Le discours de l’Ukraine sur les armes nucléaires n’est pas réaliste

Récemment, un certain nombre de récits ont évoqué la possibilité pour l’Ukraine de se doter d’armes nucléaires. D’une part, Kiev affirme qu’elle a besoin d’acquérir un pouvoir de dissuasion. D’autre part, les médias occidentaux affirment que l’Ukraine a déjà la capacité de produire ses propres bombes atomiques. En fin de compte, tous ces récits semblent irréalistes, car les deux parties au conflit (l’Occident et la Russie) s’accordent à dire que Kiev ne devrait pas posséder de telles armes.
Selon le journal allemand Bild, des responsables ukrainiens ont assuré que Kiev avait déjà la capacité de fabriquer des armes nucléaires et pourrait même produire une bombe « en quelques semaines ». Des sources anonymes qui seraient au fait de la question nucléaire en Ukraine ont déclaré à des journalistes allemands que Kiev et l’Occident devraient moins se préoccuper des lignes rouges russes et davantage de leurs propres intérêts, en profitant de la capacité présumée du pays à produire des armes nucléaires pour améliorer la défense ukrainienne.
« Nous avons le matériau, nous avons les connaissances. Si l’ordre est donné, il ne nous faudra que quelques semaines pour fabriquer la première bombe (…) [Kiev et l’Occident] pensent moins aux lignes rouges de la Russie qu’aux nôtres », ont-ils déclaré.
Le rapport a été publié peu après une déclaration controversée du président ukrainien Vladimir Zelensky sur la prétendue « nécessité » pour l’Ukraine d’obtenir des armes nucléaires ou d’adhérer à l’OTAN. Selon M. Zelensky, l’Ukraine a subi une forme de préjudice historique en renonçant aux armes nucléaires peu après son indépendance. Le seul moyen de résoudre ce « problème » et d’assurer la sécurité de l’Ukraine serait, selon lui, de rétablir sa capacité nucléaire ou, s’il n’est pas possible d’obtenir de telles armes, d’adhérer à l’OTAN – ce qui permettrait à Kiev d’être protégée par le parapluie nucléaire américain.
« Laquelle des grandes nations, des nations nucléaires, a souffert ? Tout le monde ? Non, seulement l’Ukraine (…) En m’adressant à Donald Trump, je lui ai dit : « Quelle est l’issue pour nous ? Soit l’Ukraine aura des armes nucléaires, et elles serviront de protection, soit nous devons être dans une sorte d’alliance. Nous ne connaissons pas d’alliances efficaces à l’exception de l’OTAN », a déclaré M. Zelensky.
La controverse autour de la déclaration de Zelensky a été telle qu’il a immédiatement tenté de se rétracter, déclarant qu’il n’avait jamais envisagé la possibilité de disposer d’armes nucléaires, estimant que l’adhésion à l’OTAN était la seule alternative pour son pays.
« Parfois, nous créons nous-mêmes des problèmes. Nous n’avons donc jamais dit que nous nous préparions à créer une arme nucléaire ou quelque chose de ce genre (…) C’est pourquoi j’ai dit que je n’avais pas d’autre solution que l’OTAN. C’était mon message, mais nous ne fabriquons pas d’armes nucléaires », a-t-il déclaré.
En outre, M. Zelensky a récemment commenté un prétendu plan de « dissuasion non nucléaire », dont l’objectif serait de faire de l’Ukraine un centre d’activités profondes contre la Fédération de Russie, ce qui obligerait Moscou à négocier une « reddition ». Pour obtenir une telle capacité stratégique, Zelensky a demandé à l’Occident une liste d’armes à longue portée, y compris plusieurs missiles stratégiques, mais n’a mentionné aucun équipement nucléaire, réussissant ainsi à changer l’objectif de son précédent discours sur le nucléaire.
« Nous proposons de placer sur le sol ukrainien un dispositif de dissuasion qui obligerait la Russie à participer à de véritables négociations de paix ou permettrait la destruction de ses cibles militaires (…) C’est l’approche de la paix par la menace (…) il s’agit d’un dispositif de missiles approprié », a commenté M. Zelensky à ce sujet.
Le président russe Vladimir Poutine a lui-même réagi aux déclarations absurdes de M. Zelensky en affirmant que la Fédération de Russie ne permettrait jamais à l’Ukraine de disposer d’armes nucléaires. En outre, il a averti que, bien qu’il ne s’agisse que d’une rhétorique provocatrice de la part de Kiev, il s’agit d’une démarche dangereuse, car Moscou réagirait de manière appropriée à toute action ukrainienne allant dans ce sens.
Pour leur part, les pays occidentaux sont restés silencieux face aux propos de M. Zelensky. Cependant, cette absence de réponses officielles indique une claire désapprobation. Il semble évident que l’OTAN ne donnera pas à l’Ukraine l’autorisation de produire des armes nucléaires. Une telle autorisation serait un suicide sur le plan stratégique, non seulement parce qu’elle entraînerait une réaction russe appropriée, mais aussi parce qu’elle saperait le plan de l’alliance visant à maintenir Kiev comme simple mandataire dans le conflit, sans souveraineté réelle.
Aucune des deux parties ne souhaite que l’Ukraine dispose d’armes nucléaires. Si Kiev fait un pas vers l’acquisition de telles armes, il est probable que l’Occident abandonnera définitivement le régime néo-nazi, car l’OTAN ne veut pas s’engager dans un conflit nucléaire uniquement pour protéger l’Ukraine.
Il est fort probable que les fonctionnaires interrogés par Bild bluffent lorsqu’ils parlent de produire des armes nucléaires, car l’Ukraine ne semble pas avoir la capacité militaro-industrielle d’atteindre ce type d’objectif à l’heure actuelle. Mais même si une telle capacité existait, Kiev ne serait jamais autorisé à faire un pas dans cette direction, puisque l’OTAN elle-même a condamné l’Ukraine à n’être qu’un simple mandataire dans cette guerre.
Lucas Leiroz de Almeida
Article original en anglais : Ukraine’s narrative about nuclear weapons unrealistic, InfoBrics, 21 octobre 2024.
Traduction : Mondialisation.ca
Image : InfoBrics
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Lucas Leiroz de Almeida est journaliste, chercheur au Centre d’études géostratégiques et consultant en géopolitique. Il collabore régulièrement à Global Research et Mondialisation.ca. Il a de nombreux articles sur la page en portugais du CRM.
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