Le suicide de Jill Messick: La campagne #MoiAussi fait une victime
La productrice Jill Messick s’est suicidée le 7 février dernier à l’âge de 50 ans. Messick était la gérante de l’actrice Rose McGowan lors d’un incident impliquant le producteur Harvey Weinstein en janvier 1997 au Sundance Film Festival, au cours duquel McGowan allègue avoir été victime d’agression sexuelle. Cet incident est devenu l’un des pivots de la campagne #MoiAussi (#MeToo).
Le 30 janvier 2018, en réponse à l’insistance largement médiatisée de McGowan pour que des accusations criminelles soient portées contre Weinstein, l’avocat de ce dernier a publié un courriel de Messick datant de juillet 2017 dans lequel elle affirmait que McGowan lui avait dit à l’époque que l’épisode était consensuel. L’actrice a répondu à la publication du courriel par des tweets chargés de grossièretés.
McGowan avait déjà accusé Messick de trahison et de prendre le parti de Weinstein en échange d’un travail avec Miramax, la société de production de films de Weinstein à l’époque.
Suite à la mort de Messick, sa famille a publié un communiqué très ferme dans lequel elle affirme que «Jill a été la victime de notre nouvelle culture de partage illimité d’information et d’une propension à accepter des affirmations pour des faits… Elle est devenue un dommage collatéral au sein d’une histoire déjà horrible.»
La déclaration prend note des nombreuses femmes qui ont présenté des allégations contre Weinstein, «y compris Rose McGowan, qui a parlé à plusieurs reprises avec la presse, s’en prenant non seulement à son agresseur présumé, mais à beaucoup d’autres. L’une d’elles était Jill, qui a choisi de garder le silence face aux déclarations calomnieuses de Rose contre elle, de peur de miner les nombreuses personnes qui ont osé raconter leur histoire. Elle a choisi de ne pas alimenter la frénésie, permettant par là que l’on souille son nom et sa réputation, même si elle n’a rien fait de mal.»
La famille de Messick, explique-t-on dans la déclaration, souhaite maintenant rétablir les faits. Dans leur version de l’incident de janvier 1997, Messick, dans le cadre de son travail en tant que gérante débutante, a organisé un petit-déjeuner pour McGowan avec Weinstein pendant le festival de Sundance.
«Suite à la réunion, continue le communiqué, Rose a raconté à Jill ce qui s’était passé – qu’elle a pris la décision de retirer ses vêtements et d’entrer dans le spa avec lui – une erreur que Rose a immédiatement regrettée. Rose n’a jamais utilisé le mot «viol» dans cette conversation. Malgré cela, Jill reconnut que Harvey avait fait quelque chose d’inconvenant à Rose, sinon d’illégal. Elle est immédiatement allée voir ses patrons … pour raconter l’histoire de Rose et pour insister sur le fait qu’ils devaient immédiatement faire face à la situation. Ils ont dit à Jill qu’ils géreraient la situation. Les arrangements qui ont suivi [qui ont abouti à un règlement de 100.000 $ pour McGowan] entre Rose et Harvey ont ensuite été négociés, complètement à l’insu de Jill. À ce moment-là, tout ce que Jill savait, c’était que l’affaire était réglée et que Rose continuait à faire des films avec les Weinstein. Elle n’a jamais connu les détails jusqu’à récemment, lorsque Rose a décidé de les rendre publics.»
La déclaration explique que ce n’est que 10 mois plus tard, en novembre 1997, qu’un dirigeant de Miramax a recruté Messick «pour un poste de cadre chez Miramax Films à Los Angeles.» Elle poursuit: «Jill a été embauché sur la base du mérite et de son excellent travail de plus de deux ans en tant que jeune responsable au développement.»
La famille Messick souligne que la récente tournée médiatique de McGowan pour promouvoir son nouveau livre, Brave,comprenait «de nouvelles histoires impliquant Jill». Ils expliquent: «L’attention constante que Rose a recueillie dans la presse et à la télévision nationale a conduit Harvey Weinstein à diffuser deux documents». L’un d’entre eux était le courriel de Messick de juillet 2017, publié par l’avocat de Weinstein «sans son consentement». L’autre était un courriel de Ben Affleck affirmant que McGowan ne lui avait jamais parlé d’une agression sexuelle.
