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Le Mic Mac de la France dans son projet de création d’un État sous contrôle kurde à Raqqa en Syrie.
Par René Naba
Mondialisation.ca, 06 janvier 2018
Madaniya
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« Nos frontières ne sont pas des limites. Ce sont des blessures. À chaque pas de notre traversée, nous nous souvenons de Maysaloun Et de la terre de Palestine. Nous écoutons les appels au secours venus d’Alexandrette.» Choukri Al-Kouatli, Président de la République Syrienne (1954-1958).

1 – Le projet français d’un État à Raqqa, sous contrôle kurde, en Syrie.

Le président Emmanuel Macron a fait part de son intention de prendre contact avec le président syrien Bachar Al-Assad à la fin de la défaite de Daech prévue à la fin février 2018, en complément de ses contacts avec les «minorités» de Syrie, confirmant implicitement l’objectif de sa diplomatie de créer un «Etat» à Raqqa, sous contrôle kurde, illustration de la politique louvoyante menée par la France au Moyen Orient depuis son accession au pouvoir, en Mai 2017, tant vis-à-vis de l’Irak qu’en Syrie qu’au Liban, qu’en Palestine.

«La guerre contre Daech en Syrie sera terminée «d’ici mi-février».  Mais Bachar sera toujours là», affirme le président français qui affiche, dans une interview à France 2, le 16 décembre 2017, sa volonté de dialoguer avec lui et ses représentants, tranchant ainsi avec ses prédécesseurs, «mais aussi avec toutes les minorités».
Le président français a ainsi confirmé au plus haut niveau de l’état les propos du porte-parole du Quai d’Orsay, tenue en septembre 2017 sur la nécessité de mettre sur pied un «état» à Raqqa.

Sous couvert de contact avec Le président syrien, la France projette en effet d’édifier un «État» à Raqqa, sous contrôle kurde, dans le prolongement de sa politique de balkanisation du Monde arabe inaugurée au XX me siècle par les accords Sykes-Picot.

Débouchant sur le découpage du Moyen orient en deux zones d’influence au bénéfice des puissances coloniales de l’époque, le Royaume Uni et la France, sur les débris de l’Empire ottoman, cette politique s’est concrétisée par la déclaration Balfour portant création d’un «Foyer National Juif en Palestine», la création de l’ «État du Grand Liban», l’amputation de la Syrie du district d’Alexandrette et son rattachement à la Turquie, enfin, la dotation d’Israël du potentiel atomique à Dimona, sous le gouvernement de Pierre Mendès France en 1955, plaçant de facto les négociations israélo-arabes sous le rapport inégalitaire de la menace atomique israélienne.

Si au XX me siècle, la France a fait cadeau à la Turquie, son ennemi de la première guerre mondiale d’un territoire syrien, son projet, au XXI me siècle, est principalement dirigé contre la Syrie, certes, mais aussi contre la Turquie, son partenaire dans la guerre de démembrement de l’État syrien, menée sous couvert du « printemps arabe ».

Gros pourvoyeur de djihadistes dans la guerre de Syrie et de flux migratoire vers l’Europe, le président turc Recep Tayyip Erdogan est attendu vendredi 5 janvier à Paris, premier dirigeant etranger en visite officielle en France en 2018, pour des entretiens avec le président Emmanuel Macron en vue de désamorcer ce conflit potentiel.

Retour sur ce Mic Mac présenté par les hiérarques français comme étant le nec plus ultra de la rationalité cartésienne

Raqqa, capitale éponyme du gouvernorat de Raqqa, dans le centre de la Syrie, a également été la « capitale » syrienne de l’État Islamique de 2014 à 2017. C’est depuis Raqqa qu’ont été planifiés, dans leur majorité, les attentats terroristes qui ont frappé l’Europe, notamment ceux du 13 Novembre 2015 à Paris (Bataclan).
En grande partie détruite lors de la bataille de la reconquête de la ville des mains des groupements terroristes, elle est depuis lors contrôlée par les Forces Démocratiques Syriennes, qui bénéficient d’un encadrement français. En échange de ce soutien, les milices kurdes ont participé activement à la capture des terroristes français, notamment la bretonne d’Emilie Koning, engagés dans les rangs des groupements terroristes Daech et Jabhat An Nosra.

