Le sommet de l’OTAN pour une guerre illimitée en Afghanistan


Source de la photo : http://www.lepoint.fr/monde/afghanistan-l-otan-et-ses-partenaires-decident-d-une-strategie-de-sortie-20-11-2010-1264898_24.php

Le sommet de l’OTAN qui a débuté à Lisbonne au Portugal a un objectif primordial concernant la guerre conduite par les Etats-Unis en Afghanistan: ranger au placard toute idée exprimée par le président Obama d’un retrait des troupes d’Afghanistan à partir de juillet 2011.

Ces dernières semaines, le gouvernement Obama a banni le mot « retrait » de ses déclarations sur l’Afghanistan. Juillet 2011 est devenu juste le début d’une « transition. »

La fin de 2014 est maintenant invoquée par les Etats-Unis et ses alliés comme la date clé de la guerre. D’ici cette date, l’armée et la police nationale du régime fantoche afghan du président Hamid Karzai seront soi-disant suffisamment importantes et entraînées pour entreprendre les principales opérations de combat contre les Taliban et les autres organisations insurgées anti-occupation.

L’envoyé spécial américain Richard Holbrooke a dit cette semaine, au Pakistan, aux journalistes présents: « Le sommet de Lisbonne marquera le début d’une stratégie de transition avec une date prévue à la fin de 2014 pour que l’Afghanistan prenne la relève de la responsabilité de la direction des opérations de sécurité. » Les forces américaines resteraient cependant encore sur place après cette date. « Nous avons une stratégie de transition. Nous n’avons pas de stratégie de retrait, » a souligné Holbrooke.

Le New York Times, après avoir été informé par des responsables du gouvernement, a résumé le 14 novembre la perspective d’Obama : « D’ici la fin de 2014, les forces armées américaines et de l’OTAN pourraient se retirer si les conditions le permettent, bien que des dizaines de milliers très vraisemblablement resteront à des fins d’entraînement, de conseil et autre assistance, au même titre que les 50.000 soldats américains qui se trouvent encore en Irak. »

En d’autres termes, Washington envisage une présence illimitée des forces d’occupation américaines en Afghanistan. Même si « les conditions permettent » que des troupes étrangères ne soient plus requises pour des opérations de combat direct d’ici 2014 – une perspective rejetée par presque tous les spécialistes – le Pentagone va dire qu’une présence prolongée sera nécessaire pour assurer un service « d’entraînement, de conseil et d’assistance. »

Ceci est notamment le cas étant donné que l’Afghanistan ne dispose pas de force aérienne. L’armée américaine à l’intention d’utiliser indéfiniment la grande base aérienne qu’elle a construite à Bagram, au cœur même de l’Asie centrale.

Le rejet d’un calendrier de retrait souligne que la rhétorique d’Obama a toujours été un exercice de duperie cynique. La vérité est que les deux partis de l’impérialisme américain, les Démocrates et les Républicains, sont engagés l’un comme l’autre à imposer une empreinte militaire américaine permanente dans deux des régions clé du monde fournisseurs d’énergie, l’Asie centrale et le Moyen-Orient.

Le motif fondamental des guerres perpétrées sous la bannière mensongère de la « guerre contre le terrorisme » a été pour les entreprises américaines de gagner une part plus grande dans l’exploitation des ressources lucratives et de positionner l’armée américaine de façon à perturber ou même de fermer définitivement l’approvisionnement en énergie à des rivaux stratégiques, telle la Chine.

Durant neuf années terribles, d’importantes sections appauvries mais férocement indépendantes de la population afghane se sont opposées au programme de l’impérialisme américain et de ses alliés. Des dizaines de milliers ont perdu la vie dont des milliers de femmes, d’enfants et de personnes âgées qui ont été massacrés par des frappes aériennes ou abattus dans des raids menés contre des villages et des maisons. Dans la destruction et le bouleversement de la guerre, un nombre inconnu de personnes sont mortes de malnutrition, de maladie et d’un manque de soins médicaux.

Des milliers de personnes sont mortes aussi dans le nord-ouest du Pakistan, où le gouvernement pakistanais pro-américain a mené des campagnes brutales contre les populations tribales qui soutiennent la résistance afghane et des drones prédateurs américains larguent régulièrement des missiles contre des sites civils abritant soi-disant des insurgés.

Pour le peuple d’Afghanistan et du nord-ouest du Pakistan, les implications du sommet de Lisbonne représentent un nombre incalculable d’années de plus de morts, de destruction et de terreur.

D’ores et déjà, participant de la montée en puissance promue par Obama qui a fait passer le nombre des troupes américaines et de l’OTAN à 150.000, la violence a été massivement accrue avec de nouvelles offensives lancées dans les provinces du Helmand et de Kandahar. Pour donner une idée du caractère brutal de telles opérations, le nombre de bombes lâchées au-dessus de l’Afghanistan a fortement augmenté. Plus de 1.000 missions de bombardement ont été effectuées en octobre dernier, contre 660 en octobre 2009.

