Print

Le traité Canada-États-Unis-Mexique enrayé par le carburant
Par Maryse Laurence Lewis
Mondialisation.ca, 08 décembre 2022

Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/le-traite-canada-etats-unis-mexique-enraye-par-le-carburant/5673358

Désaccords au sujet de l’énergie

Les États-Unis ne signent jamais d’entente qui ne leur soit pas préférablement favorable. Les autres signataires sont donc contraints de ratifier des clauses nuisibles. Cet état de fait ne titillait pas l’ancien Président mexicain, Enrique Peña Nieto. Celui-ci accepta l’installation d’entreprises privées états-uniennes sur le territoire. Dans des conditions telles que le nouveau dirigeant conteste, actuellement, la validité des accords, et demande l’avis de la population, concernant un possible jugement pour corruption envers Peña Nieto. 

Les réactions de Justin Trudeau et de Joseph Robinette Biden n’ont pas tardées. Dans ce texte, je vous invite à prospecter les commentaires et reproches, jaillissant de ces dirigeants, face au Président Lopez Obrador. ¹

Premièrement

On l’accuse de retarder la transition énergétique, en voulant protéger la compagnie nationale Pemex, productrice de pétrole, au lieu de miser sur les énergies renouvelables :

● L’entente permettait l’installation d’entreprises privées états-uniennes sur le territoire mexicain. 

● Les accords engageaient le Mexique à augmenter sa production… de pétrole lourd! 

● Soit, à passer de l’extraction de 2,5 millions de barils par jour à 3 millions en 2018, 

● puis à 3,5 millions ou plus en 2025! 

► Dans la même veine, la production de gaz naturel devait passer de 5,700 millions de pieds cubes 

► à 8 millions en 2018, puis à 10 millions de pieds cubes en 2025… 

♠ Le traité obligeait le Mexique à sous-utiliser son potentiel hydroélectrique, donc une ressource non fossile, pour ne pas concurrencer les entreprises privées états-uniennes! 

♦ Le Mexique ne produit que 3 % d’électricité à partir de charbon, alors que cette proportion, aux États-Unis, s’élève à 22 %. 

Deuxièmement

On reproche au gouvernement mexicain de vouloir amender les accords, afin que l’énergie générée par la Commission Fédérale d’Électricité (CFE) ait une priorité distribution, plutôt que ce privilège soit attribué aux entreprises privées des États-Unis. Le Secrétariat d’Économie mexicain appelle donc à une consultation à propos des accords. La position étant légitime : « Nous agissons en conformité avec les intérêts publics, en défendant la population du Mexique contre les entreprises voraces, habituées à dérober. » L’État espère augmenter à un minimum de 56 % les parts de CFE, lesquelles ne sont que de 38 %, par contraste avec le privé qui en détient 62 %. À compter du jour de la contestation, les signataires ont 75 jours pour négocier une entente. S’ils n’y parviennent pas, les États-Unis pourraient réunir un panel afin de résoudre cette affaire. ²

Traité de libre exploitation des autres nations

C’est la quatrième fois qu’on recourra à la solution permise lors des Traités Mexique-États-Unis-Canada (cette fois, l’article 31), permettant d’ouvrir des consultations, en vue d’amender les accords. Une plainte opposait les États-Unis contre le Canada, découlant de l’industrie laitière, par laquelle les producteurs québécois ont été les plus injustement lésés. Une seconde intervention provenait du Canada contre les États-Unis, pour une mesure liée aux panneaux solaires. La troisième s’avérait une dénonciation conjointe du Mexique et du Canada, contre les États-Unis, à propos des règles établies dans le secteur de production automobile. (Voyez les détails en fin de texte)

En ce moment, des procédures judiciaires sont initiées, contre l’ancien Président Enrique Peña Nieto, pour délit de corruption. L’Agence mexicaine contre le blanchiment d’argent ayant rendu publique une manipulation de millions de dollars en fonds possiblement illégaux. L’enquête n’étant pas achevée, un fonctionnaire, désirant conserver l’anonymat, confirme cependant qu’il s’agit bien de l’ancien Président Nieto, en poste entre 2012 et 2018. ³

L’hypocrisie déborde à plein gaz

Le Parti libéral de Justin Trudeau ne cesse de subventionner les entreprises privées productrices de pétrole ou de gaz. L’achat, avec l’argent des contribuables, de Transmountain, revendue ensuite à perte, en est un exemple déplorable. Quoique le Président Biden ait fermé le robinet pétrolier du projet KeyStone, en juin 2021, lequel prévoyait l’acheminement d’hydrocarbures de l’Alberta vers le sud des États-Unis, le Premier ministre de cette province désire le reflotter, en invoquant, bien entendu, la crise énergétique causée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Ces offensives que tous s’empressent d’envenimer, en augmentant l’envoi de soldats et d’armes. 

