Le droit est le fondement de la paix, de la justice et de l’humanité

Réflexions sur l’histoire et l’éthique de la politique internationale

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Au vu des victimes et des dégâts causés pendant la Seconde Guerre mondiale, les fondateurs des Nations Unies et de sa Charte tentèrent d’éviter qu’une pareille catastrophe ne se reproduise, cherchant à rendre le monde plus pacifique et plus juste. La mise en place des relations internationales ne devait plus relever de l’arbitraire de quelques pays. Il fallait établir un ordre juridique international approuvé et respecté par tous les Etats de la planète.

Mais peu après la fin de la guerre et la fondation des Nations Unies, le monde se trouva à nouveau divisé en blocs hos­tiles. Une nouvelle fois, les relations internationales furent marquées, au cours des décennies suivant la guerre, par la poli­tique d’hégémonie.

On savait déjà qu’une politique internationale soumise aux fluctuations de la recherche du pouvoir et du contre-pouvoir n’apportait pas de stabilité et n’assurait donc pas la paix. La situation dans le monde fut donc très fragile et l’humanité n’échappa que d’un cheveu, et par hasard, à la destruction.

C’est pourquoi dès les années 60 on entreprit de sérieux efforts pour réduire les affrontements et l’aggravation de la situation entre les blocs et pour remplacer les affrontements, les conflits et la course aux armements par des mesures de confiance, de coopération et de désarmement.

Il est vrai que tout le monde n’était pas honnête et ce furent les mêmes qui déclenchèrent une nouvelle fois la guerre froide dans les années 80, provoquant une nouvelle course aux armements.
Le monde se retrouva face à la menace d’une guerre mondiale dévastatrice. Ce furent avant tout les Etats-Unis qui cherchèrent à gagner la guerre froide; non pas par la force des armes mais par une guerre économique et financière.

L’alliance militaire orientale, le Pacte de Varsovie, et le bloc économique oriental, le Conseil d’assistance économique mutuelle (Comecon) furent mis sous pression, ce qui amena finalement leur dissolution. Il ne resta qu’une grande puissance: les Etats-Unis et l’OTAN, qu’ils dirigent, et l’ordre financier et économique mondial qu’ils déterminent.

Nombreux furent ceux qui, lors de la dissolution du bloc de l’Est, espérèrent une paix durable assurant la sécurité et le bien-être. Mais ce fut en vain car la politique américaine, profitant de sa situation d’unique superpuissance au monde, voulut s’imposer non par le droit mais en profitant de sa situation dominante. La mondialisation fut en fait une américanisation du monde – par tous les moyens et sans tenir compte des dégâts causés.

Au début des années 90, le gouvernement américain avait appelé cela «nouvel ordre mondial» et il ouvrit cette «ère nouvelle» par de nouvelles guerres: contre l’Irak, contre la Somalie, contre la Yougoslavie. Les groupes de réflexion américains se penchèrent dans les années 90 sur un «Projet de nouveau siècle américain», escomptant bien l’imposer par leur supériorité militaire. Les guerres contre l’Afghanistan et à nouveau contre l’Irak en sont les signes les plus visibles, mais aussi l’instrumentalisation des Etats européens membres de l’OTAN, la mainmise sur l’Union européenne, la mise au pas de la «gauche» européenne et l’extension à l’Est de l’OTAN et de l’Union européenne.

Néanmoins, aujourd’hui, 20 ans après la dissolution du bloc de l’Est, le plan des Etats-Unis a échoué.

Les conséquences catastrophiques du «projet» américain pour une grande partie du monde apparurent clairement aux yeux des populations. Les Etats-Unis ont lancé le bouchon trop loin; leur prestige dans le monde a disparu, des forces contraires se sont mises en place et se renforcent. Elles vont de la résistance inattendue dans les pays en guerre aux alliances internationales tels que l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) en Amérique latine, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) en Asie ou le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), alliance intercontinentale. Il reste bien sûr des forces dangereuses qui souhaitent renverser la vapeur et prêtes à risquer gros. Toutefois, il ne s’agit que de quelques attardés dans l’évolution historique qui doivent néanmoins être pris très au sérieux, surveillés et tenus à l’écart – du fait qu’ils pourraient être tentés d’embraser le monde. Leur politique est cependant sans avenir.

Les prochaines années seront pleines d’insécurité et nécessiteront la recherche de nou­velles orientations.

Il se peut que le nouveau gouvernement américain s’y consacre. On peut l’espérer du fait que le président américain a reçu cette année le prix Nobel de la Paix. Peut-on espérer amener le président à refuser la poli­tique hégémonique de son pays – ne serait-ce qu’en raison de la grande misère qui s’abat sur la population de son pays – et à s’engager dans une politique de paix dans le monde? Ou bien se contentera-t-il, en manœuvrant habilement, de redonner aux Etats-Unis la capacité d’être à nouveau la seule superpuissance?

On ne peut se contenter d’attendre les réponses à ces questions. Le plus de personnes possible doivent se mettre à réfléchir, à discuter, à formuler des solutions.

Mais est-il crédible de rediscuter plus ou moins ouvertement l’idée d’un gouvernement mondial? Peut-on mettre en place un tel gouvernement et en même temps respecter l’ensemble des droits humains? Qui donnera sa légitimité à un tel gouvernement? Quels seront ses domaines politiques? Ne risquons-nous pas de retomber dans une politique centralisée? L’humanité est-elle prête à accepter ce nouveau Léviathan?

Il existe une autre perspective: celle de mettre en place les bases de la paix et de la justice par un «ordre mondial du droit». Cette idée n’est pas nouvelle, elle nous vient du siècle des Lumières. Mais pres­que personne ne s’en est préoccupé au cours de ces dernières années. Et ce sont précisément les Etats européens, où est née la philosophie des Lumières, qui ont trahi le projet d’un ordre mondial reposant sur le droit. Une idéologie du laissez-faire, de l’égalité des valeurs, du droit du plus fort, c’est-à-dire de l’arbitraire des puissants a pénétré jusque dans les sciences «occidentales», dans l’art et la culture. Et toutes les professions de foi en faveur du droit ne furent plus que des déclarations peu sincères. On traite de naïfs et de ringards tous ceux qui croient encore à la valeur du droit et à son caractère obligatoire, tout particulièrement en ce qui concerne les relations entre les Etats.

On constate aujourd’hui les conséquences de cette idéologie: un monde en plein désordre, sans paix, ni justice, ni humanité.

Pourtant la tâche ne serait pas si difficile car il n’est pas nécessaire de créer un ordre juridique international. Les fondements essentiels en ont été établis par le droit international et un grand nombre de traités internationaux. La communauté internationale peut s’y référer.

Ce qui est nécessaire avant tout, c’est de comprendre que le monde n’a pas d’autre perspective s’il veut survivre et que la dignité de tous les hommes impose le respect du droit.

L’idée du contrat social, venue des Lumières, partait du principe que les individus se soumettraient au droit accepté par tous afin d’assurer la liberté, la propriété et la vie. Il en va de même dans la communauté des Etats. Le respect des traités entre les peuples consti­tue l’«ordre mondial du droit». 



Articles Par : Karl Müller

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