Pour la première fois, des chars lourds Abrams M1 sont déployés dans le Sud de l’Afghanistan pour assister les Marines à réprimer la résistance qu’ils rencontrent.

La population civile est assujettie à une punition collective aveugle. Un article paru mardi dans le New York Times rapporte que les troupes américaines détruisent systématiquement des centaines d’habitations civiles dans la région de Kandahar anciennement contrôlée par les Taliban au motif qu’elles sont peut-être piégées. Dans une déclaration qui rappelle la brutalité de la guerre du Vietnam, le gouverneur afghan pro-occupation du district de Khosrow de Kandahar où une demi douzaine de villages au moins ont été rasés, a dit au Times : « Nous avons dû les [les villages] détruire pour les sécuriser. »

Evoquant tout autant le Vietnam, des unités des forces spéciales américaines et de l’OTAN sont en train de mener une campagne de meurtres de masse de style Opération Phoenix. Un commandant américain s’est réjoui cette semaine dans le quotidien américain Christian Science Monitor de ce que toutes les 24 heures, les forces spéciales « tuent ou font prisonnier trois à cinq dirigeants ennemis de niveau moyen et 24 combattants ennemis. »

Si un tel taux est maintenu, près de 10.000 vies afghanes de plus seront anéanties au cours des 12 prochains mois rien que par les escadrons de la mort des forces d’occupation.

L’affirmation que les victimes de la guerre sont des « terroristes » ou une menace pour les Etats-Unis ou tout autre pays est un mensonge méprisable. La CIA elle-même a admis qu’il n’y avait plus qu’entre 50 et 100 personnes dans tout l’Afghanistan à avoir des liens avec Al Qaïda. Des milliers de personnes sont tuées, emprisonnées ou ont leurs maisons détruites parce qu’elles ne veulent pas accepter une domination étrangère ou un gouvernement fantoche américain.

Ce qui se passe en Afghanistan est une tentative calculée et meurtrière de noyer dans le sang l’opposition légitime qui existe au sein de la population contre l’occupation contrôlée par les Etats-Unis. En appliquant leur programme néocolonial, les classes dirigeantes des pays occupants sont tout aussi indifférentes au nombre de soldats américains ou de l’OTAN tués, blessés ou moralement détruits. Le bilan des victimes de cette année s’élève déjà à 654 et bien plus de 3.000 blessés. Depuis l’invasion de 2001, le nombre total des victimes américaines et de l’OTAN a dépassé 2.200.

Divers alliés des Etats-Unis, qu’ils soient ou non membres de l’OTAN, ont pris les devants avant le sommet de Lisbonne pour promettre de continuer leur participation à la guerre. L’Afghanistan et la « guerre contre le terrorisme » continuent de leur procurer un écran derrière lequel ils peuvent justifier des attaques contre les droits démocratiques sur le plan national, la poursuite de l’expansion de leurs forces militaires et de compter sur le soutien des Etats-Unis afin de servir leurs propres ambitions coloniales prédatrices.

L’Allemagne a prolongé sa mission jusqu’en 2012 en augmentant les opérations de combat de ses troupes. Le Canada qui devait retirer son contingent d’ici la fin de 2011 a annoncé qu’il conserverait jusqu’à 1.000 « formateurs » jusqu’en 2014. Le ministre français de la Défense, Alain Juppé, a dit mercredi que les troupes françaises ne quitteraient l’Afghanistan que lorsque « les autorités afghanes auront la situation bien en main. »

Le premier ministre australien, Julia Gillard, a déclaré le mois dernier lors d’un débat parlementaire que les forces australiennes seraient engagées en Afghanistan jusqu’à « la fin de cette décennie au moins. »

Le nouveau chef d’état major des forces britanniques, le général Sir David Richards, a même prévu un engagement plus long. Il a déclaré cette semaine qu’alors que la plupart des troupes de combat britanniques pourraient se retirer entre 2012 et 2014, « tout le monde sait que nous devrons rester bien plus longtemps que cela. »

En réponse à la question d’un journaliste qui demandait si l’occupation US/OTAN pourrait durer « entre 30 et 40 ans, » il a répondu, « Je pense que ce sera le cas. »

La classe ouvrière n’a aucun intérêt dans cette poussée néocoloniale pour la domination du peuple afghan. Les gouvernements de tous les pays représentés au sommet de Lisbonne que ce soit en Amérique du Nord, en Europe ou au Pacifique, entreprennent la démolition sociale pour le compte de cette même oligarchie capitaliste dont cette guerre défend les intérêts. Dans le même temps, ils avancent des « menaces terroristes » dans le but de supprimer les droits démocratiques et de préparer le cadre pour des Etats policiers.

Pas un centime de plus ne devrait être gaspillé pour des guerres d’agression criminelles. En réponse au programme impérialiste qui a été présenté à Lisbonne, la classe ouvrière doit mener une lutte politique pour le retrait immédiat et inconditionnel de toutes les troupes américaines et étrangères d’Afghanistan et pour le démantèlement de l’ensemble de la machine de guerre américaine et de l’OTAN.

Article original, WSWS, paru le 20 novembre 2010.



Articles Par : James Cogan

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