Le scandale Salah Hammouri

Salah Hammouri est ce jeune franco-palestinien, emprisonné durant plus de trois ans, condamné par un tribunal miliaire israélien sans preuves à sept ans de prison à l’issue d’un procès où l’utilisation des « aveux » rappelle de sinistres souvenirs. Hammouri reste inconnu pour de nombreux français. Alors que la mairie de Paris et le gouvernement français se mobilisent pour les « otages », et en premier lieu pour le soldat franco-israélien Gilad Shalit, le silence autour du cas de Hammouri a quelque chose d’exemplaire, comme l’explique dans un article d’une page de Libération Christophe Ayad, « Israël : un Français aux oubliettes » (18-19 octobre 2008) – je n’ai pas trouvé l’article sur le site de Libération, hasard ? J’en reproduis donc de longs extraits.

« Salah Hammouri a été arrêté le 13 mars 2005 sur la route de Ramallah. Deux heures plus tard, la police israélienne retournait l’appartement de ses parents, à Jérusalem-Est, à la recherche de preuves. Ils ont tout retourné, saisi le disque dur de son ordinateur. Ils sont allés jusqu’à démonter les lavabos, se souvent Denis Hammouri, la mère de l’étudiant en sociologie de l’université de Bethléeem. Pendant que son fils est détenu pendant trois mois à la prison de la Moskobieh, à Jérusalem, elle apprend dans la presse qu’il est censé avoir participé à un complot visant à assassiner le rabbi Ovadia Yossfe, chef spirituel du parti Shas (ultra-orthodoxe séfarade). Il est aussi accusé d’appartenir au FPLP. Pendant les trois années qui suivent, Salah Hamouri est maintenu en détention administrative, comme la grande majorité des 11 600 prisonniers palestiniens, c’est-à-dire sans supervision de la justice civile. La routine en Israël. »

Pourquoi a-t-il avoué ?

C’est que le procureur lui a proposé un marché. « Si Salah reconnaît les fait, il prendra sept ans de prison : sinon ce sera quatorze. Le dossier est pourtant mince : aucune preuve matérielle, ni armes, ni mails, ni plan, ni écoutes. Les seules « preuves » sont les témoignages, aussitôt rétractés, de détenus palestiniens et l’aveu de Salah, qui a reconnu être passé devant la maison du rabbin avec un ami, accusé lui aussi. L’avocate conseille à la famille d’accepter, car les juges militaires suivent toujours les réquisitions. En tant que Palestinien de Jérusalem, Salah n’a droit à aucune remise de peine. Il ne peut faire appel. »

Jusque-là, il faut le dire, rien que de très banal pour un Palestinien. N’oublions pas que la Palestine occupée compte sans doute le plus grand nombre de prisonniers politiques du monde ; que la torture est d’usage courant ; que les détentions sans jugement le sont aussi ; que la majorité des jeunes hommes, à un moment ou à un autre, passent par les prisons israéliennes ; que ces centaines de mineurs et de femmes sont aussi emprisonnés.

« Ce qui est scandaleux dans cette affaire, c’est le silence assourdissant des autorités françaises. Dès la condamnation, souligne Christophe Ayad, les autorités françaises se retrancheront systématiquement derrière la décision de justice et derrière cet aveu de culpabilité. Dans un courrier, Rama Yade va jusqu’à reprocher à Salah Hammouri de ne pas avoir exprimé de « regrets ». Lors de sa rencontre avec Denise Hammouri, fin mai, la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme semble découvrir l’affaire. L’ambassadeur spécial des droits de l’homme, François Zimmeray est aux abonnés absents. Tout comme l’Elysée. »

Un mot sur François Zimmeray. Cet ancien député européen socialiste s’est tellement aligné sur les positions israéliennes au début des années 2000 que le Parti socialiste, peu suspect pourtant de pencher en faveur des Palestiniens, a finalement décidé de ne pas le représenter aux élections de 2004. Mais Nicolas Sarkozy l’a récupéré. (une recherche rapide sur Google permet de trouver les déclarations de ce personnage).

En conclusion, Christophe Ayad souligne que l’Elysée, qui a trouvé le temps de recevoir les parents de Gilad Shalit, n’a pas trouvé le temps pour recevoir Denise Hammouri. « Une tiédeur qui contraste avec les mots de réconfort du père de Gilad Shalit, qui avait su trouver les mots pour répondre à la lettre que lui avait envoyé Denise Hammouri en souhaitant la libération de leurs deux enfants. »

Notons que l’ancien député communiste Jean-Claude Lefort vient de créer un comité de soutien à Salah Hammouri.



Articles Par : Alain Gresh

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