Le long chemin d’Haïti

Haïti a besoin de plus de 20 milliards de dollars pour se relever de la terrible catastrophe vécue il y a trois ans, qui a fait plus de 250 000 morts et de l’épidémie de Choléra. Tel est l’appel lancé par ses dirigeants. L’ile a aussi besoin de solutions originales de financement à l’image de l’accord Petrocaribe avec le Venezuela.

« Selon nos calculs, le pays a besoin de 20 milliards de dollars d’investissements directs pendant cinq à dix ans », a estimé Grégory Mevs, l’un des plus principaux chef d’entreprise d’Haïti, à la tête du Conseil consultatif présidentiel sur le développement économique et l’investissement (CCPDEI), qu’il codirige avec l’ancien président étatsunien Bill Clinton.

Haïti demeure le pays le plus pauvre du continent américain, avec un taux de chômage qui dépasserait les deux-tiers de la population active, et où la majorité des habitants vit avec moins de 1 dollar par jour. Mais Haïti hélas suscite davantage de méfiance que de compassion ou d’intérêt, ce qui est bien injuste pour ce pays au destin chaotique depuis le jour où il a eu le courage de demander son indépendance, indépendance qu’il a payé –et paye- encore fort cher.

Double peine puisque Haïti a été marquée depuis fin 2010 par cette épidémie de choléra pour laquelle la responsabilité des forces de la Minustah est toujours niée par les Nations Unies, alors que comme l’a rappelé le premier Laurent Lamothe lors d’une visite mi-septembre en Europe « cela semblait une évidence scientifique ». Fait corroboré par la publication d’un nouveau rapport scientifique sur le sujet, Haïti n’ayant pas connu de choléra depuis 100 ans, et les troupes népalaises de la Minustah étant en cause ; Plus de 8000 morts et 650 000 personnes infectées sur les trois dernières années. Sans oublier que le plan d’éradication de la maladie, prévu par les Nations unies n’a pas été capable de recueillir les fonds nécessaires, malgré les appels répétés de son Secrétaire général Ban Ki-moon.

Les ministres de la défenses de l’Unasur avaient déjà en juin 2012 émis l’avis qu’il fallait réduire la présence de la Minustah, celle-ci étant de plus en plus mal supportée par les habitants de l’ile, pour la remplacer par d’autres types d’aides. Une journée de soutien du continent latinoaméricain a été organisée en juin dernier en ce sens, craignant que le soutien militaire et diplomatique du Canada, des Etats-Unis d’ Amerique et de la France, ne finisse par favoriser les entreprises multinationales de ces pays, que les entreprises minières canadiennes et étasuniennes.

L’annulation de la dette a aussi fermé l’accès aux marchés financiers. Le pays a besoin de prêts pour se développer, à condition de déterminer les priorités stratégiques de l’utilisation de ces crédits comme c’est le cas avec le Venezuela, à travers le fonds Petrocaribe. Le 6 septembre dernier s’est tenu justement dans la capitale haïtienne le Conseil des ministres de la zone Petrocaribe (18 pays concernés, 83 millions d’habitant concernés). Comme l’a expliqué le premier ministre haïtien Laurent Lamothe ce mode de financement est très intéressant pour un pays qui ne peut emprunter , d’autant que le remboursement de dette pétrolière étalé sur 25 ans se fera en denrées alimentaires, café, riz , ce qui assure aussi aux agriculteurs haïtiens des débouchés réguliers, sans quotas et donc permet de développer et d’améliorer l’agriculture .

Un exemple à prendre en compte alors que le CCPDEI- Conseil consultatif présidentiel sur le développement économique et l’investissement- prône le développement du potentiel minier et du tourisme pour lequel il faut trouver des investisseurs, bref vendre l’idée d’un Haïti, ouvert aux affaires ; le CCPDEI va tenir sa réunion annuelle prochainement en marge de l’AG de l’ONU ; mais comment avancer dans ce sens sans pour autant brader ses richesses en les confiant à des mains extérieures, et être sûr d’en percevoir les éléments positifs. Toute la question est là.

Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo

El Correo, Paris, 23 septembre 2013

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