Le grand silence des médias

Gaza, Vote de l'Italie sur la Palestine et torture du soldat Manning

Le grand silence des médias : Gaza

Que se passe-t-il dans la Bande de Gaza depuis huit jours ? Rien, à en juger par le silence de la presse et des télévisions occidentales sur les conséquences tragiques des bombardements aéronavals déchaînés il y a une semaine par Israël sur un million et six cent mille Palestiniens. Aucune mention des décès dans les hôpitaux qui ont fait  monter à 178 le nombre des morts, quasiment tous civils dont un tiers d’enfants, aucun écho des appels et dénonciations des ONG et des autorités du Hamas sur la carence de médicaments, anesthésiques, pénicilline et antibiotiques, instruments chirurgicaux essentiels pour soigner plus de mille mutilés et blessés.

Du renvoi de la négociation qui aurait dû rendre opérationnels les termes de la trêve on ne trouve nulle trace dans les media européens (deux exceptions : le britannique Guardian et l’allemand Frankfurter Rundschau). Auraient dû s’en charger le président égyptien Morsi, occupé à la répression de l‘insurrection populaire contre son coup d’état, et Abu Mazen qui, bien que ne valant désormais guère plus que des nèfles, s’est envolé pour New York pour l’assemblée générale de l’ONU. Evidemment Netanyahu, Hillary Clinton et Barak Obama, sans parler du « quartette », ne peuvent pas traiter directement avec la seule contrepartie, le Hamas, parce qu’étiquetée « organisation terroriste ». Ouverture des passages ? Suspension partielle de l’embargo qui depuis des années affame un million et six cent mille êtres humains ? On n’en parle pas car cela pourrait embarrasser le gouvernement likoud, le distraire de ses préparatifs de guerre (annoncée depuis des années, Ndt) contre l’Iran et compromettre son triomphe dans les urnes aux élections de fin janvier. Et puis, malgré quelque assassinat à travers les barbelés du plus grand lager à ciel ouvert et quelque barque éperonnée et envoyée par le fond par les Israéliens à trois kilomètres de la côte de Gaza, la trêve pour le moment tient, au moins jusqu’au prochain massacre motivé par un présumé droit d’Israël à se défendre. Et la prochaine tournée, dans le contexte d’une grande guerre moyen-orientale pourrait être plus sanglante et dévastatrice que celles qui l’ont précédée.

Le grand silence des médias : le vote de l’Italie sur la Palestine.

A vingt-quatre heures (28 novembre, NdT) du vote de l’assemblée générale de l’ONU sur l’admission de la Palestine comme observateur dans l’organisme international, on ne sait pas encore quelle sera la prise de position de l’Italie[1] ; la question n’a pas été  discutée dans la commission affaires étrangères du Parlement, ni, à ce qu’il s’avère, n’a été approfondie voire simplement traitée par les mass media nationaux. N’en ont parlé ni le Président du Conseil Mario Monti ni le ministre des affaires étrangères Giuliomaria Terzi di Sant’Agata qui dans son précédent rôle d’ambassadeur des Etats-Unis en Italie, pardon, d’ambassadeur d’Italie aux Etats-Unis, n’aurait pas eu besoin de recevoir d’instructions de l’administration Obama (Obama 1, NdT) car informé depuis longtemps du non tranché des Etats-Unis (et d’Israël) à ce qui devrait être le premier, petit et incertain pas de la nation vers la pleine reconnaissance d’état souverain dans la communauté internationale.

L’Espagne, la France et tous les autres pays européens de l’aire méditerranéenne ont annoncé officiellement leur décision de voter favorablement, le Royaume-Uni a indiqué sans le déclarer explicitement la même intention, et probablement l’Allemagne s’abstiendra-t-elle à cause de sa responsabilité dans un passé infâme.

Voilà les termes du dilemme aussi mélancolique que silencieux qui angoisse l’ex ambassadeur des Etats-Unis en Italie, pardon, de l’ex ambassadeur d’Italie aux Etats-Unis. Il serait malséant autant qu’erroné de le qualifier de serviteur de deux patrons – le patron est unique ; mais se ranger contre une grande partie de l’Union européenne alors que son gouvernement exalte à tout bout de champ une fidélité éternelle à celle-ci, surtout en ce qui concerne l’austérité imposé à notre pays, crée un gros problème à Giuliomaria Terzi di Sant’Agata.

