée en Europe… au grand dam des grands ténors du Vieux Continent.  « La nouvelle Route de la Soie » s’étend cette fois-ci jusque vers le continent africain. Si les Etats-Unis sortent affaiblis du passage meurtrier de cet ange de la mort, cela peut créer un grave chambardement, en termes de qui sera le prochain maitre du monde.

Donald Trump l’a bien compris! C’est pourquoi, en pleine gestion de la crise humanitaire, il envisage la reprise prochaine de toutes les activités économiques du pays. Moins de douze ans après la sévère récession de 2008-2009, les Etats-Unis ne peuvent plus se payer le luxe de faire face à une autre, voire une dépression. Le choix est déjà fait. La priorité de l’économie sur l’homme. 

La classe traditionnelle du pouvoir d’état américaine s’exprime déjà sur la voie à prendre. Quand certains influenceurs du conservatisme se prononcent pour que les vieillards reprennent le travail ipso facto pour sauver le pays, ce n’est pas un hasard. Cette tendance représente la volonté du secteur dominant de la nomenclature états-unienne qui entend par tous les moyens éviter tout effondrement potentiel des États-Unis sur l’échiquier mondial. Car, l’économie domine tout.

Donc, dans les coulisses, l’affrontement se poursuit entre les grandes puissances économiques et technologiques du monde, sur fond du coronavirus. C’est encore le même jeu d’échec : Chacun essaie de damer le pion. 

Joël Léon

 

 

Références

The New Yorker, Dexter Filkins, “John Bolton on the war Path”

Newsweek, Tom O’Connor,4-12-2019

Discours de George Bush au congres américain, 11 septembre 1990.

   



Articles Par : Joël Léon

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