2 – Déclaration du Porte-parole du Quai d’Orsay : Agnès Romatet-Espagne

«Une fois que la ville de Raqqa sera reprise aux terroristes de Daech, la mise sur pied d’un État à Raqqa sera l’une des priorités de la France.

«Dans le processus de rétablissement de la stabilité à Raqqa, il est indispensable de créer un État légitime et efficace pour gérer la ville. La France est en train de débattre sérieusement avec ses alliés au sein de la coalition internationale anti Daech et cela est l’une de ses priorités ».

Mme Romatet-Espagne a été une proche collaboratrice de Laurent Fabius. Sous le magistère du petit télégraphiste des Israéliens dans les négociations sur le nucléaire iranien, le Quai d’Orsay a été coutumier de telles lubies. En pleine guerre de Syrie, le plus célèbre ronfleur des forums internationaux avait proposé de limiter le droit de veto de la Russie sur le dossier syrien, sans se douter que cette mesure allait pénaliser, par contrecoups, le veto américain en faveur d’Israël.

Pour aller plus loin sur ce sujet

Il en a été de même auparavant sous le règne du karcher boy des banlieues frondeuses de France. La mise en route du projet de loi sur la criminalisation de la négation du génocide hitlérien, en pleine campagne pour la réélection de Nicolas Sarkozy à la magistrature suprême, en 2012, a paru répondre au premier chef à des considérations électoralistes. Destinée à glaner les voix de l’importante communauté arménienne de France, elle a eu pour première conséquence la rupture de la coopération entre la Turquie et la France, les deux parrains essentiels de l’opposition off-shore syrienne, plaçant les deux pays artisans du démembrement de la Syrie en position de guerre larvée. Curieux retournement de vieux complices. Ainsi va la France…… en toute impunité. En toute irresponsabilité.

3- Le discours disjonctif de la France à propos de la Catalogne et de Raqqa

La déclaration de Mme Romatet-Espagne sur Raqqa (Syrie) est intervenue le 19 octobre 2017, soit dix jours après le référendum sur l’indépendance de la Catalogne (Espagne), à laquelle la France s’est opposée de crainte d’une dislocation de l’Union Européenne dans la foulée du Brexit britannique.

Prôner un état à Rapqa, soit. Mais très cruellement, de quel poids pèse la France alors que les États Unis et Israël ont été contraints à renoncer à leur plan de partition de l’Irak, et, sous l’effet des pressions de la Turquie, Donald Trump de cesser ses livraisons d’armes aux forces kurdes de Syrie ?

Au-delà de l’effet d’annonce, sauf à «jouer la mouche du coche» au risque de cautionner en France le séparatisme des mouvements indépendantistes bretons, corses ou basques, se pose le problème de la cohérence de la position française sur un principe cardinal du Droit international, l’intangibilité des frontières issues de la colonisation. Et partant de la crédibilité de la diplomatie française, particulièrement en direction du Monde arabe où le président Emmanuel Macron tente un recentrage difficile après une décennie de gesticulation contre-productive du tandem Nicolas Sarkozy-François Hollande, ayant abouti à l’effacement de la France de son ancienne zone d’influence.

4- L’Irak et le Hached Al Chaabi

Ignorant vraisemblablement les considérables modifications intervenues dans les rapports de force au niveau régional depuis son entrée en fonction, Emmanuel Macron récidivera à propos de l’Irak, préconisant le démantèlement de la milice chiite «Al Hached Al Chaabi», doublement victorieuse tant de Daech que de la sécession Kurde.