L’assemblée générale du Palais de Verre votera à grande majorité en faveur de la reconnaissance de la Palestine comme observateur, étant donné que de nombreux pays l’ont déjà reconnue bilatéralement comme état indépendant et souverain. Et le non étasunien et israélien n’a valeur de veto qu’au conseil de sécurité et pas à l’assemblée générale. Abou Mazen espère ainsi récupérer un peu du prestige ignominieusement perdu, mais le prix à payer pourrait se révéler trop élevé : on a appris que les Etats-Unis lui ont demandé de s’engager par un « écrit privé » à ne pas faire suivre à la Cour pénale internationale la dénonciation de l’état hébreu pour ses colonies illégales dans les territoires occupés, et pour les crimes de guerre commis contre les Palestiniens déjà mis en évidence par les Nations Unies.

Le grand silence des médias : le soldat de deuxième classe Manning torturé pendant 915 jours aux USA.

Le soldat de deuxième classe Bradley Manning aura pour la première fois un contact avec le monde extérieur après 915 jours de quartiers de haute sécurité dans un pénitentiaire des Etats-Unis. Un tribunal militaire, différent de la Cour Martiale qui le jugera le 4 février 2013, écoutera en effet en session « semi-publique » sa dénonciation des souffrances physiques et psychiques qui lui ont été infligées pendant sa longue incarcération. Pendant neuf mois en isolement total dans une cellule de deux mètres cinquante sur un mètre quatre-vingt où on lui interdisait de s’allonger sur le pavement et de s’appuyer au mur après les heures de sommeil : et ces heures de sommeil interrompues toutes les cinq minutes par ses gardiens. Deux fouilles au corps invasives par jour et nudité intégrale pendant 800 des 915 jours passés en prison dans des conditions de privations sensorielles.

Sa convocation par le tribunal militaire fait suite au rapport-dénonciation de l’avocat responsable pour les Nations Unies des délits de torture, qui a constaté dans les conditions infligées au soldat les éléments caractérisants de traitements cruels, inhumains, dégradants, analogues à de possibles tortures.

Le jeune Bradley Manning, âgé de 23 ans, n’a été formellement incriminé d’aucun délit pendant trois années, mais les pressions physiques et psychologiques auxquelles il a été soumis, avec des interrogatoires quotidiens percutants, visaient à le contraindre à impliquer Wikileaks et son responsable Julien Assange dans un présumé complot d’espionnage et attentat à la sécurité des Etats-Unis d’Amérique. Ce qui rendrait plus que probable, sans la connivence opérationnelle de l‘état suédois, l’extradition directe d’Assange aux Etats-Unis et sa condamnation à la prison à perpétuité ou à la peine de mort.

Manning a admis avoir reçu d’un co-militaire –qui l’a ensuite dénoncé- certains documents secrets du Pentagone, dont le film d’un mitraillage de civils perpétré par un hélicoptère étasunien ; mais il a revendiqué son droit en tant que citoyen étasunien à rendre publiques les violations du droit international et de la Constitution commises par le gouvernement de Washington.

Les mass media étasuniennes, au premier rang desquelles le New York Times qui dans un premier temps avait publié les révélations de Wikileaks, ont à l’improviste fait marche arrière, faisant peu de cas des tortures infligées à Manning et critiquant vivement Julian Assange qui, s’étant réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres,  se serait soustrait à la justice suédoise. Celle-ci avait demandé son extradition pour l’interroger sous l’inculpation d’avoir imposé des rapports sexuels sans contraception à deux de ses concitoyennes.

Le silence l’a emporté aussi sur les sectarismes des versions étasuniennes dans quasiment tous les journaux et chaînes de télévision d’Europe.

Lucio Manisco

Reçu de l’auteur et traduit par Marie-Ange Patrizio


[1] L’Italie a finalement voté en faveur de l’admission de la Palestine comme état observateur : http://www.ilmessaggero.it/primopiano/esteri/palestina_onu_stato_osservatore/notizie/234738.shtml



Articles Par : Lucio Manisco

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