Le Pentagone des démocrates : la guerre est là mais elle ne se voit pas

La guerre n’est pas que celle qui se voit. En plus des opérations guerrières en Irak et en Afghanistan, le Pentagone conduit une guerre secrète où l’Iran est un des objectifs centraux. Elle est coordonnée par le Commandement des opérations spéciales (Ussocom), qui dispose d’environ 57 mille spécialistes des quatre secteurs des forces armées. Leur mission officielle comprend : recueil  d’informations sur l’ennemi ; action directe pour détruire des objectifs, éliminer ou capturer des ennemis ; guerre non conventionnelle conduite par des forces externes, entraînées et organisées par l’Ussocom ; contre-insurrection pour aider des gouvernements alliés à réprimer une rébellion ; opération psychologique pour influencer l’opinion publique étrangère afin d’appuyer les actions militaires états-uniennes. Comme il ressort d’une enquête du Washington Post, les forces pour les opérations spéciales sont aujourd’hui déployées dans 75 pays, par rapport à 60 il y a un an.  Leur importance croissante est prouvée par le fait que « les commandants des forces spéciales sont aujourd’hui plus présents à la Maison Blanche de ce qu’ils ne l’étaient à l’époque de Bush ».

L’aire où se concentrent ces opérations, dont le financement  se monte officiellement à 10 milliards de dollars, comprend le Moyen-Orient, l’Asie centrale et l’Afrique orientale. Il existe cependant « des plans d’attaques préventives ou de représailles dans de nombreux endroits du monde, à mettre en œuvre quand on découvre un complot ou après une attaque ». L’utilisation des forces pour les opérations spéciales offre l’ « avantage » de ne pas demander l’approbation du Congrès et de rester secrète. Ces opérations, selon des fonctionnaires de l’administration cités par l’agence Upi, « pourraient ouvrir la voie à des attaques militaires contre l’Iran si la confrontation sur le programme nucléaire de Téhéran se fait plus aigue ».

Dans le cadre de la « guerre non-conventionnelle », l’Ussocom emploie des compagnies militaires privées, comme Xe Services (ex-Blackwater, connue pour ses actions en Irak) qui  s’avère employée dans diverses opérations spéciales parmi lesquelles le recueil d’informations en Iran. Ici l’Ussocom soutient directement ou indirectement les groupes rebelles, surtout ceux qui sont dans la zone sud-orientale à majorité sunnite. Sans trop aller dans la nuance : un de ces groupes, les « Guerriers sacrés du peuple », figure dans la liste des organisations terroristes rédigée par Washington. La même politique est menée en Afghanistan, où les forces pour les opérations spéciales se servent de seigneurs de la guerre locaux. L’un de ceux-ci –rapporte le New York Times- est Matiullah Khan : avec son armée privée, il combat les insurgés avec les forces spéciales états-uniennes (dont le quartier général est à une centaine de mètres de celui de Matiullah Khan) et assure le transit des convois de l’OTAN, qui lui verse un paiement de 1.200 dollars par camion. Il est ainsi devenu, dans sa province, le plus puissant et le plus riche seigneur de la guerre. Grâce à ce que le Pentagone appelle une « guerre non-conventionnelle ».

Edition de jeudi 10 juin de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/il-manifesto/in-edicola/numero/20100610/pagina/09/pezzo/280125/  

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Manlio Dinucci : Géographe et géopolitologue. Derniers ouvrages publiés : Geograficamente. Per la Scuola media (3 vol.), Zanichelli (2008) ; Escalation. Anatomia della guerra infinita, DeriveApprodi (2005



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra…, Ed. Kappa Vu 2014.

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