Recevant samedi 3 décembre 2017 à Paris le premier ministre de la région autonome Du Kurdistan irakien, Nechervan Barzani, Emmanuel Macron avait appelé à « une démilitarisation progressive, en particulier de la ‘+mobilisation populaire+’ qui s’est constituée ces dernières années, et que toutes les milices soient progressivement démantelées», sans mentionner les Peshmergas, les milices kurdes.
«Sans le Hached, Daech serait arrivé au cœur de Paris. Les Irakiens attendaient de la communauté internationale, et notamment de la France, qu’elle félicite les combattants qui ont donné leur vie pour leur pays et pour le monde», lui a vertement répliqué Houman Hamoudi, vice- président du Parlement irakien.

Contrairement aux assertions françaises, la France n’est pas le grand vainqueur de la guerre de Syrie, mais le grand perdant, dont le grand vainqueur est l’axe constitué autour de la Russie par le pouvoir baasiste syrien, l’Iran, le Hezbollah libanais et leur dernier allié en date, la Turquie.

Sauf à pratiquer une nuisance destinée à compenser la relégation au rang de «pays affinitaire» de l’ancien chef de file de la coalition islamo-occidentale de la guerre de Syrie, se pose la question de savoir de quel poids pèse la France pour mener à bien son projet face à la Russie, maître d’œuvre de la solution politique en Syrie, qui dispose par ailleurs d’une importante base navale à Tartous (Méditerranée), doublée d’une base aérienne, la première au Moyen Orient depuis un demi-siècle ?

Face aux États-Unis, qui disposent de 54.000 soldats, soit le quart des effectifs de l’armée de terre française, dans une zone allant de l’Afghanistan à la Somalie en passant par le Golfe, la Syrie et l’Irak. En augmentation de 33 pour cent depuis le début des hostilités contre les groupements terroristes du Levant, ce déploiement est sous tendu par une importante infrastructure militaire, selon un rapport de Mica Zenko soumis à Chatham House (RU) à l’automne 2017.

Il en est de Raqqa, comme auparavant de la reconstruction de la Syrie. La France, sous la présidence de François Hollande, a bloqué tout projet de participation financière à la reconstruction de la Syrie, estimant que cela légitimait le président syrien Bachar el-Assad. La haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, avait proposé de subordonner une éventuelle aide pour la reconstruction à des conditions politiques. Mais elle s’est heurtée à l’intransigeance de la France, alors catégorique sur l’absolue nécessité d’une transition politique, conduisant la Syrie a opéré un «pivot vers l’Est» au bénéfice de la Chine. Exit la France.

Cette ouverture vers la Chine s’est traduite d’ailleurs par l’arrivée des premiers contingents des «Tigres de la nuit», les troupes de choc de l’armée chinoise à la base navale russe de Tartous (côte syrienne de la Méditerranée) en vue de participer aux combats contre les groupements terroristes turkmènes et ouighours présents en Syrie.

Sur ce lien la présence des unités combattantes chinoises en Syrie http://www.raialyoum.com/?p=796097

5- La Palestine

Même louvoiement à propos de la Palestine. Emmanuel Macron a assuré qu’il n’y aura pas de reconnaissance de l’État de Palestine par la France, ni initiative française ou européenne pour sortir de l’impasse le conflit israélo-palestinien.

«Décider unilatéralement de reconnaître la Palestine est-il efficace? s’est interrogé le chef de l’État. Je ne crois pas. Car ce serait une «réaction» à la décision américaine «qui a provoqué des troubles dans la région», a développé Emmanuel Macron. «Je répliquerais une erreur d’un type pareil», a-t-il estimé, ajoutant qu’il n’allait «pas construire le choix de la France en réaction» à la politique américaine. Le président de la République a toutefois rejeté toute «timidité» sur ce dossier, alors qu’il s’investit beaucoup entre Kurdes et Arabes irakiens ou dans le Golfe. «L’esprit de méthode n’est pas la timidité», a-t-il insisté. De la casuistique pure.

M. Macron a certes invité le premier ministre israélien à de «gestes courageux» en direction des Palestiniens, mais «en même temps», il a assuré Benjamin Nethanyahu de son intention de developper la coopération de la France et Israël en dépit de sa réprobation de la décision unliatérale américaine de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et la cinglante réplique de son hôte israélien: «Paris est la capitale de la France et Jersalem la capitale d’Israël».

