Le plan fiscal de Trump: ce que souhaite l’oligarchie américaine

Le 27 septembre, l’administration Trump a présenté une proposition de «réforme» fiscale qui serait l’une des plus grandes redistributions de richesse vers le haut de l’histoire. Essentiellement, le plan inscrirait dans la loi ce qui est en fait de plus en plus apparent: les États-Unis sont une oligarchie.

La proposition réduirait le taux d’imposition maximal sur le revenu individuel de 39,6% à 35%, abaisserait le taux d’imposition des entreprises de 35% à 20%, éliminerait les taxes sur les droits de succession et de donation et permettrait aux personnes fortunées d’établir des «entités intermédiaires» à travers lesquelles leurs revenus personnels, incluant les salaires, ne seraient imposés qu’à 25%.

La présentation du plan fiscal vient à un moment où des centaines de millions de personnes aux États-Unis sont dans le besoin. Le territoire américain de Porto Rico demeure sans électricité, nourriture, eau, essence ou médicaments. Houston et la Floride sont dévastés à la suite de l’ouragan Harvey et de l’ouragan Irma. Le Midwest industriel fait face à une épidémie d’opiacé qui cause la mort de dizaines de milliers de personnes par année. Partout, des millions de personnes manquent de soins médicaux, d’éducation et d’infrastructures adéquats.

Pendant que la classe dirigeante accorde des billions de dollars pour la guerre, le sauvetage des banques, l’assouplissement quantitatif et des réductions d’impôt pour les riches, elle ignore les besoins sociaux de base avec une indifférence criminelle. Le 1er octobre, la Chambre et le Sénat n’ont pas respecté l’échéancier pour financer le Programme d’assurance médicale pour enfants; ce qui veut dire que neuf millions d’enfants défavorisés risquent d’être privés de soins médicaux dans les semaines et les mois à venir.

L’annonce du plan fiscal de Trump génère une véritable effervescence: le Centre de la politique fiscale non partisan, estime que le plan réduira les revenus fédéraux de 2,4 billions $ dans la prochaine décennie et d’un autre 3,2 billions $ dans la décennie suivante. Les baisses d’impôt aux entreprises leur ajouteront des revenus de 6,7 billions d’ici 2037.

Le 1er octobre, le secrétaire au Trésor de Trump, Steven Mnuchin, a fait le tour des talk-shows du matin déclarant, le plus sérieusement du monde, que «l’objectif du président est que les gens riches ne reçoivent pas de réductions d’impôt».

Mnuchin, l’administration et Wall Street prennent la population pour des imbéciles.

L’abolition de l’impôt successoral rapportera 240 milliards $ d’ici 2027 à ceux dont la valeur nette dépasse 5 millions de dollars, soit seulement 0,02% de la population. Au-delà de cette immense somme, l’élimination de toute imposition sur l’argent passé entre des générations d’aristocrates établit le principe oligarchique du règne dynastique. D’ici peu, la nouvelle noblesse passera à la prochaine étape logique en exigeant l’abrogation d’une autre réforme progressiste, le seizième amendement, qui accorde au Congrès le droit de taxer les revenus.

Au 4e siècle avant notre ère, Aristote définissait le terme «oligarchie» pour signifier une forme de gouvernement où les non-riches sont «absolument exclus» du processus décisionnel social. Sous le capitalisme, la classe dirigeante a amené la définition à un nouveau niveau. Aux États-Unis aujourd’hui, le gouvernement existe uniquement comme un véhicule pour enrichir les riches et satisfaire ses objectifs en matière de politique intérieure et étrangère.

Les plus hauts fonctionnaires du gouvernement sont eux-mêmes des millionnaires et des milliardaires. Les médias, les universités, les sociétés technologiques et les syndicats agissent en tant qu’institutions d’État semi-officielles dont le but est de réprimer l’opposition sociale et de bâillonner la liberté d’expression. Les démocrates et les républicains fonctionnent comme des factions du même parti qui s’accordent sur la défense des intérêts de l’oligarchie.