«Voir son nom dans les titres, encore et toujours, poursuit la déclaration, dans le cadre de la tentative d’une personne d’obtenir plus d’attention pour sa cause personnelle, de plus avec la tentative désespérée de Harvey de se justifier, était dévastateur pour elle. Cela a brisé Jill, qui commençait juste à remettre sa vie sur la bonne voie. Ce qui rend les accusations inexactes de Rose et ses insinuations contre Jill ironiques, c’est qu’elle fut la première personne à se lever au nom de Rose, et qu’elle a alerté ses patrons sur l’horrible expérience subie par Rose.»
Il semble que Messick se soit retrouvée dans une situation impossible, sympathique aux femmes qui portaient des accusations d’inconduite sexuelle tout en étant au courant des véritables circonstances de l’épisode Weinstein-McGowan, qui menaçait de saper le mouvement #MoiAussi.
Le comportement de McGowan a certainement été déplorable. Ses affirmations irresponsables, sa vindicte et son égocentrisme ont contribué à la frénésie médiatique sur l’inconduite sexuelle présumée. Après avoir accepté 100.000 $ en 1997, elle a gardé le silence sur l’incident de Weinstein pendant deux décennies, jusqu’à ce que cela devienne politiquement et personnellement commode. McGowan a maintenant transformé la chasse aux sorcières sexuelle en un contrat de livres et en la production d’une série télévisée documentaire en cinq parties, Citizen Rose.
Cependant, les vrais coupables dans cette affaire sont ceux qui manipulent McGowan et d’autres personnalités de l’industrie du divertissement pour leurs propres fins politiques pourries: le New York Times , Ronan Farrow et le New Yorker, le Time Magazine, le Washington Post, d’importants membres du Parti démocrate et toute la cabale des féministes de droite cherchant sans relâche à faire progresser leur carrière et à gonfler leurs revenus.
Ces forces, jour après jour, utilisent cyniquement des individus subjectifs et souvent instables tels que McGowan dans leurs tentatives pour convaincre le public que le harcèlement sexuel est le grand problème en Amérique – à l’heure de la plus grande inégalité sociale de l’histoire moderne, des conditions désastreuses auxquelles sont confrontées de larges couches de la population et la menace croissante d’une guerre nucléaire.
C’est très troublant, mais il n’y a aucune raison de supposer que Jill Messick sera la dernière personne à prendre une décision aussi terrible. Les pressions exercées par cette chasse aux sorcières réactionnaire sont énormes. Dans certains cas, des acteurs, des écrivains, des musiciens et d’autres voient des décennies de travail s’écrouler en quelques minutes sur la base d’allégations concernant des incidents survenus il y a de nombreuses années. D’autres sont trop intimidés pour s’exprimer. À cet égard, Messick est un exemple tragique. Son grand crime, aux yeux des fanatiques de #MoiAussi, et pour lequel elle a été attaquée, fut son refus d’adhérer au discours anti-Weinstein.
La purge actuelle à Hollywood a fait sa première victime importante. La «peur rouge» des années 1940 et 1950 a non seulement coupé court aux carrières de nombreux acteurs, écrivains et réalisateurs, mais elle a aussi mis fin à de nombreuses vies. L’une de ses principales victimes fut l’acteur Philip Loeb, qui fut étiqueté comme communiste en 1950 et par la suite écarté de la populaire série télévisée The Goldbergs. En septembre 1955, incapable de trouver un travail consistant et écrasé par les problèmes financiers, Loeb succomba à une overdose de somnifères à l’hôtel Taft de Manhattan.
On croit généralement que l’hystérie anticommuniste, les menaces des studios hollywoodiens et la surveillance et la persécution implacables du FBI ont également entraîné la mort prématurée des acteurs John Garfield, Canada Lee, J. Edward Bromberg et de l’actrice autrichienne Mady Christians.
David Walsh
Article paru en anglais, WSWS, le 10 février 2018