Le Raid sur Entebbe de 1976 : derrière l’histoire officielle



Le 4 juillet à l’aube a marqué le 31e anniversaire d’un fait qui occupa les premières pages de tous les périodiques du monde: un commando israélien sauva les passagers du vol Air France 139, séquestrés par deux terroristes du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) et deux du groupe Baader-Meinhof, et maintenus comme otages sur l’aéroport d’Entebbe, Ouganda, où régnait alors la dictature d’Idi Amin. Plus de cent soldats israéliens sous le commandement du général Dan Shomron, y inclus des agents du Mossad et des troupes d’élite, atterrirent subrepticement la nuit précédente et combattirent contre les terroristes et les soldats ougandais qui surveillaient l’avion. Les pertes : 6 pirates de l’air, environ 80 soldats ougandais, trois otages et un seul militaire israélien, le colonel Jonathan Netanyahu, frère aîné de Benjamin. Et 98 otages israéliens et juifs libérés. L’événement accrut la sympathie pour Israël, en particulier aux USA et en Grande Bretagne, et les Palestiniens et les Palestiniens furent qualifiés de brutes violentes. Comme cela arrive, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être.

Un document déclassifié par les Archives nationales britanniques jette une autre lumière sur l’épisode (http://www.nationalarchives.gov.uk/  , juin 2007) : le détournement avait été organisé par le service secret israélien et des extrémistes palestiniens. C’est ce qu’affirme l’auteur du mémorandum, David H. Colvin, alors premier secrétaire de l’ambassade britannique à Paris, qui cite sans la nommer une source de l’Association parlementaire de coopération euro-arabe : «Selon l’information de ce monsieur, l’enlèvement fut l’oeuvre du FPLP, avec l’aide du Shin Bet ». Colvin qualifie cette alliance de peu recommandable et signale que « l’opération a été conçue pour torpiller la position de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) en France et pour freiner ce qu’ils considèrent comme un rapprochement croissant entre l’OLP et les USA. » Et qui sont « ils »?

Colvin le donne à entendre clairement : «Leur cauchemar est qu’après les élections de novembre ( 1976, où le démocrate Jimmy Carter l’emporta de peu sur le Républicain Gerald Ford), on assiste à l’imposition au Moyen-Orient d’une Pax Americana, qui favoriserait l’OLP (qui peut gagner en respectabilité internationale et peut-être obtenir le droit d’établir un État dans les territoires évacués) porterait préjudice au Front du Refus (qui serait laissé de côté dans tout règlement de paix et perdrait sa raison d’être) et à Israël (qui se verrait obligée d’évacuer les territoires palestiniens occupés). Colvin ajoute que « le FPLP attire toutes sortes d’éléments sauvages, quelques-uns sont des infiltrés israéliens » (The Guardian, 1-6-07). Bien entendu, Tel Aviv nie la véracité de ces affirmations et les met au rang de « la conspiration antisémite ».

Israël a anticipé W.Bush: les antécédents historiques indiquent que ce n’est pas la première fois que Tel Aviv alimente des mouvements terroristes. A la fin des années 70 il a financé directement ou indirectement le Hamas, alors à ses débuts, afin de saper la croissante influence de l’OLP dirigée par le très laïc Yasser Arafat. En plus de compter lui enlever l’appui des masses, la direction du Likoud ( le parti de droite israélien) pensait « qu’il pourrait obtenir une alliance viable avec les forces islamiques et anti-Arafat, ce qui renforcerait le contrôle israélien des territoires occupés », a signalé le spécialiste du Moyen-Orient Ray Hanania (http://www.counterpunch.org, 18/19-1-2003). Le Premier ministre d’alors -Menahem Begin – le même qui avait dirigé un groupe terroriste luttant contre l’occupation britannique de la Palestine – autorisa en 1978 la légalisation de l’Association Islamicque (Mujama), qui émanait du mouvement fondamentaliste les Frères Musulmans et qu’Israël appuyait en outre politiquement. Ainsi est né ce qui par la suite allait devenir le Hamas.

On se souviendra aussi de l’ « incident Lavon », ainsi baptisé d’après le nom du ministre de la Défense israélien Pinjas Lavon, sous l’autorité duquel fut organisée l’ « Opération Susannah » en 1954: elle consista dans des attentats avec des bombes et d’autres actes de sabotage contre des institutions britanniques et usaméricaines en Égypte. C’était l’époque de Gamal Abdel Nasser et il s’agissait de créer un climat contraire à sa volonté de nationaliser le canal de Suez. L’opération fut dirigée par le colonel Benjamin Gibli, chef du renseignement militaire israélien, qui dirigeait les opérations de la super-secrète Unité 131. Échec: une bombe éclata prématurément dans la poche de l’un d’entre eux, il fut arrêté, sa maison fut perquisitionnée et les autorités égyptiennes trouvèrent des preuves et les noms de participants à l’opération. Certains furent fusillés, d’autres connurent des années de prison. Bien sûr, Tel-Aviv avait nié à l’époque être impliqué dans cet épisode, mais honorera un demi-siècle plus tard ses exécutants (Reuters, 30-3-05). Un aveu tardif mais clair.

Mémorial à Jonathan Netanyahu, par Buky Schwartz, 1986, Musée national d’histoire américaine juive, Philadelphie, USA.

Article original, « Matrimonios non sanctos« , Pagina/12, publié le 12 juillet 2007.

Traduit par  Gérard Jugant, révisé par Fausto Giudice.

 

Gérard Jugant et Fausto Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.



Articles Par : Juan Gelman

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