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Le huit mars ?
Par Maryse Laurence Lewis
Mondialisation.ca, 08 mars 2017
8 mars 2016
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/le-huit-mars/5512705

Photo : Femmes au Burkina Faso

Pour ceux qui ne le savent pas ou ont tendance à l’oublier, le huit mars, consacré jour international des femmes, est né dans les flammes. Celles de la première guerre mondiale, de la Révolution russe et d’ouvrières immolées. Diverses organisations socialistes, en Amérique et en Europe, proposaient cette journée, en 1909 et 1910. On l’officialisa lors d’un Congrès, en 1911. En mars de la même année, des ouvrières majoritairement immigrantes, tenues sous clé en usine, n’ont pu échapper à un incendie : dans une fabrique de textile, à New-York, 140 d’entre elles sont mortes. On lia définitivement la lutte ouvrière à celle des femmes. Dans les années qui suivirent, plusieurs marches de revendications eurent lieu le 8 mars. C’est une manifestation de travailleuses russes, le 23 février 1917 du calendrier julien, équivalent au 8 mars du calendrier grégorien, qui figea cette date, quelques jours avant le renversement du tsar. Lénine (Vladimir Ilitch Oulianov) en fit un jour officiel en 1921 et l’Organisation des Nations-Unies en 1977.

Ce huit, symbole de l’infini, de Mars, dieu de la guerre, les femmes sont conviées, non pas à célébrer de petites victoires, mais à continuer à lutter. Et surtout, à ne pas oublier ce que leurs ancêtres ont souffert et leurs consoeurs moins favorisées subissent encore.

L’émancipation sera effective lorsque nous n’aurons plus besoin de juger un Comité au fait qu’il soit ou non paritaire en hommes et femmes. Lorsque nous ne parlerons plus de Noirs, de Blancs, de minorités visibles… Lorsque toutes les langues inventeront un genre neutre! Lorsqu’on pèsera les actes d’un gouvernement pour ses réalisations et non au fait qu’il soit dirigé par un autochtone, une femme ou un homme. Dans certains pays, les anovulants ont apporté plus de sécurité aux femmes, l’éducation sexuelle mit fin aux anciennes pratiques qui laissaient les adolescentes dans l’ignorance de ce qui les attendait lors d’un mariage. Dans bien des pays, le mariage forcé a été aboli, mais cette coutume subsiste encore et est fréquemment importée lors d’une immigration. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Dans les pays où les femmes peuvent circuler librement, travailler hors de la maison, bénéficier de garderies, briguer des postes autrefois réservés aux hommes, la libération n’est pas acquise. Cette éducation sexuelle et ces méthodes contraceptives n’ont guère diminué le nombre d’avortements. Des femmes sont encore contraintes à la prostitution. Les nommer « travailleuses du sexe » est un euphémisme hypocrite qui n’enraye pas le fait qu’elles sont exploitées. À tous les coins de rue, elles risquent leur santé et leur vie. Les enfermer dans des maisons particulières ne mettrait pas fin à l’absurdité de cet échange. Nous devrions mettre un terme à une société de consommation, où l’accès à un corps se monnaye. Les femmes sont sorties du monde étroit de leur logis, mais travaillent comme les hommes pour des cadres et des directeurs qui gagnent plus de 200 fois le salaire de leurs employés. Sans aucun risque, puisqu’ils sont couverts par les lois de la faillite et toujours subventionnés par les gouvernements néolibéraux qui leur octroient des reports d’impôts, des bonus, des abris fiscaux.

Les attentats du 15 janvier 2016, au Burkina Faso, ont fait connaître ce pays, si longtemps assujetti aux puissances coloniales. Souhaitons que cet événement morbide fasse rejaillir à la mémoire les tentatives d’un homme, Thomas Sankara, d’offrir à son peuple et aux opprimés du monde une politique qui a instauré la fin des mariages forcés, la fin de l’excision, l’accès à des technologies qui ont facilité la vie des femmes, du moins, au cours de son passage à la présidence, avant qu’un Coup d’État remette en place un vassal disposé à complaire aux néocolonialistes. Je suggère donc aux hommes et aux femmes la lecture d’un recueil rédigé par lui, afin de ne pas oublier l’universalité de cette lutte. Pour qu’il n’y ait plus jamais de bûchers de « sorcières » et d’usines où l’on périt sous les flammes, que l’on soit femme, homme ou enfant…

Maryse Laurence Lewis 

Références :

Centre National de la Recherche Scientifique, CNRS le journal : « Journée des femmes, la véritable histoire du huit mars », article du 7 mars 2014, par Stéphanie Arc.

Journal Égalité, pour l’émancipation et le progrès social : « Histoire du huit mars », http://katstein.wifeo.com/histoire-du-8-mars.php

 « L’émancipation des femmes et la lutte de libération de l’Afrique », de Thomas Sankara, publié en 2008 aux Éditions Pathfinder.

 

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