6- Liban: Hariri, le cheval de troie de la France dans ses projets de reconstruction de la Syrie

Ultime point d’ancrage de la France au Liban, Jupiter de France a volé au secours du premier ministre libanais Saad Hariri lors de sa captivité en Arabie saoudite, le 4 novembre 2017, en vue d’offrir une sortie honorable au pouvoir wahhabite.

Mais, «en même temp», il a invité d’une manière saugrenue, le Hezbollah, un des artisans sur le plan libanais et international de cette victoire diplomatique -en tandem avec le président Michel Aoun-, a «désarmer» pour s’intégrer pleinement dans la vie politique libanaise, alors que le Liban, objet d’agressions permanentes régulières d’Israël fait face à un pays doté d’une grande capacité nucléaire.

En voulant donner de la visibilité au premier ministre libanais en faillite politique et financière, la France a voulu renflouer un de ses rares partenaires au Liban. Tout d’abord politiquement, par son accueil par le président Emmanuel Macron, accréditant ainsi l’image d’un interlocuteur des dirigeants occidentaux, puis économiquement en acceptant de servir de paravent aux entreprises françaises, sous couvert de sociétés mixtes franco-libanaises dans le plan de reconstruction de la Syrie, dont la France est exclue.

En fait, le président français cherche à concilier deux objectifs apparement contradictoires: Se démarquer de ses deux calamiteux prédécesseurs sans se couper des pétrodollars saoudiens, ni de l’important marché iranien, alors que le royaume saoudien cherche désespérément à acquérir auprès de Moscou des missiles S 400 pour protéger son espace aérien des missiles houthistes tirés depuis le Yémen.

7 – Le précédent d’Alexandrette : De la Grande Syrie à la Syrie mineure.

Près de 560.000 Arabes et Africains, Chrétiens et Musulmans ont volé au secours de la France durant la 1ère guerre mondiale, dont 73.000 tués, autant pour la 2eme guerre mondiale, mais la France gratifiera en retour les Arabes d’ingratitude, deux fois en un même siècle, à Alexandrette (Syrie) d’abord, à Sétif (Algérie) ensuite, une récidive qui n’est nullement le fruit du hasard.

En Syrie, le projet français ne manquait pourtant ni d’audace ni de grandeur. La France se proposait de constituer une «Grande Syrie englobant Jérusalem Bethléem, Beyrouth, Damas, Alep, Van Diyarbakir, jusque même Mossoul», c’est à dire un territoire englobant la Syrie, une partie du Liban, de la Palestine, de la Turquie et de l’Irak.

Les instructions du ministre français des Affaires étrangères Aristide Briand à Georges Picot, son consul général à Beyrouth étaient claires et ne souffraient la moindre ambiguïté : «Que La Syrie ne soit pas un pays étriqué…Il lui faut une large frontière faisant d’elle une dépendance pouvant se suffire à elle-même», concluait la note en date du 2 novembre 1915.

Face aux habiles négociateurs anglais, la Syrie du fait de la France et contrairement à ses promesses, a été réduite à sa portion congrue au prix d’une quadruple amputation, délestée non seulement de tous les territoires périphériques (Palestine, Liban, Turquie et Irak), mais également amputée dans son propre territoire national du district d’Alexandrette.

Une trahison qui conduira le ministre syrien de la défense, Youssef Al Azmeh, en personne, à prendre les armes contre les Français pour la conjurer à Khan Maysaloun (1920), dans laquelle il périra ainsi que près de 400 des siens dans la bataille fondatrice de la conscience nationale syrienne.

Depuis lors la Syrie a tenu la dragée haute à la France s’opposant frontalement à toutes ses équipées en terre arabe, que cela soit en Algérie où elle sera le premier pays arabe à y dépêcher des volontaires auprès des «Fellaghas» ; au Liban dont elle constituera le «verrou arabe» pendant un demi-siècle. Au regard de la duplicité française et de la voracité turque, le parrainage franco turc a obéré la crédibilité de l’opposition syrienne de l’extérieur dans sa contestation du régime baasiste.

