Le droit international permet-il de soutenir ouvertement l’opposition armée en Syrie ?

Pour un juriste reconnu expert en droit international, la réponse est claire…

« Le droit international ne permet pas aux Etats de reconnaître des rebelles qui luttent contre le gouvernement reconnu ». Curtis Doebbler, – juriste reconnu enseignant à l’université Webster de Genève, avocat expert en droit international pendant la guerre de l’OTAN contre la Libye pour appuyer les rebelles du CNT – a souligné plusieurs fois la totale illégitimité de l’utilisation de la force contre le pays nord-africain (http://www.counterpunch.org/2011/03…).

Et la Syrie ? La « coalition nationale syrienne pour les forces révolutionnaires et d’opposition », née il y a quelques jours à Doha sous les auspices des monarques du Golfe (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats, Koweït, Oman et Bahreïn) et des puissances occidentales, a demandé à l’UE et aux USA la reconnaissance officielle et la fourniture directe d’armes et d’argent, pour pouvoir renverser par la guerre le régime de Damas. La Coalition en effet refuse tout dialogue. Les monarchies du Golfe, la France et l’Angleterre l’ont déjà reconnue comme « unique représentant légitime du peuple syrien » (et la Ligue Arabe l’a reconnue comme interlocuteur, avec l’abstention de l’Algérie et de l’Irak ; l’Italie aussi a reconnu la Coalition comme légitime représentant du peuple syrien, bien que pas le seul à présent).
La France – qui avait été le premier pays à reconnaître le CNT libyen en mars 2011 – discutera de la fourniture d’armes avec les partenaires européens dans les prochaines semaines. Même le premier ministre britannique David Cameron, de même que Barak Obama, sont en train de prendre en considération l’idée d’armer officiellement leurs alliés syriens.

De la même façon que le CNT libyen, l’opposition armée syrienne (et les groupes politiques qui la soutiennent) refuse une présence militaire au sol mais demande depuis toujours des appuis militaires. La Russie et la Chine continueront peut-être à empêcher une intervention directe.

Mais la fourniture d’armes et de ressources serait-elle légale, puisqu’on entend toujours le même refrain : le prétexte de la « protection des civils », autrement dit, que les groupes armés sont là uniquement pour sauver la vie des civils).
Doebbler répond :

« Reconnaître une force d’opposition n’est pas illégal parce que c’est une décision qui relève de la compétence nationale, toutefois toute action entreprise pour soutenir l’usage de la force de la part de groupes armés contre le gouvernement légitime est illégale et une grave violation du droit international. Un État qui soutient l’usage de la violence contre un autre État est responsable en droit international des dommages causés. De plus il est interdit à tout autre État de la communauté internationale de reconnaître une situation créée par cette violation du droit. Le soutien aux groupes armés en Syrie est illégal parce que ceux-ci utilisent la force contre un gouvernement reconnu ».

La seule exception, poursuit Doebbler, « consiste dans le fait que les opposants armés se reconnaissent comme mouvement de libération nationale. Ils devraient démontrer alors qu’ils sont opprimés à un point tel que l’exercice de leur droit à l’autodétermination a rendu nécessaire l’usage de la force, unique instrument pour atteindre ce droit. Mais l’opposition soutenue par l’étranger a eu beaucoup d’occasions de participer au gouvernement en Syrie et le régime affirme être prêt à accorder d’autres droits de participation. Non seulement les rebelles soutenus par l’étranger ne représentent pas un groupe clairement défini de la population syrienne, pas plus qu’une majorité. Ils peuvent donc être définis au mieux comme acteurs par procuration des puissances étrangères qui essayent d’intervenir en Syrie pour un changement de régime. Ceci viole différentes obligations : la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats sur base de l’art. 2, al. 7 de la Charte de l’ONU et l’abstention de l’emploi de la force dans l’art. 2 al. 41, l’un des principes les plus importants du droit international. Le 27 juin 1986, les États-Unis ont été condamnés par la Cour internationale de justice de La Haye pour avoir violé ces principes au Nicaragua ».

Dans cet arrêt, la Cour présidée par un juge indien a repoussé par 12 voix contre 3 la justification de l’autodéfense et a décidé que les USA avaient violé : l’obligation de non-ingérence en armant et en finançant les contras nicaraguayens ; l’obligation de ne pas exercer l’usage de la force en attaquant le territoire nicaraguayen en 1983-84 ; l’obligation de respecter la souveraineté et le commerce pacifique, en minant les eaux territoriales.

Marinella Correggia



Articles Par : Marinella Correggia

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]