Le patriarcat de Constantinople a reconnu l’autocéphale de l’église orthodoxe d’Ukraine : retour sur un geste éminemment politique et calque sur les dogmes occidentaux

Depuis 2014 avec le renversement du président démocratiquement élu Viktor Ianoukovitch, les Occidentaux ont œuvré, en manipulant des hommes de paille ukrainiens, à la déstabilisation de l’Ukraine et ont affiché leur détermination à séparer ce pays majoritairement slave et berceau de la Russie actuelle de celle-ci. 

La religion n’a pas échappé à ces intrigues cachées, le Patriarcat de Constantinople en a été l’instrument. Cette attaque contre la religion orthodoxe russophone date de 2019 et a été complétée depuis, entre autres, par la loi du 21 juillet 2021 sur les « peuples autochtones d’Ukraine » qui prévoit que seuls les Ukrainiens d’origine scandinave, ainsi que les Tatars et les Karaïtes ont « le droit de jouir pleinement de tous les Droits de l’homme et de toutes les Libertés fondamentales », privant ainsi les Ukrainiens d’origine slave des mêmes droits.

Tout cela conduit, depuis novembre 2022, à une recrudescence des menaces et des intimidations contre les monastères et les églises relevant du Patriarcat de Moscou (Eglise orthodoxe ukrainienne). Ces actions racistes organisées par des formations néo-nazies se déclinent sur le terrain par notamment des violations des lieux de culte (enfoncements des portes des églises,…) et le passage à tabac des fidèles. Le paroxysme de cette crise a atteint son apogée avec l’interdiction pure et simple de l’Eglise orthodoxe ukrainienne le 1er décembre 2022.

I Religions chrétiennes et schisme : les dates clés

Une des principales ruptures de l’histoire des religions date de 1054 , elle provoqua la séparation des orthodoxes d’avec Rome et se présente comme le Grand schisme d’Orient. Il faut toutefois remonter en 395 avec la partition de l’Empire romain, avec Rome et Constantinople pour capitales, afin de comprendre comment ont émergé deux mondes aux langues, cultures différentes et qui ont chacune développé une tradition religieuse originale. Mais les relations entre ces deux mondes s’aggravent surtout en 1204 jusqu’à la rupture définitive avec la prise et le pillage de Constantinople par les croisés.

Aujourd’hui le monde orthodoxe rassemble environ 250 millions de fidèles à travers le monde.

II Liens Ukraine /Russie : une unité historique

Les Russes, les Ukrainiens et les Biélorusses sont des héritiers des tribus slaves qui étaient unies, à la fois, par la même langue (le vieux russe), des liens économiques forts et le pouvoir des Princes des Riourikides. Le choix spirituel de saint Vladimir, prince de Novgorod et grand prince de Kiev, scelle encore aujourd’hui les liens de parenté qui unissent l’Ukraine et la Russie. 

Déjà dès la fin du IXème siècle, le trône de Kiev a obtenu une position dominante dans l’Etat russe et la foi reconnue était orthodoxe jusqu’au milieu du XVème siècle, l’administration ecclésiastique y étant unique. Après un bref passage de quelques décennies sous l’autorité du Pape aux termes de l’union de Brest (1596), Moscou a soutenu l’armée zaporogue qui évoquait le respect des droits de la population orthodoxe russe et demandait que «le voïvode de Kiev soit du peuple russe et de loi grecque». A ce terme, au milieu du XVIIème siècle (1653), les habitants, y compris ceux de Kiev, ont prêté serment au tsar de Russie. 

Après les guerres contre l’Empire ottoman, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, la Russie rattacha la Crimée et les terres le long de la mer Noire qui étaient peuplées principalement de population russe à l’empire du Tsar sous le nom de Nouvelle Russie. Les littératures russe et ukrainienne sont également entremêlées et parfois inséparables ne serait-ce qu’en citant Nikolaï Gogol. 

L’Ukraine telle que revendiquée par Kiev actuellement est le résultat de l’ère soviétique et a été créée au détriment des terres historiques russes par les Bolchéviks. Les liens économiques ont toutefois perduré jusqu’au coup d’Etat de «Maïdan» avec par exemple un soutien russe à l’économie ukrainienne via un prix du gaz bon marché (entre 1991 et 2013 uniquement en raison du faible prix du gaz russe, l’Ukraine a économisé plus de 82 milliards de dollars de son budget).

Depuis une décennie avec la mise sous tutelle du pays par les Occidentaux, l’Ukraine voit son économie se désindustrialiser avec des chutes de la production de haute technologie, des chantiers navals, des produits d’ingénierie,… et un PIB en constante décroissance même avant l’opération spéciale russe.