L’erreur est humaine, mais pour un pays qui revendique une posture moralisatrice sa répétition est maléfique. Puissance continentale et maritime, bordée de surcroît sur son flanc sud de la rive musulmane de la méditerranée, la France tournera le dos à la vision novatrice de François Ier et de Bonaparte et optera au niveau de la sphère musulmane pour une diplomatie de la canonnière et une politique du cantonnement.

8- La contribution des Kurdes Syrie à l’essor du nationalisme arabe.

La connivence israélo-kurde en Irak est connue et reconnue. Encouragée d’ailleurs par le lobby pro israélien de France notamment par Bernard Henry Lévy, l’instaurateur de la charia en Libye, et Bernard Kouchner, le médecin urgentiste des zones pétrolifères, seul responsable français à s’être rendu au Kurdistan irakien en septembre 2017 pour féliciter Massoud Barzani de son référendum d’Indépendance avorté.

Sur ce lien, la connivence israélo-kurde en Irak, un secret de polichinelle.

Et sur celui-ci sur l’Indépendance du Kurdistan, un 2me Israël sur le flanc oriental du Monde arabe

Il n’en est pas de même des Kurdes de Syrie. Sans remonter aux croisades et à l’épopée du kurde Saladin, vainqueur des Francs et artisan de la reconquête de Jérusalem par les Musulmans en 1187, est-il besoin de rappeler l’identité de Souleymane Al Halabi, cet étudiant kurde syrien, assassin du général Jean Baptiste Kléber, lors de la campagne d’Égypte de Napoléon Bonaparte, le 14 juin 1800.

Sur la problématique kurde de Syrie et les avatars de la France en ce domaine, Cf : Un paravent Kurde à la tête de l’opposition syrienne off-shore

Longue est la liste des dirigeants syriens, d’ethnie kurde, dont la contribution a été décisive à l’époque contemporaine à la défense de la Syrie et à la promotion des thèses du nationalisme arabe, dont voici la liste non exhaustive (1) :

  • Sati Al Housri, philosophe de référence du nationalisme arabe. Né à Sanaa, au Yémen, en 1880, de parents aleppins, il fit sa carrière en Irak comme ministre de l’Éducation nationale, sous l’émir Fayçal 1er, avant de regagner la Syrie où il continua la lutte pour la réalisation de cet objectif.
  • Youssef Al Azmeh, symbole du patriotisme syrien. Ministre syrien de la Défense, il prit la tête de 400 hommes valides pour livrer bataille aux Français à Khan Maysaloun, le 24 juillet 1920, il y a près d’un siècle. Maysaloun résonne depuis lors dans la mémoire du peuple syrien comme le symbole de la résistance à l’agression.
  • Enfin, Mohamed Kurd Ali, kurde, fondateur de l’Académie de langue arabe à Damas qu’il présida jusqu’à sa mort en 1953. Le Monde arabe doit à Kurd Ali, ministre de l’Éducation nationale de Syrie, la pérennisation de la langue arabe

Citons aussi pour l’édification des politologues qui trustent de leurs balivernes les lucarnes françaises:

  • Ibrahim Hananou, le premier leader politique, d’origine kurde, à rejoindre les rangs de la grande révolution patriotique de libération dirigée par Sultan Pacha el-Atrache contre l’occupation française (la révolte du djebel druze, dans le jargon français).
  • Khaled Bagdache, le très charismatique dirigeant de la gauche syrienne, secrétaire général du PC syrien pendant un demi-siècle.

Et pour mémoire dans le domaine religieux, cheikh Ahmad Kaftarou, Mufti de la Arabe Syrienne pendant quarante ans, l’exégète Mohamed Saïd Ramadân al-Boutî, Imam de la Mosquée des Ommeyades, assassiné le 21 Mars 2013, dans l’enceinte même du sanctuaire qui abrite le reliquaire de Saint Jean Baptiste, par des terroristes du Front Al-Nosra (al-Qaïda), ceux-là même qui font du «bon boulot en Syrie», selon l’hyper capé de la méritocratie français, le président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius.

