Le Pentagone énonce les cas d’utilisation de l’arme nucléaire

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Les Etats-Unis ont-ils changé de doctrine nucléaire après les attentats terroristes du 11 septembre 2001? La question est posée depuis la publication par le Los Angeles Times, puis par le New York Times, d’extraits d’un rapport rendu public deux mois auparavant par le département de la défense et par le département d’Etat. Cette étude, intitulée Nuclear Posture Review est un examen de la position nucléaire des Etats-Unis (menaces, armements, conditions d’emploi) réalisé à la demande du Congrès. La précédente revue avait été menée à bien en 1994.

L’un des sujets essentiels discutés dans les pages secrètes de ce document, qui en compte 56 au total, est celui des circonstances dans lesquelles les Etats-Unis pourraient être amenés à se servir d’armes nucléaires. La notion d’emploi est évidemment cruciale. Durant la guerre froide, observe le rapport, l’usage de la panoplie atomique était de dissuader l’ex-URSS d’attaquer l’Europe de l’Ouest ou, a fortiori, les Etats-Unis, ceux-ci conservant en toute circonstance une capacité de frappe qui leur aurait permis d’anéantir l’agresseur. Cette menace ayant disparu, le Pentagone considère, parmi les circonstances où l’arme nucléaire pourrait être employée, les hypothèses suivantes: « une attaque irakienne contre Israël ou ses voisins ; une attaque nord-coréenne sur la Corée du Sud ; ou un affrontement militaire sur le statut de Taïwan ».

Le rapport ne dit pas que les Etats-Unis doivent se préparer à utiliser des armes atomiques si ces circonstances se présentaient, mais il indique que leur panoplie doit être conçue et déployée de manière à dissuader de telles attaques de la part de l’Irak, de la Corée du Nord ou d’un pays qui, dans la troisième hypothèse, n’est pas nommé : la Chine.

ATTEINDRE DES SITES ENTERRES

Cependant, le Pentagone, qui n’a jamais exclu le scenario d’un emploi en premier de l’arme nucléaire, envisage aussi le cas où le nucléaire servirait non pas à décourager une attaque, mais à répondre à des circonstances qualifiées de « potentielles, immédiates ou imprévues ». « La Corée du Nord, l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Libye font partie des pays qui pourraient être engagés dans des circonstances immédiates, potentielles ou imprévues », indique le document. Pourquoi ? Parce que ces pays sont hostiles aux Etats-Unis et à leurs alliés, parce que « tous patronnent ou hébergent des terroristes » et parce que « tous sont actifs » dans la réalisation de projets pour se doter d’armes de destruction massive et de missiles.

Il semble que, dans les hypothèses concernant ces pays, le nucléaire soit envisagé par le ministère de la défense américain non plus comme un moyen de dissuader une attaque, mais comme une réponse destinée à faire cesser cette attaque. Une telle doctrine irait à l’encontre du traité de non-prolifération, signé par ces pays.

Ce traité repose sur la garantie, donnée aux Etats qui s’engagent à ne pas se doter d’armes nucléaires, qu’ils ne seront jamais la cible d’une attaque de ce type de la part des pays disposant de la force de frappe. Face à la menace d’armes dites de destruction massive (nucléaires, chimiques ou biologiques), le Pentagone se réserve la possibilité d’employer le nucléaire. Ce qui permettrait, en particulier, d’atteindre des sites enterrés profondément et à partir desquels un ennemi mènerait une agression chimique ou biologique.

EVENTAIL D’OPTIONS

Interrogée par la chaîne de télévision NBC, Condoleezza Rice, conseillère de M. Bush pour la sécurité nationale, a affirmé que la politique des Etats-Unis est, « depuis longtemps », que leur président se garde la possibilité de choisir la réponse à donner à la menace ou à l’usage d’armes de destruction massive par un ennemi. « La seule manière de dissuader une telle attaque est de faire clairement savoir que la réponse à laquelle elle se heurterait serait dévastatrice », a expliqué Mme Rice.

Au même moment, sur CBS, Colin Powell, le secrétaire d’Etat, confirmait le principe de non-emploi de l’arme nucléaire contre les pays qui n’en disposent pas eux-mêmes « sauf s’ils s’alignent avec des pays qui pourraient en disposer ou s’ils utilisent des armes de destruction massive ». Pour M. Powell, il s’agit d’un principe général de dissuasion, selon lequel l’ennemi doit savoir que les Etats-Unis disposent d’un éventail d’options qui vont « du fusil M-16 à l’arme atomique ». M. Powell a affirmé qu’il n’est pas question de reprendre des essais, destinés à développer de nouveaux systèmes d’armes (charges miniaturisées et charges à capacité de pénétration dans le sol), ni de déclasser le nucléaire de façon à en faire une arme du champ de bataille contre le terrorisme. Il a souligné que plus aucun pays, aujourd’hui, n’est visé de façon permanente par l’arsenal nucléaire américain et que le Pentagone s’est seulement interrogé sur ceux qui pourraient l’être dans l’avenir.

Copyright  Le Monde, 2002. Pour usage équitable seulement



Articles Par : Patrick Jarreau

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