Immédiatement après le Sommet de Paris sur l’environnement, non seulement le Canada n’a pas diminué son implication dans le secteur du charbon, mais continué à en extraire et à l’exporter. Tous ces projets sont des soumissions aux profits des États-Unis et dont les dommages ne seraient à la charge que du Canada, en particulier les zones bordant le fleuve Saint-Laurent et l’Atlantique, comme le Nouveau-Brunswick et le Québec, si le projet de Terminal se concrétisait au Saguenay, et à Terre-Neuve par le projet Baie du Nord, dont l’aval fut donné par le Ministre de l’Environnement Steven Guilbeault, le courtisan qui a leurré si longtemps le groupe « écologiste » Équiterre. 4

Les clauses contestées par le Canada et le Mexique

L’antérieur traité de libre échange (ALENA), fut contesté par le Canada, en ce qui concerne l’envoi de panneaux solaires, de cellules photovoltaïques, vers les États-Unis. Bien que cet apport de technologie ne nuise en rien aux industries états-uniennes et qu’elle favorise l’essor d’énergie renouvelable, le gouvernement importateur exigeait 30% de droits de douane, alors qu’il s’agissait d’un accord de libre-échange entre frontières! 5

Lors du traité suivant (ACÉUM), le Canada contestait la clause permettant aux États-Unis d’augmenter leurs exportations de produits laitiers au Canada, à 100,000 tonnes par an… tout en imposant une limite d’exportation de produits du Canada vers les États-Unis. La poudre de lait écrémé et de concentrés protéiques du lait s’abaissa à 55,000 tonnes l’an, alors qu’elle atteignait 82,000 tonnes en 2017-2018, par exemple. Et les plus grands producteurs résident au Québec. 6

Le Mexique et le Canada contre les États-Unis : les accords stipulent qu’on ne doit pas élever de barrières tarifaires ou de mesures protectionnistes dans le secteur automobile. La réalisation de pièces tels que les moteurs, transmissions et volants, et l’envoi de véhicules, représentent les plus importants échanges entre les trois signataires. D’ici 2025, on exige que 75% des pièces et dispositifs variés soient fabriqués en Amérique, pour bénéficier d’une exemption de douane. Si l’on n’obtère pas à cette mesure, les États-Unis s’arrogerait le droits d’exiger des tarifs douaniers. Comme on pouvait s’y attendre, les dirigeants états-uniens, eux, projettent d’offrir un crédit d’impôt aux citoyens qui achèteraient une voiture électrique. Et ce crédit ne serait attribué qu’aux automobiles assemblées aux États-Unis! Et en 2025, le crédit ne serait versé qu’aux véhicules issus des usines de ce pays! 7

En ce qui concerne les hydrocarbures, on s’englue encore une fois dans des accords qui prouvent la duplicité des pays à mentalité colonialiste. Il est notable qu’aux États-Unis, dès qu’un produit étranger risque de devenir plus attrayant que leurs propres offres, les négociateurs imposent des barrières tarifaires. Pire : on intente même des recours contre une loi qui interdit une substance toxique, comme ce fut le cas avec le traité de L’ALENA. 

On se décompresse la conscience en négociant des quotas d’émission de carbone, grâce aux peuples peu consommateurs. Pas question de cesser d’utiliser des avions de chasse qui polluent plus que n’importe quel véhicule. Et lorsque l’hiver viendra assaillir de neige et de froid les contribuables, on leur demandera d’économiser le chauffage : la guerre requiert du sang et du carburant. Ainsi en sera-t-il, jusqu’à ce que l’humanité se transforme, elle aussi, en résidus fossiles. 

Maryse Laurence Lewis

citoyenne et journaliste

 

Références – Notes :

ALENA: Accords de libre-échange nord-américain

ACÉUM : Accords Canada États-Unis Mexique. 

1. https://www.journaldemontreal.com/2022/02/01/la-relation-mexique-etats-unis-sous-haute-tension-avec-la-reforme-electrique

2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Énergie_au_Mexique

3. https://www.latercera.com/mundo/noticia/fiscalia-de-mexico-abre-investigacion-por-presuntos-delitos-de-corrupcion-contra-expresidente-pena-nieto/OBTLHCTE2BCZNOGSIZN3XKDPRY/

4.https://www.lesoleil.com/2022/08/31/legault-dit-non-a-la-relance-du-projet-gazier-gnl-quebec-066167300f6a9b25cf4c12021f9e2887

5. https://www.tvanouvelles.ca/2018/07/23/ottawa-conteste-les-tarifs-americains-sur-les-panneaux-solaires

6. https://www.lequotidien.com/2020/02/27/les-accords-de-libre-echange-font-sentir-leurs-effets-sur lindustrie-laitiere-f2c70582b87516ce46c588676c2d3f7f

7. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1854124/accord-commercial-credit-impot-industrie-automobile

Avis de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.