Le rôle politique du Vatican et des épiscopats en Amérique latine

Photo : Cardinal Pietro Parolin avec John Kerry. Le secrétaire d’État du Vatican avec l’ex Secrétaire d’État des États-Unis.

Dans leur ensemble, les évêques de l’Amérique latine jouent un rôle prépondérant, à travers leurs épiscopats, pour contrer tout ce qui s’apparente à du socialisme ou à du communisme. En général, tout ce qui se rapproche d’une prise de conscience sociale et d’une volonté d’agir pour assurer plus de justice et une plus grande souveraineté des peuples est interprété comme du socialisme et du communisme. Ce fut le cas des révolutionnaires des années 1960 et des gouvernements, de format socialiste, des années 1970 à 2019. Ce fut le cas de Cuba, du Brésil, du Chili, d’Argentine, du Nicaragua, du Salvador, du Honduras, du Venezuela entre autres.

Tout au long de cette période s’est développée une pensée théologique qui remettait de l’avant le caractère libérateur des peuples, illustré par la libération du peuple hébreu d’Égypte, mais aussi par une relecture des Évangiles proclamant les grandes valeurs de justice, de solidarité, de fraternité humaine. Cette théologie a porté le nom de « théologie de libération » . Ce fut une épine douloureuse pour les hiérarchies catholiques tout comme pour Washington qui a vu d’un bien mauvais œil ces nouveaux venus, rappelant  à leur destin, comme peuple et comme personne,  n’était pas figé dans la misère, la pauvreté, soumission, mais dans un avenir meilleur, marqué par la justice et la solidarité humaine. Lorsque le pape Jean-Paul Ier devint pape, plusieurs hautes autorités vaticanes le soupçonnaient de vouloir reconnaître cette théologie de libération. Sa mort « subite » qui n’a fait l’objet d’aucune autopsie en a soulagé plusieurs.

Il va de soi que l’élection de Karol Wojtyla à la papauté a été saluée avec grande joie par l’Oncle Sam. Donald Reagan qui n’en était pas à ses premiers contacts avec ce personnage, avec qui il a collaboré  pour soutenir Lech Walesa, alors président du syndicat Solidarnosc. La compréhension, de part et d’autre, s’est faite sans aucun irritant. La théologie de libération a été condamnée et leurs auteurs ont été soumis à examen.

En décembre 1982, un premier pacte entre Jean-Paul II et Donald Reagan est signé dans la bibliothèque du Vatican.  L’essentiel porte sur cette coopération conjointe visant à éliminer tout ce qui a odeur de socialisme et de communisme. Nous comprenons mieux les bonnes relations du pape J.P. II avec certains dictateurs, dont Pinochet. Cette collaboration s’est poursuivie avec le pape Benoît XVI dont on se souviendra du 16 avril 2008, jour d’anniversaire du papeque le président Bush a voulu célébrer en grande pompe dans les jardins de la Maison-Blanche. Plus harmonieux que ça n’est pas possible. Le Vatican et Washington marchent main dans la main. De quoi nous faire penser à « la prostituée de l’Apocalypse ». Je vous recommande un article que j’ai écrit sur le sujet, en 2015 et qui garde tout son intérêt. Vous y trouverez également les références au Pacte de juin 1982 et à cet autre, sous le  règne du pape François, signé en  mars 2014.

Pas surprenant, dans ce contexte, que les nominations des évêques et des Nonces apostoliques pour l’Amérique latine répondent aux critères du Vatican et de Washington en ce qui a trait aux orientations sociales et politiques. Il y a un dicton qui affirme qu’aucun coup d’État ne serait possible sans la collaboration des épiscopats et du Vatican. Cette situation n’a pas changé. Nous le voyons par les prises de position des épiscopats au Venezuela qui s’affirment comme une véritable opposition politique au gouvernement, légitimement élu par le peuple.  Leur discours est le même qu’utilise l’Oncle Sam et les oligarchies locales; Maduro est un dictateur, un assassin, quelqu’un qui massacre son peuple, etc. Jamais  il ne relèvera les sanctions et la guerre économique, que l’ONU qualifie de criminelles, appliquées par les États-Unis contre le peuple vénézuélien. Ces évêques vont plutôt dire que toutes ces souffrances dont le peuple est victime sont la faute d’un gouvernement irresponsable et totalitaire.

J’ai la conviction que le pape voit différemment les choses, mais qu’il est placé sous un contrôle  à tous les niveaux.  Il a écrit, il y a quelques années, l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium qui porte principalement sur le capitalisme sauvage auquel les peuples sont soumis. Lorsqu’Evo Morales a pris connaissance de cette Exhortation, il s’est aussitôt exclamé :« maintenant nous avons un « papa »! On ne les entendra jamais parler du droit international de non-intervention dans les affaires internes d’autres pays.

Je termine en soulignant que l’épiscopat vénézuélien, soutenu par les épiscopats de l’ensemble de l’Amérique latine et des États-Unis, fait une campagne, minée pas ses mensonges et ses silences. Je signale toutefois  qu’il y a un curé d’une paroisse au cœur de Caracas qui dénonce ouvertement l’hypocrisie des évêques  et qui maintient des liens étroits avec l’actuel gouvernement. Les évêques n’arrivent pas à le faire taire, car il est un proche du pape François qu’il avait connu avant qu’il soit nommé à la tête de l’Église.

Le texte en espagnol

Oscar Fortin

Québec, le 9 février 2019



Articles Par : Oscar Fortin

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