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Le Pentagone déploie les drones sur le territoire des États-Unis
Par Joseph Kishore
Mondialisation.ca, 15 mars 2016
wsws.org
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Un rapport publié par l’inspecteur général du ministère de la Défense révèle que depuis près de dix ans l’armée américaine coordonne l’utilisation de drones aux Etats-Unis avec les responsables locaux et la Garde nationale. Elle le fait sans rendre de comptes à personne et les médias n’en parlent pas.

Le rapport du Pentagone, préparé le mois dernier, n’a été rendu public la semaine dernière qu’après une requête de la Fédération des scientifiques américains en vertu du Freedom of Information Act (Loi pour la liberté d’information).

Le rapport ne donne qu’un bref aperçu de l’utilisation intensive de drones par l’armée aux États-Unis mêmes. Il mentionne « moins de 20 » cas depuis 2006 où des drones ont été requis par des agences américaines pour utilisation hors des bases militaires. Il ne donne pas une liste complète des cas où on a utilisé des drones, mais neuf exemples survenus entre 2011 et 2016.

Bien que le rapport mentionne comme d’habitude la «protection des libertés civiles et du droit à la vie privée du public américain, » l’usage de drones (ou systèmes d’aéronef sans pilote – UAS) dans le pays est un sérieux avertissement. Il s’inscrit dans un développement plus générale de l’activité militaire domestique ces quinze dernières années et complète le vaste déploiement de drones par le FBI (Federal Bureau of Investigation).

Parmi les exemples cités il y a des exercices de formation à grande échelle concernant une catastrophe naturelle simulée. Ces exercices sont l’occasion pour l’armée de perfectionner la coordination de ses dispositifs avec ceux des organismes civils locaux, régionaux et fédéraux.

Les cas énumérés comprennent l’exercice Guardian Shield 2015-2015. Effectué l’été dernier dans l’Ohio, il a permis à la Garde nationale de cet Etat, au FBI et aux organismes locaux et de l’Etat de simuler des incidents dans tout l’Ohio. L’exercice Ardent Sentry 2011, autre exemple du rapport, fut un exercice au plan national simulant un tremblement de terre le long de la zone sismique de New Madrid et couvrant une partie de l’Arkansas, de l’Illinois, de l’Indiana, du Kentucky, du Missouri, du Mississippi et du Tennessee. L’exercice fut supervisé par l’US Northern Command, créé en 2002 sous le gouvernement Bush, le premier commandement responsable d’activités militaires aux États-Unis.

Des drones militaires auraient également été déployés au cours de plusieurs catastrophes naturelles, notamment les inondations de la vallée du Mississippi au début de cette année et en Caroline du Sud en octobre dernier. Sur les neuf cas énumérés, six se situent dans les dix derniers mois et indiquent une extension significative de l’usage de drones militaires.

L’emploi de drones fait partie de la coordination de l’armée avec les agences domestiques (par le biais du programme DSCA – Soutien défense de l’autorité civile), sous l’autorité de l’US Northern Command. En 2006, le secrétaire à la Défense de l’époque Donald Rumsfeld avait signé une ordonnance provisoire qui, selon le rapport, « encourage l’utilisation d’UAS du DoD [Département de la Défense] pour soutenir des ensembles appropriés de missions domestiques ».

Les lignes directrices actuelles de la politique du DSCA (adoptées en 2012 sous l’administration Obama) sont rédigées en langage très général appelant l’armée à répondre aux requêtes venant « des autorités civiles pour des urgences domestiques, du soutien pour faire appliquer la loi, et d’autres activités domestiques, ou venant d’entités qualifiées pour des ‘événements spéciaux’ ».

On prépare le terrain à une utilisation bien plus fréquente de drones militaires. En 2012, un rapport du ministère de la Défense au Congrès identifiait 110 bases potentielles de drones aux Etats-Unis et appelait à élargir l’accès militaire à l’espace aérien domestique, ostensiblement pour former des individus à répondre à la forte croissance de la « demande opérationnelle » à l’extérieur, à savoir le programme d’assassinats du gouvernement Obama en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen, en Somalie et ailleurs.

Les bases de drones potentielles mentionnées dans le rapport de 2012 étaient situées dans 39 états différents répartis sur tout le pays.

Depuis la création de l’US Northern Command, le Pentagone, sous Bush comme sous Obama, a fait campagne pour une réinterprétation de la Loi Posse Comitatus interdisant l’utilisation de l’armée à des fins domestiques. En 2008, le Pentagone a créé une unité «anti-terroriste» dans le cadre du Commandement du Nord, composée de 20.000 soldats de l’armée régulière pouvant être utilisés aux États-Unis.

Un « livre blanc » du ministère de la Justice sur les assassinats par drone, fuité à la presse en février 2013, exposait la position du gouvernement Obama: la Maison Blanche avait le droit de tuer n’importe qui, même des citoyens américains, partout dans le monde sans procédure judiciaire. Au printemps de cette année, le procureur général Eric Holder a refusé d’écarter la possibilité que le président puisse, dans des « circonstances extraordinaires … autoriser l’armée à utiliser la force létale sur le territoire des Etats-Unis, » y compris par des frappes de drones.

Ces dernières années, le Pentagone a mené une série d’exercices domestiques simulant des opérations militaires à grande échelle. Il y avait parmi eux, ce qui était très significatif, l’Opération Jade Helm, commencée en juillet 2015 et comprenant des exercices dans certaines régions de Californie, du Nevada, de l’Utah, du Colorado, de l’Arizona, de la Louisiane, du Mississippi, du Nouveau-Mexique et du Texas.

L’utilisation ou la simulation accrue d’opérations militaires dans le pays coïncide avec la militarisation des polices locales et l’emploi de la Garde nationale pour imposer une loi martiale de fait en réponse à des attaques terroristes ou des manifestations sociales, comme à Boston après l’attentat du marathon en 2013 ou à Ferguson et à Baltimore en 2014 et 2015, pendant les manifestations contre la violence policière.

Le directeur du FBI James Comey a reconnu en juin dernier que son agence avait utilisé des drones de surveillance pour observer les manifestations à Ferguson et à Baltimore. Un article de l’Associated Press avait révélé avant le témoignage de Comey que le FBI avait effectué en un seul mois plus de 100 vols dans onze Etats, se servant de sociétés fictives pour opérer les appareils.

Les événements de Ferguson et Baltimore ont révélé le principal but derrière toutes ces mesures. Utilisant la «guerre contre le terrorisme» comme prétexte, la Maison Blanche et le Pentagone ont oeuvré systématiquement pour élargir l’appareil de surveillance et de répression, l’armée et la police, et pour employer de plus en plus directement les instruments de guerre contre l’opposition sociale aux États-Unis.

Joseph Kishore

Article paru en anglais, WSWS,  le 12 mars 2016

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