Au regard des faits actuels, les Russes en Ukraine sont contraints de renoncer à leurs racines et ne peuvent plus vivre leur religion telle qu’ils la souhaiteraient.

III Eglise orthodoxe d’Ukraine versus Eglise orthodoxe ukrainienne (relevant du Patriarcat de Moscou)

L’Eglise orthodoxe d’Ukraine (relevant du Patriarcat de Constantinople) est non reconnue par le Patriarcat de Moscou car considérée comme schismatique. Cette Eglise orthodoxe d’Ukraine a été créée en 2018 à partir de deux organisations schismatiques par l’ex-Président Petro Porochenko, marionnette des Etats-Unis, et le Patriarche de Constantinople en contrepoids à l’Eglise orthodoxe russe. En 2019, le Patriarcat de Constantinople a reconnu l’autocéphalie (indépendance) de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine. 

Or, la majorité des quinze Eglises orthodoxes du monde ne reconnaissent pas cette institution comme canonique (le Patriarche de Constantinople n’a aucune compétence sur l’Ukraine en vertu du droit canonique suite au décret de 1686 qui avait autorisé le Patriarche de Moscou à nommer les métropolites de Kiev et à reconnaître la légitimité des évêques du Patriarcat de Kiev et de ceux de l’Eglise autocéphale ukrainienne). La décision de Constantinople de révoquer ce décret de 1686 est considérée par le Patriarcat de Moscou comme «une violation grave du droit canonique et une ingérence d’une Eglise locale sur le territoire d’une autre Eglise locale». 

En légitimant ce schisme, le Patriarcat de Constantinople a perdu, selon le Patriarcat de Moscou, «son droit au statut de centre de coordination de l’Eglise orthodoxe».

La politique ukrainienne s’est invitée également à ce récent débat avec le Conseil de Sécurité nationale et de Défense ukrainien qui a décidé, le 1ER décembre 2022, « d’interdire aux organisations religieuses affiliées à des centres d’influence de la Fédération de Russie d’opérer en Ukraine » (décret 820/2022). Il est à rappeler que les nationalistes intégraux avaient déjà interdit l’Eglise orthodoxe durant la Seconde Guerre mondiale. Suite à cette décision de début décembre 2022, les bâtiments liés à l’Eglise orthodoxe relevant du Patriarcat de Moscou ont été fermés et des prêtres ont été arrêtés.

C’est dans ce contexte qu’arrivée le 3 décembre à Kiev, la sous-secrétaire d’Etat US, Victoria Nuland, a déclaré aux autorités ukrainiennes: «Vous vous battez aujourd’hui non seulement pour votre liberté , mais aussi pour des valeurs démocratiques» (sic). Or, l’Union européenne défend et promeut au sein des Nations unies les principes de «liberté de religion ou de conviction» et de «liberté d’opinion et d’expression», deux principes intrinsèquement liés et complémentaires se fondant sur le caractère universel, indivisible et indissociable de tous les droits de l’Homme. Deux résolutions sont d’ailleurs présentées chaque année devant le Conseil des droits de l’Homme et l’Assemblée générale des Nations unies, l’une par l’Union européenne, l’autre par l’Organisation de la coopération islamique, toutes deux adoptées par consensus.

La politique US, comme pour l’insurrection de Maïdan, n’est pas étrangère aux événements actuels. Il ne faut pas oublier que l’université catholique de Lliv est soutenue depuis des décennies par l’une des plus puissantes universités nord américaines, l’université catholique Notre Dame, à travers l’un de ses instituts, le Nanovic Institute. Dans ce même registre, le chef de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, le métropolite Epiphane, a rencontré à deux reprises le Secrétaire d’Etat US, Mike Pompéo les 23 octobre 2019 et 31 janvier 2020. Le vecteur religieux s’inscrit ainsi dans la diplomatie d’influence US issue de l’International Freedom Act de 1998.

Conclusion

En conclusion, l’immixtion des autorités ukrainiennes influencées par les dogmes occidentaux dans les affaires intérieures de l’Eglise orthodoxe en intimidant et menaçant le clergé et les fidèles souhaitant rester au sein de l’Eglise orthodoxe ukrainienne puis en interdisant cette Eglise constitut une violation des droits de l’homme et de la liberté religieuse (article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et réaffirmés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Cette ingérence créée un précédent au niveau international et est porteuse d’instabilité. De même, la reconnaissance d’une Eglise indépendante en Ukraine par Constantinople est une décision qui mène à la rupture et qui ouvre de manière directe et sans ambiguïtés la possibilité de nouvelles divisions au sein d’autres Eglises dans le monde.

Catherine Roman

 

Principales sources : Réseau Voltaire, ByoBlu.com (Manlio Dinucci), ReinformationTV (Olivier Bault), IRIS (François Mabille).



Articles Par : Catherine Roman

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]