Passons sur les familles turkmènes d’origine, mais néanmoins authentiquement syriennes, telles la famille Al Atassi, qui a fourni trois Présidents de la république à la Syrie (Hachem, Lou’ay et Noureddine) et la Famille de Chukri Kouatly, Président de la République syrienne (1954-1958). Turkmène d’origine, artisan de la fusion syro-égyptienne et gratifié par Gamal Abdel Nasser du titre honorifique de «citoyen arabe numéro 1». Chuckri Al Kouatly, quand bien même turkmène, a été fondateur en 1907 du « Mouvement des Jeunes Arabes » sur le modèle du « Mouvement des Jeunes Turcs », devenant le chantre de l’arabisme s’exclamant face aux projets de balkanisation du Monde arabe.

«Nos frontières ne sont pas des limites. Ce sont des blessures. Nos frontières ne sont pas des limites. Ce sont des blessures. À chaque pas de notre traversée, nous nous souvenons de Maysaloun. Et de la terre de Palestine. Nous écoutons les appels au secours venus d’Alexandrette. Patience chère Patrie… patience. Nul ne pourra te séparer de nous. Nul ne pourra nous séparer de toi. Tu resteras notre chère Patrie, notre mère Patrie, notre sainte Patrie, Tu resteras Souriana. »

9- La Syrie, matrice identitaire du Liban avec Mar Maroun et une foultitude de mariages mixtes au plus haut niveau de l’état libanais.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Syrie a servi de matrice identitaire au « Grand Liban », conçu par le général Georges Gouraud pour service de point d’ancrage à l’influence française au Moyen Orient.
Si la quasi-totalité des premiers ministres libanais ont pris pour épouse des syriennes, des dames de grande beauté, à l’authenticité arabe marquée, réputées pour leurs qualités d’hôtesse et leurs talents culinaires, l’Église maronite, elle aussi, n’a pas échappé au tropisme syrien puisque le plus illustre des Maronites, Mar Maroun, lui-même, est originaire de Syrie.

Ce moine chrétien syriaque a vécu à la fin du IV me siècle-V me en Syrie, avant de s’incruster dans la Montagne Libanaise pour y fonder l’Église maronite qui deviendra la communauté privilégiée par la France avant que ses dirigeants politiques ne se vautrent dans le déshonneur de la collaboration avec Israël sur le modèle de la France de Vichy.

Malgré sa phobie anti syrienne, Bachir Gemayel, le chef des milices chrétiennes pro-israéliennes et président éphémère du Liban, n’a pas résisté à l’attraction syrienne convolant en justes noces avec Solange Toutoungi, une dame dont la famille est d’origine syrienne.

Il en est de même du Père Boulos Naaman, supérieur de la congrégation de l’Ordre des Moines Maronites du Liban, et véritable moine soldat lors de la guerre civile libanaise, issu de la confédération tribale syrienne Al Asfari et du Patriarche maronite Pierre Nasrallah Sfeir, dont la famille est originaire du village de Sfira dans le Houran.

En sens inverse, et à tout seigneur tout honneur :

L’Émir Abdel Kader al Jazaïri, le chef nationaliste algérien exilé par la France en Syrie, a pris pour épouse une libanaise Adiba Beyhoum, issue de la grande bourgeoisie sunnite de Beyrouth et le premier ministre jordanien Abdel Moneim Al Rifai a épousé la syrienne Nahila Al Qodsi, qui deviendra, après son divorce, l’épouse du grand compositeur égyptien Mohamad Abdel Wahab.

Le chef de la communauté druze de Syrie, Sultan Pacha Al Atrache, a épousé en secondes noces, Camillia Joumblatt, sœur de Kamal Joumblatt, chef de la gauche libanaise. Résidente dans le secteur chrétien de Beyrouth, Camillia a été assassinée pour des motifs sectaires par des miliciens phalangistes en 1975 lors de la guerre civile libanaise. La première épouse du Sultan n’est autre qu’Asmahane, la grande chanteuse arabe, elle aussi assassinée, mais cette fois en Égypte.

