Le rabbin qui parle avec le Hamas : « Eux et nous, au nom de Dieu »
Rabbin de la colonie de Tekoa, à côté de Bethlehem, et fondateur du mouvement qui a conduit les colonies religieuses dans les Territoires occupés palestiniens, le rabbin Menahem Fruman est presque offusqué de notre stupeur de découvrir ses rapports avec le Hamas. « Je précise que mes rapports avec le Hamas se poursuivent depuis 25 ans au moins », nous dit-il, « du reste, j’entretiens aussi des rapports avec le cheikh Tantawi al-Azar et avec tous les leaders religieux que j’arrive à côtoyer. J’ai été en contact pendant des années avec le cheikh Ahmad Yacine, qu’Israël a assassiné il y a deux ans. Je considère qu’avoir passé toute ma vie à chercher un dialogue est un devoir religieux, parce que c’est la seule contribution pour construire la paix et, donc, servir mon Dieu. Je suis convaincu depuis des années que le conflit israélo-palestinien n’est pas tant un problème politique que religieux et culturel. La seule solution pour ça est la reconquête de Jérusalem comme ville sainte, capitale de la paix dans le monde. Cette terre est sacrée : elle n’est ni aux palestiniens ni aux juifs. Mais le conflit qui s’y perpétue afflige le monde entier. Et l’affrontement avec l’Occident, représenté par les juifs, et l’Islam, représenté par les palestiniens. Apporter la paix ici serait l’apporter dans le monde entier. Moi je n’appelle pas cette terre Israël : pour moi c’est la Terre Sainte, elle est à tous et le projet sioniste est un projet anti-religieux.
Vous considérez donc que le dialogue est possible ?
Notre religion est très proche de l’Islam. Nous sommes tous deux soumis à la loi divine, elle imprègne toute notre vie, politique, intellectuelle, physique, sexuelle. Les devoirs et les interdits sont présents dans toute sphère. En cela, nous sommes pareils. Avec l’aide de Dieu nous pouvons construire un pont entre nos peuples. Mais d’abord, nous juifs, devons nous libérer de notre arrogance et de nos oeillères ; j’ai passé des années à étudier l’Islam parce que je considérais que c’était mon devoir de le comprendre. Pour construire un dialogue, pour le bien de l’humanité. C’est notre devoir comme leaders spirituels de nos peuples. Ahmad Yacine avait l’habitude de me dire : toi et moi, Menahem, nous ferions la paix en cinq minutes…
Si la vie cohabitation entre juifs et palestiniens est possible sur la base d’une adhésion à des principes religieux, comment se fait-il qu’il y ait 1000 soldats en garnison à Hébron pour séparer les deux communautés ?
Mon fils est parmi les soldats de Hébron. C’est pour protéger le petit îlot juif des 300 000 palestiniens qui les entourent…
Et le cheikh Yacine était d’accord avec vous en ce qui concerne Hébron ?
Tout ce que je peux dire c’est que s’il y avait une chose que nous avions en commun c’était notre attitude : cette terre appartient à Dieu. Et nous n’en sommes que les hôtes.
Que pensez-vous du conflit en cours entre Israël et le Hezbollah ?
La position d’Israël est ridicule. Ils ne peuvent pas prétendre résoudre un conflit contre le Hezbollah avec des armes. Ce sont des religieux. Ils sont le parti de Dieu. Ils doivent nous laisser à nous religieux le devoir de résoudre les conflits. Mais l’empereur du monde, Monsieur Bush, ne sait pas dialoguer avec les communautés religieuses.
Ces 25 années de rapports avec Hamas pourront-elles servir dans la libération des deux soldats ?
Avec l’aide de Dieu. Je ne peux pas dire que je suis optimiste ; je suis en contact avec les leaders du Hamas, aujourd’hui (mardi 1er août) j’ai déjà parlé trois fois avec Ismaïl Haniyeh, mais c’est une situation très, très difficile.
Edition de mercredi 2 août 2006 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/2-Agosto-2006/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio