Le tweet malveillant de Trump contre The Squad a fait mouche

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Traitez le de « misogyne », de « raciste » et/ou de « xénophobe » si vous voulez, mais le tweet malveillant de Trump contre cette « Squad »des femmes du nouveau congrès progressiste-démocrate peut servir de levier pour renverser les effets paralysants de la « fuite des cerveaux » des nations du « Sud global » même si ce n’était pas son intention et il l’a fait de façon très vulgaire.

Trump a envoyé un message très dur sur Twitter dimanche aux femmes progressiste du parti Democrate du nouveau Congrès qui ont secoué Capital Hill depuis leur élection l’an dernier. Collectivement connues sous le nom de « Squad » – qui comprend Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), Ayanna Pressley, Rashida Tlaib et Ilhan Omar – ces femmes de couleur ont exprimé très clairement leur conviction que les États-Unis doivent entreprendre des réformes radicales que leurs critiques ont qualifié de socialistes, ce qui a évidemment attiré la colère de Trump l’année dernière, étant donné sa profonde antipathie à l’endroit de tout ce qui relève de la gauche, même de loin. Ils se sont aussi mis à dos des gens du parti Democrate de longue date, perturbant même le puissant Président de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui craint que leurs tactiques controversées pour attirer l’attention ne discréditent l’ensemble du parti et ne préparent le Président sortant à une victoire écrasante à la réélection l’année prochaine.

Alexandria Ocasio-Cortez, D-N.Y., Représentant Ayanna Pressley, D-Mass. et Rashida Tlaib, D-Mich.

C’est dans ce contexte que Trump a tweeté ce qui suit :

C’est si intéressant de voir des femmes « progressistes » du parti Democrate au Congrès, originaires de pays dont les gouvernements sont une catastrophe complète et totale, les pires, les plus corrompus et les plus ineptes du monde (s’ils ont un gouvernement qui fonctionne), dire maintenant haut et fort et vicieusement au peuple des États-Unis, la nation la plus puissante de la planète, comment notre gouvernement doit être dirigé. Pourquoi n’y retournent-ils pas pour aider à réparer les endroits d’où ils viennent qui sont totalement brisés et infestés de crimes ? Puis revenez et montrez-nous comment vous l’avez fait. Ces endroits ont besoin de votre aide, vous ne pourriez pas partir assez vite. Je suis sûr que Nancy Pelosi serait très heureuse de prendre rapidement des dispositions pour un voyage gratuit !

Ses propos seront certainement qualifiés de « misogynes », de « racistes » et/ou de « xénophobes », mais il a quand même fait valoir un point intéresant.

AOC, Ayanna Pressley et Rashida Talib ont chacune la citoyenneté américaine de naissance, mais le Représentant Ilhan Omar a acquis la sienne des années après avoir immigré de Mogadiscio, en Somalie, pays à qui Trump pensait probablement lorsqu’il a demandé « pourquoi ne retournent-ils pas aider à réparer les endroits totalement brisés et infestés de crimes dont ils étaient originaires ». Peu importe que le sujet pluriel de son allocution soit inexact, s’il parlait du Représentant Omar comme on le présume, alors qu’il a quand même dit quelque chose de provocateur même si ce n’était pas son intention (et cela a été fait d’une façon très grossière). Les États-Unis servent d’aimant inspirant à la « fuite des cerveaux » des pays du « Sud global » partout dans le monde, et ces pays d’origine seraient mieux lotis si leurs expatriés basés aux États-Unis et leurs descendants contribuaient de manière constructive à redonner à leurs terres ancestrales.

Cela ne veut pas dire que le Représentant Omar devrait être forcée de retourner en Somalie – après tout, elle est entrée légalement aux États-Unis et a suivi la loi pour obtenir la citoyenneté, de sorte qu’elle a le droit de rester dans le pays aussi longtemps qu’elle le souhaite – mais seulement que ce dernier scandale pourrait servir à des fins positives si la communauté immigrée des États-Unis et leurs descendants prenaient le temps de réfléchir à la façon dont ils pourraient utiliser les expériences positives vécues en Amérique pour aider leurs homologues ethniques dans le monde. Au début de l’année dernière, Trump qualifiait de manière infâme une grande partie de la planète de « trou à merde« , mais ce qu’il décrivait de façon humiliante était le sous-développement socio-économique chronique dans de nombreux pays postcoloniaux. Malheureusement, les immigrants en général ont tendance à  » oublier d’où ils viennent «  une fois qu’ils s’installent aux États-Unis et ne conservent généralement des liens culturels et linguistiques avec leur pays d’origine que dans les cas où ils ne s’assimilent et ne s’intègrent pas complètement.

Chacun a le droit de se déplacer dans n’importe quel pays du monde tant qu’il suit les lois de l’État d’accueil, et personne n’est obligé de garder le moindre lien avec son pays d’origine, mais il ne faut pas oublier non plus que les États-Unis ont toujours militarisé la « fuite des cerveaux » afin de priver ces pays de leurs précieuses ressources humaines en leur promettant une « vie meilleure » (qui est comprise de façon différente selon leurs besoins et rêves personnels). Cela ne veut pas dire que beaucoup d’immigrés n’ont pas vraiment un meilleur niveau de vie lorsqu’ils quittent le « Sud global »pour les États-Unis, mais simplement pour attirer l’attention sur le fonctionnement de ce processus et la raison pour laquelle il se poursuit à ce jour.

Les cyniques pourraient accuser les États-Unis de chercher également à utiliser ces expatriés et leurs descendants comme instruments d’influence dans le cas où ils finissent par renouer avec leur patrie ancestrale après leur arrivée en Amérique, et bien qu’ils puissent avoir un argument valable dans certains cas (ex : la plupart des immigrants cubains anticommunistes et leurs descendants), la majorité des exemples seraient probablement de tendre à une amélioration globale du pays hôte et non de le faire à son détriment. Dans le cas du Représentant Omar, la description que fait Trump de sa patrie est peut-être hyperbolique, mais elle n’est pas loin de la vérité, puisqu’elle « vient d’un pays dont le gouvernement est une catastrophe complète et totale, le pire, le plus corrompu et le plus inepte au monde (s’il y a un gouvernement qui fonctionne) » même si l’intervention directe et indirecte des États-Unis sur ce territoire au cours des décennies est partiellement responsable de cette situation atroce.

La Somalie est un  » endroit totalement brisé et infesté de crimes «  malgré une amélioration relative (mot clé) au cours des dernières années, et ce pays pourrait certainement avoir besoin de toute l’aide qu’il peut obtenir. Certains Somalo-Américains font déjà ce qu’ils peuvent pour aider, et le président Mohamed Abdullahi Mohamed (populairement connu sous le nom de « Farmajo ») possède même une double citoyenneté avec les États-Unis, ce qui témoigne à quel point les citoyens américains naturalisés peuvent redonner à leur patrie s’ils en ont la volonté. Le Représentant Omar a la liberté d’expression de dire ce qu’elle veut et s’est vu confier par ses électeurs le rôle qu’elle détient au Congrès parce qu’ils croyaient qu’elle ferait avancer leurs intérêts à Capital Hill et qu’elle n’est plus obligée d’avoir quoi que ce soit à faire en Somalie, mais cela constituerait un exemple positif et « remettrait Trump à sa place » si elle assumait un rôle plus important dans la promotion globale des relations américano-somaliennes en réponse au message malveillant pour montrer qu’elle n’a besoin de revenir sur ses terres natales pour aider son pays d’origine de manière significative.

Andrew Korybko

 

 

Article original en anglais : Trump’s Spiteful Tweet Against “The Squad” Made A Solid Point, Oriental Review, le 15 juillet 2019

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

 

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.



Articles Par : Andrew Korybko

A propos :

Andrew Korybko est le commentateur politique étasunien qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides: l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime(2015).

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