Le patrimoine syrien en ruine

Mosquée d’Umayyad, Alep, photo prise en 2012,avant d’être détruite en 2013 lors de combats. Photographie : Alamy

La guerre en Syrie a fait plus de 130 000 victimes. Les images montrent qu’elle anéantit aussi des bâtiments historiques et des sites classés par l’Unesco.

Il fut un temps où les gens vivaient et travaillaient sur de paisibles boulevards bordés d’arbres, où ils allaient faire leurs courses sur d’antiques marchés et où ils priaient à l’intérieur de somptueuses mosquées centenaires.De tout cela, il ne reste que des ruines. La guerre ne décime pas seulement des générations de Syriens, elle détruit tout ce qui les entoure, y compris des sites remontant aux premiers jours de la civilisation. Déchirée par une guerre longue de bientôt trois ans et qui semble impossible à arrêter, la Syrie voit son patrimoine cinq fois millénaire disparaître chaque jour un peu plus sous les décombres.Sur Internet, des vidéos amateurs souvent très choquantes montrent régulièrement la destruction de villes et de villages entiers. Peu de gens les regardent encore. Les images mal cadrées ne révèlent que rarement les dégâts infligés en dehors du champ de bataille à de vieilles églises, à des forteresses de croisés ou à d’autres vestiges qui avaient résisté à plusieurs milliers d’années de purges et de rébellions et sont aujourd’hui réduits en cendres par une guerre impitoyable.

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Le Vieux Souk, Alep.  Photos: Corbis, Stanley Greene/Noor/Eyevine

Six sites inscrits au patrimoine mondial

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La guerre en Syrie a coûté la vie à plus de cent trente mille personnes. Au moins deux millions de Syriens ont trouvé refuge dans des pays voisins et plus de deux autres millions sont déplacés à l’intérieur du pays. Cela fait longtemps que l’économie et l’industrie ne fonctionnent plus. L’espoir s’amenuise lui aussi de jour en jour. La Syrie compte six sites inscrits au patrimoine mondial retraçant au moins deux mille ans d’histoire. Tous ont été endommagés par les combats.

Ces images prises avant les combats nous montrent la Syrie telle qu’elle est apparue dans les livres d’histoire pendant des décennies : un pays où les gens allaient au marché et se rencontraient dans les cours des mosquées. Les clichés pris aujourd’hui révèlent l’ampleur ahurissante des dégâts dans tout le pays et la destruction de l’âme et de l’identité syriennes.
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Hôpital al-Kindi, Alep. 2011 et 2013. Photos: Getty

A Alep, l’un des plus vieux marchés couverts du monde est aujourd’hui en ruine. Son dédale de ruelles en pierre a été le théâtre de certains des combats les plus acharnés de ces dix-huit derniers mois. Les bombardements aériens et les combats rapprochés au sol ont été sans pitié pour cet héritage national. Ceux qui osent encore se dresser au-dessus des ruines pour regarder vers l’antique citadelle au centre de la ville peuvent voir les destructions infligées à bon nombre de ses murs.

La vie s’est arrêtée

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A plusieurs centaines de kilomètres au sud, à l’ouest de la troisième ville du pays, Homs, l’un des plus célèbres châteaux médiévaux au monde, le krak des Chevaliers, a encore plus souffert de la guerre. Directement touchée par des tirs d’obus, la vieille forteresse est en partie dévastée.

Dans la ville, le constat est encore plus désolant. Une rue résidentielle, où il y a encore peu des voitures stationnaient à l’ombre des eucalyptus, a été entièrement détruite. La vie s’est arrêtée dans cette partie de la ville, comme dans l’essentiel de l’intérieur des terres. Sur une photo, on voit les ruines d’un char en plein milieu d’une rue. Le vieux minaret à côté a été réduit en poussière. Cette photo aurait été prise non loin de Hama, au nord de Homs, mais elle pourrait aussi bien illustrer l’étendue des dégâts dans certains quartiers de Damas, la capitale, ou dans d’autres villes et villages – de Idlib, au nord, jusqu’à Deraa, au sud –, où les premiers foyers d’insurrection ont tourné au conflit armé en mars 2011.

En mai 2012, Emma Cunliffe, étudiante en doctorat à l’université de Durham et membre du réseau international du patrimoine mondial, a rédigé un rapport sur les destructions de sites syriens classés, rappelant la richesse des civilisations dont est issue la Syrie actuelle.

A street in Homs, Syria in 2011 and 2014

Une rue à Homs, en 2011 (au-dessus) et 2014 (en-dessous)

 

 

Même les sites éloignés des combats font l’objet de pillage

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Le  Souk Bab Antakya, Aleppo. 2009 et 2012. Photos: Alamy, Reuters

“De nombreuses civilisations de l’âge de bronze ont laissé leur empreinte en Syrie, notamment les Babyloniens, les Assyriens et les Hittites, explique-t-elle. Eux-mêmes ont laissé la place aux Grecs, aux Sassanides, aux Perses, aux Romains puis aux Arabes. Bon nombre de ces peuples avaient choisi des villes syriennes comme capitales. Il y a ensuite eu les croisés européens qui ont laissé certaines des forteresses parmi les plus impressionnantes de l’histoire, puis l’Empire ottoman. Toutes ces cultures ont coexisté et se sont opposées pour donner naissance à quelque chose de nouveau et unique au monde.”

Pour elle, le patrimoine syrien est plus que jamais menacé. “Les sites archéologiques syriens sont souvent sur les lignes de front et subissent d’importants dégâts. En raison de l’insécurité et des difficultés économiques croissantes, même les sites éloignés des combats font l’objet de pillage. Cela ne prive pas seulement les Syriens mais le monde entier d’un riche héritage, source autant d’inspiration que de revenus.”

En raison des difficultés d’accès au pays, les destructions sont répertoriées par images satellite. Dan Thompson, directeur des projets mondiaux pour le Fonds du patrimoine mondial, estime que “tous les sites classés du pays ont été endommagés, y compris les villes classées par l’Unesco, et un grand nombre de bâtiments ont été abîmés, détruits ou largement pillés. Les obus, les tirs et les machines de guerre installées sur des sites, de même que les pillages, constituent les principales causes de destruction, même si on déplore aussi une part de vandalisme. Pour autant que nous le sachions, aucune mesure concrète n’a été prise pour lutter contre ces destructions à l’heure actuelle.”

Martin Chulov

The Guardian 

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Mosquée d’Omari mosque à Deraa. 2011 et 2013. Photos: Reuters

 

 

Article original en anglais : Syria’s heritage in ruins: before-and-after pictures The Guardian, 26 janvier 2014.

Traduction : courrierinternational.com

 



Articles Par : Martin Chulov

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