En réponse au plan fiscal de Trump, la chef démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, a dit le 30 septembre au New York Times: «Le président veut que l’on travaille ensemble. Nous avons la responsabilité de trouver un terrain d’entente.» Le chef démocrate au Sénat Charles Schumer a dit à Face the Nation la journée suivante: «Nous voulons travailler avec eux s’ils acceptent de changer… Vous savez, ils doivent nous consulter.» Le mois dernier, le Times appelait à des réductions d’impôt sur les sociétés dans un éditorial intitulé: «Voulez-vous conclure un marché, Mr Trump?»

Comme cela est la norme en politique américaine, les républicains établissent le cadre réactionnaire dans lequel les démocrates ne proposeront probablement que quelques changements mineurs avant de garantir l’adoption du projet de loi. Malgré la publication de déclarations d’opposition officielle au plan de Trump, la position des démocrates est dictée non seulement par les demandes de leurs patrons corporatifs qui salivent sur la proposition de Trump, mais également d’une portion importante de leur base riche des 10% supérieurs qui s’attend à gagner considérablement sous ce plan.

Les politiques de l’oligarchie financière américaine ont déjà produit des niveaux sans précédent d’inégalité sociale, représentés dans les données d’un rapport de la Réserve fédérale récemment publié:

De 2004 à 2016, le revenu des 80% inférieurs des États-Unis a décliné, à l’exception d’une maigre augmentation de 1000$ dans les revenus des 5% les plus pauvres. Au même moment, le revenu médian annuel d’une famille des 10% supérieurs a augmenté de 25.100$.

Revenu familial médian avant impôt par centile

L’accroissement dans l’inégalité des richesses est encore plus frappant. Les données de la Réserve fédérale montrent que les 90% inférieurs ont subi une baisse radicale de leur richesse de 2004 à 2016. La baisse encore plus marquée de la valeur nette familiale médiane comparée au revenu familial médian indique que la vaste majorité de la population est dépassée par la hausse du coût de la vie et que même les gains salariaux modestes sont effacés par les coûts supplémentaires des soins de santé, du transport, de la nourriture, de l’habitation, de l’éducation, etc.

Valeur nette familiale médiane par centile

La proposition fiscale de l’administration Trump va grandement exacerber l’inégalité sociale. Selon le rapport du Centre de la politique fiscale, le 1% le plus riche va voir ses revenus annuels après impôt augmenter de 8,5%, comparé à une augmentation après impôt de 0,5 à 1,2% pour ceux des 95% inférieurs.

Parts de revenu par centile, sondages de 1989 à 2016

Les réductions d’impôt augmenteront la dette à plus de 50% du PIB d’ici 2036 et seront utilisées par les deux partis pour exiger des coupes massives aux programmes de filet de sécurité sociale, ainsi qu’à la sécurité sociale et à Medicare, ce qui effacera les réductions d’impôt dérisoires pour des centaines de millions d’Américains.

La croissance massive de l’inégalité sociale est le produit de politiques mises en oeuvre par les deux partis durant les cinquante dernières années. Tout porte à croire qu’un autre arrangement bipartite est en développement, avec la présence de Trump à des rassemblements aux côtés de trois sénateurs démocrates appelant à une réforme fiscale.

Part de la richesse par centile, sondages de 1989 à 2016

L’oligarchie américaine exerce un degré de domination sur le gouvernement et les institutions officielles qui rivalise avec celui des Bourbons et des Romanovs. Par contre, l’establishment politique est profondément préoccupé par l’augmentation de l’opposition sociale dans la classe ouvrière, une préoccupation qui est à la base de leur campagne pour censurer et contrôler l’Internet. Mais à travers son plan fiscal, l’administration Trump attise une colère sociale grandissante qui prendra la forme de luttes sociales explosives dans la période à venir.

Eric London

 

Article paru en anglais, WSWS, le 2 octobre 2017

Photo : iStock: imagedepotpro/Fotoarte: Vania de Jesús

Source de la photo : expansion.mx



Articles Par : Eric London

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