Le plan « syrien et souverain » de Bachar al-Assad : à bon entendeur salut

Le timing choisi par le président Bachar al-Assad pour proposer un plan de sortie de crise n’est pas anodin. Il a coïncidé, d’abord, avec les défaites successives des groupes armés, ce qui a détruit les illusions des Etats-Unis et de leurs auxiliaires européens et arabes, faussant tous leurs calculs ; et, ensuite, avec les informations sur une prochaine réunion russo-américaine, à la mi-janvier, pour discuter des résultats de la dernière visite en Syrie de l’émissaire international, Lakhdar Brahimi. Ce dernier avait d’ailleurs entendu de la bouche du président Assad les grandes lignes des principes qu’il a développés dimanche à la Maison de la Culture et des Arts, dans un discours prononcé en direct en présence de centaines de partisans enthousiastes. A la tête de ces principes inaliénables figurent les points suivants : la souveraineté et l’indépendance politique de la Syrie ne sont pas négociables, par conséquent, Damas n’acceptera aucune condition imposée de l’extérieur ; toute solution devra refléter la volonté des Syriens ; pas de dialogue avec les terroristes.

Dans sa première allocution depuis le 3 juin 2012, M. Assad s’est montré inflexible, assurant que le conflit n’opposait pas le pouvoir et l’opposition mais « la patrie et ses ennemis » qui souhaitent sa partition et son affaiblissent. Affirmant ne pas avoir trouvé jusqu’à présent de « partenaire » pour cela et refusant de négocier avec « des gangs qui prennent leurs ordres de l’étranger », il a proposé un plan en trois étapes. Mais avant tout dialogue, les pays finançant les « terroristes » devront « s’engager à arrêter » et « les hommes armés » devront mettre fin à leurs « opérations terroristes », a-t-il précisé, dénonçant « un état de guerre dans tous les sens du terme ».

Ce n’est qu’une fois ces engagements pris, que l’armée cessera immédiatement ses opérations, « tout en conservant le droit de répliquer », a-t-il ajouté.

Dans ces conditions seulement s’ouvrira « une conférence de dialogue national », a-t-il poursuivi. Cette conférence devra rédiger une « Charte nationale » qui sera soumise à référendum, tandis qu’un nouveau Parlement et un nouveau gouvernement émergeront des urnes. Toute transition doit « se faire selon les termes de la Constitution », a-t-il insisté, en faisant référence à des élections.

Le plan Assad prévoit donc trois étapes, qui devraient être prochainement présentés officiellement par le gouvernement afin d’être inscrits dans une « Charte nationale » qui sera rédigée par toutes les parties, avant d’être soumise à référendum :

Etape 1 : Les pays armant les terroristes s’engagent à arrêter de les financer. Arrêt des opérations « terroristes » pour permettre le retour des réfugiés ; l’armée syrienne met aussitôt fin à ses opérations, tout en conservant le droit de répliquer en cas de menace contre la sécurité nationale ; mise en place d’un mécanisme permettant de surveiller l’engagement des parties, notamment en ce qui concerne le contrôle des frontières.

Etape 2 : Tenue, sous l’égide du gouvernement, d’une conférence de dialogue national auquel participeront toutes les forces, rédaction d’une Charte nationale défendant la souveraineté de la Syrie, son unité et son intégrité territoriale, et rejetant l’ingérence, le terrorisme et la violence ; cette charte doit ensuite être soumise à un référendum ; organisation d’élections législatives suivies de la formation d’un gouvernement élargi à toutes les composantes de la société, conformément à la Constitution, en charge de faire appliquer la Charte nationale.

Etape 3 : Formation d’un gouvernement conformément à la Constitution, tenue d’une conférence nationale de réconciliation et amnistie générale pour toutes les personnes détenues en raison des événements, reconstruction des infrastructures.

Comme s’y attendait le président Assad, la soi-disant opposition représentée par la Coalition nationale syrienne a aussitôt rejeté ce plan, accusant le chef d’Etat de vouloir choisir ses interlocuteurs et de chercher à se maintenir au pouvoir. Le porte-parole de la Coalition, Walid al-Bounni, a affirmé à l’AFP à Beyrouth que l’opposition souhaitait « une solution politique, mais l’objectif pour les Syriens est de sortir (M. Assad) ».

Le président Assad avait déclaré que de toute façon, ce plan ne s’adressait pas à « ceux qui vont le rejeter d’emblée mais aux vrais patriotes qui ont à cœur l’intérêt de la Syrie ».

« Cela ne sert à rien de discuter avec ceux qui prennent leurs ordres de l’étranger, il vaut mieux parler directement avec le maitre et non pas avec l’esclave », a-t-il dimanche.

L’initiative du président Assad intervient alors que les Etats-Unis semblent s’être résignés devant l’échec de toutes les pressions, sanctions et offensives militaires pour obtenir le départ du chef de l’Etat syrien. Le 29 décembre, la Russie a indiqué que M. Assad entendait rester au pouvoir jusqu’au bout de son mandat et qu’il était impossible de l’en dissuader.

Lors de sa visite fin décembre à Damas, Lakhdar Brahimi a évoqué un plan « basé sur la déclaration de Genève », prévoyant un cessez-le-feu, la formation d’un gouvernement aux pleins pouvoirs et des élections. La déclaration de Genève datant de juin 2012 prévoyait un gouvernement de transition mais n’évoquait pas le départ de M. Assad.

M. Brahimi a jugé ce plan susceptible d’être accepté par la communauté internationale. Damas a réagi en se disant favorable à toute initiative passant par le dialogue.

Après plusieurs rencontres entre Moscou et Washington, et plusieurs tournées de M. Brahimi, le ballet diplomatique s’intensifie dans la région.

Riyad et Le Caire ont appelé à « une issue pacifique » dont les termes doivent être définis par les Syriens eux-mêmes. Le chef de la diplomatie iranienne se rend pour sa part le 9 janvier au Caire pour voir les Égyptiens et M. Brahimi.

Toutes ces activités diplomatiques interviennent alors que sur le terrain, l’armée syrienne a enregistré des succès importants dans les régions de Daraya, Moadhamiyya et la Ghouta orientale, où des centaines de rebelles, dont des combattants étrangers, ont été tués. La soi-disant « offensive pour la libération de Damas », lancée fin novembre, a encore une fois tourné au désastre pour les rebelles, qui ont perdu des milliers d’hommes sans parvenir à réaliser le moindre succès sur le terrain. Dans la région d’Alep, les ligne de fronts se sont stabilisés. Lentement, l’armée est en train de reprendre le contrôle des quartiers de la grande métropole encore occupés par les qaïdistes du Front al-Nosra. Idem à Homs, où les derniers rebelles sont totalement encerclés dans un petit réduit.

Tendances de l’Orient

New Orient News (Liban)
Rédacteur en chef : Pierre Khalaf
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Tendances de l’Orient No 116 lundi 7 janvier 2013.
Bulletin hebdomadaire d’information et d’analyse, spécialisé dans les affaires de l’Orient arabe.



Articles Par : Pierre Khalaf

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