Six premiers ministres Libanais ont fait le choix d’épouser des syriennes, dont voici la liste exhaustive :

  • Riyad Al Solh a épousé Faiza Al Jabery (Alep)
  • Abdallah El Yafi, Hind Al Azm (Damas)
  • Takieddine Solh, Fadwa Al Barazi (Hama)
  • Saeb Salam, Faïza Mardam Bey (Damas) et son fils, Taman Salam, Rima Al Dandachi.
  • Rachid Solh, lui, est natif de Damas.

Malgré ses récriminations permanentes contre la Syrie dont son père Rafic Hariri en a été un important partenaire en affaires avec les caciques du régime baasiste, notamment Abdel Halim Khaddam, vice-président syrien et le général Ghazi Kanaan, vice-roi de Syrie au Liban, Saad Hariri n’a pas hésité lui aussi a épousé une syrienne en la personne de Lara Al Azem, fille de Bachir Al Azem, milliardaire syrien opérant en Arabie saoudite dans le domaine du BTP.

Enfin Walid Joumblatt, le saltimbanque de la vie politique libanaise, a épousé, lui, Nora Charabati, la fille de l’ancien ministre de la défense de Syrie, et son coreligionnaire libanais, le Général Chawkat Shoucair, la syrienne Qamar Wafaï (Damas).

Des croisements transnationaux comme pour symboliser à travers la césure imposée par la France, la fusion de ses deux pays frontaliers, certes, mais en état de symbiose permanente. Au grand dam des Français. Pourquoi un tel acharnement sur la Syrie (Alexandrette, Raqqa), alors qu’une alliance avec la Syrie aurait permis de garder sous cape le Liban et le fait de se servir du Liban comme tremplin des menées antisyriennes a fait perdre à la France sa prééminence auprès des deux pays arabes anciennement sous son mandat?. Piètre bilan.

Au terme de cette énumération se pose la question de l’utilité des innombrables résidents français qui se sont succédé à Damas depuis vingt ans (François Burgat, Jean Pierre Filiu, Pierre Vladimir Glassman alias Ignace Leverrier, etc…); des instituts de recherches français qui quadrillent le Monde arabe (Institut Français Pour le Proche Orient, CERMOC (Centre d’Études et de Recherches sur le Moyen Orient contemporain), Observatoire du Monde Arabe, IRIS et IFRI et de leur impact sur la définition de la stratégie diplomatique française, si catastrophique depuis près d’un siècle.

La démonstration sur ce lien :

Orientalistes, publicistes, politistes de France, de Navarre et d’ailleurs épargnez à la France des postures qui se révéleront être des impostures. Méditez plutôt le véritable élément de langage de la vraie France, les recommandations de Jacques Berque à l’École Militaire de Paris, le 14 Mars 1991, au lendemain de la défaite de l’Irak dans la seconde guerre du Golfe (1990-1991) :

  • « Ne pas jouer la division devant les difficultés, face aux revendications.
  • « Ne pas jouer la pauvreté des gens et leur écrasement.
  • « Ne pas refouler indéfiniment les aspirations à l’indépendance et à l’identité.
  • « Ne pas jouer les droits de l’homme contre les droits des peuples et inversement.
  • « Ne pas mépriser l’adversaire. Ne pas se le faire mépriser lui-même, ce qui serait impardonnable
RÉFÉRENCES

Entretien de l’auteur avec Hassan Hamadé, membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel libanais, politiste à l’expertise reconnue dans la texture sociale syrienne. Entretien tenu à Marseille les 16 et 17 novembre 2017, en marge de la Réunion plénière du Réseau des Instances de Régulation Méditerranéennes (RIRM), les instances de régulation de l’audiovisuel des pays du Bassin méditerranéen sous la présidence d’Olivier Schrameck, président du CSA France.

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