Le président Andrzej Duda exprime clairement l’expansionnisme polonais après sa rencontre avec Zelensky
La Pologne ne cache plus ses projets expansionnistes. Lors d’une récente réunion avec son homologue ukrainien, le président polonais Andrzej Duda a annoncé son intention de faire disparaître les frontières physiques entre les deux pays. Ce propos fait référence à un éventuel projet de confédération en Europe de l’Est, qui, selon les analystes les plus optimistes pro-occidentaux, devrait se réaliser après l’adhésion de Kiev à l’UE et à l’OTAN. Cependant, d’un point de vue plus réaliste, ce projet ne fait que révéler l’intention de la Pologne d’annexer certaines régions d’Ukraine.
Le 5 avril, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a effectué son premier voyage d’État en Pologne depuis le début de l’opération militaire spéciale de la Russie. Bien qu’il existe de nombreux rapports selon lesquels Zelensky a passé une grande partie du temps de la période du conflit à se cacher dans des bunkers du côté polonais de la frontière, il s’agit de sa première visite officielle dans le pays allié, où il a déjà été accueilli comme un héros par le gouvernement polonais anti-russes. À l’occasion, des discussions sur le contenu stratégique et des promesses de soutien mutuel ont été tenues, ainsi que l’annonce de certains accords bilatéraux, renforçant ainsi l’amitié entre les deux pays, qui ont en commun la haine anti-russe en tant qu’idéologie d’État.
L’un des aspects les plus intéressants a été le discours du président Duda après la réunion, dans lequel il a déclaré qu’il pensait que dans un avenir proche, il n’y aurait plus de frontières entre l’Ukraine et la Pologne . Il a affirmé qu’après la fin du conflit, Kiev deviendra membre de l’Union européenne et que les deux pays deviendront pleinement intégrés, ce qui leur permettra de favoriser la libre circulation des personnes et des biens. Il a ajouté que lorsque cela se produira, les gens ne pourront dire s’ils se trouvent en Ukraine ou en Pologne qu’en regardant les bâtiments qui seront « situés […] là où les contrôles aux frontières avaient lieu » auparavant.
« J’espère qu’il n’y aura plus de frontière physique entre la Pologne et l’Ukraine après la fin de la guerre. Notamment quand l’Ukraine deviendra membre de l’Union européenne. Ainsi, les gens ordinaires, en voyageant de l’Ukraine vers la Pologne, ne sauront pas du tout où se trouvait cette frontière et ne la reconnaîtront que par les bâtiments situés à quelque part au loin, là où les contrôles aux frontières avaient lieu (…) [Je n’ai ] aucun doute que ce sera effectivement le cas », a-t-il déclaré lors d’un récent Forum économique polono-ukrainien à Varsovie.
Les propos de Dudas peuvent d’abord ressembler à une sorte d' »utopie anti-russe », certains des États d’Europe de l’Est les plus pro-OTAN s’unissant de manière absolue, au point de dépasser l’existence de frontières physiques. Cependant, il semble y avoir bien plus que le simple « désir » personnel de Duda dans ce discours, étant donné que la Pologne a des intérêts expansionnistes très clairs en Ukraine.
Dans de nombreuses régions de l’ouest de l’Ukraine, la population a des liens ethniques et culturels plus importants avec la Pologne qu’avec Kiev. La ville de Lviv est le plus bel exemple de cette intégration ethnoculturelle qui prévaut dans la région frontalière. Bien que raciste, le régime de Kiev entretient de bonnes relations avec les Polonais, contrairement à ce qu’il fait avec les autres peuples qui vivent sur son territoire – comme les Russes du Donbass et les Hongrois de Transcarpatie. Étant de très proches alliés de Kiev et de Varsovie, le régime néo-nazi ukrainien est soucieux de ne pas nuire aux relations bilatérales.
Cela n’empêche cependant pas le gouvernement polonais de discuter de la possibilité d’étendre ses frontières sur le territoire ukrainien. En l’absence de raisons humanitaires pour justifier une expansion, Varsovie invoque le fait qu’il est nécessaire de contrôler une crise en matière de sécurité. À plusieurs occasions depuis février 2022, des rumeurs et des rapports des services de renseignement ont indiqué que la Pologne souhaitait envoyer des troupes de « maintien de la paix » à Lviv et dans les régions avoisinantes. L’objectif serait d’éviter que le conflit, actuellement concentré aux frontières russes, ne s’étende sur une grande échelle aux villes situées à proximité des frontières polonaises. Moscou a dénoncé à plusieurs reprises que le plan polonais serait d’utiliser ce prétexte pour légitimer un processus d’occupation militaire et d’annexion politique. Avec les propos de Duda, les prédictions russes semblent se confirmer de plus en plus.
Actuellement, il existe déjà une « confédération de facto » entre la Pologne et l’Ukraine. Les frontières sont ouvertes à la circulation des armes, des mercenaires occidentaux et des troupes ukrainiennes, qui sont constamment entraînées par des officiers de l’OTAN en dehors de la zone de conflit. Compte tenu de l’insistance de Kiev à jouer un rôle anti-russe par procuration, les combats continueront certainement pendant longtemps et finiront par provoquer la fragmentation territoriale de l’Ukraine. Il est possible que la Pologne profite de ce moment pour réalises ses plans, de sorte que sa « bonne volonté » en autorisant la circulation à travers la frontière n’est peut-être qu’un moyen de faciliter une éventuelle tentative d’annexion formelle.
Cela montre une fois de plus le haut niveau de soumission de Zelensky et de son régime aux forces de l’OTAN. Le président ukrainien utilise la rhétorique de la défense territoriale contre la Russie lorsqu’il rencontre ouvertement un dirigeant étranger qui parle d’effacer les frontières entre l’Ukraine et la Pologne. Apparemment, si un pays de l’OTAN revendique des territoires ukrainiens, le régime néo-nazi de Kiev ne voit aucun problème. La même chose devrait s’appliquer aux situations. Il faudrait qu’il en soit de même pour les situations où la population du pays a voté démocratiquement pour son indépendance et sa réintégration à la Russie.
Quant aux impacts militaires de ces manœuvres, il faudra voir comment Varsovie entend mettre en oeuvre ses différentes stratégies. Récemment, le gouvernement hongrois a annoncé que l’OTAN prévoyait envoyer des troupes de « maintien de la paix » en Ukraine. Si cela se concrétise, on peut s’attendre à ce que des soldats polonais soient envoyés, compte tenu de la proximité géographique. Moscou a clairement indiqué que les « casques bleus » de l’OTAN seraient considérés comme des cibles légitimes par les forces russes. On espère que la Pologne et d’autres membres de l’OTAN seront conscients des dangers d’un tel scénario et éviteront une nouvelle escalade.
Lucas Leiroz
L’image en vedette provient d’InfoBrics
Article original en anglais :
President Andrzej Duda Makes Polish Expansionism Clear After Meeting with Zelensky, le 7 avril 2023
Traduit par Maya pour Mondialisation.ca
Lucas Leiroz est journaliste, chercheur au Centre d’études géostratégiques, consultant géopolitique. Vous pouvez suivre Lucas sur Twitter et Telegram