Le verdict du premier procès de Guantanamo a été un camouflet pour George Bush

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  Ce dessin de Janet Hamlin, phtographié par l’agence AP et passé à la moulinette de la censure militaire, montre Salim Hamdan écoutant le 24 Juillet le témoignage de l’agent du FBI Craig Donnachie  qui l’a interrogé, tandis qu’une photo d’agents US déguisés est projetée sur l’écran derrière le président de la cour.

A la grande satisfaction de la Maison Blanche, les procureurs avaient requis une peine d’emprisonnement qui ne soit pas «inférieure à trente ans » contre le Yéménite Salim Ahmed Hamdan, 38 ans, premier détenu de Guantanamo à être jugé par « un tribunal de crimes de guerre », un tribunal d’exception réuni pour la première fois aux USA depuis la Seconde guerre mondiale.

Le jury militaire de six membres de ce tribunal, à, l’issue de quinze jours de procès, en a décidé autrement le 7 août, après moins d’une heure de délibérations : l’ancien chauffeur de Ben Laden (en Afghanistan, de 1996 à sa capture fin 2001) devrait être libéré dans moins de six mois, soit avant la fin 2008.

En effet détenu à Guantanamo depuis six ans et mis en accusation depuis cinq, il a été condamné à 5 ans et demi de prison. La veille le jury militaire l’avait déclaré « coupable de soutien matériel à une entreprise terroriste », ce qui était pour plaire à l’exécutif américain, mais le jury avait rejeté le chef d’inculpation de « complot ». Ainsi la clémence du tribunal militaire a été immédiatement considérée comme un « camouflet » pour la Maison Blanche (quotidien Libération, 9 août).

« La légèreté de la peine infligée est un revers pour l’administration Bush et pour l’accusation » a écrit pour sa part Le Monde (9 août).

Les avocats militaires commis d’office de Salim Hamdan ont salué « l’intégrité et l’honneur » des six officiers. Hamdan a été autorisé à prendre la parole par le juge, le capitaine de marine Keith Allred. Remerciant le jury, il a une nouvelle fois présenté ses excuses aux victimes des attentats d’Al-Qaida. Le premier avocat de Hamdan, l’ex-commandant Charles Swift est ce juriste qui a porté l’affaire devant la Cour Suprême et qui a fini par être contraint de quitter l’armée américaine.

Toutefois Salim Hamdan sera toujours considéré comme « un ennemi combattant illégal » par les USA et de ce fait maintenu en détention. Ainsi son cas peut éventuellement être revu, a précisé le Pentagone. Mais Hamdan, père de deux enfants, qui a toujours soutenu n’avoir été qu’un simple chauffeur de Ben Laden pour gagner sa vie, pourra demander une révision de son statut d’ennemi combattant. Selon l’envoyé spécial du New York Times, à la fin de l’audience, Hamdan a lancé un « bye bye » joyeux et poli à l’adresse de l’auditoire.

Le trentenaire a comparu pendant deux semaines devant une juridiction inédite, instituée par l’administration Bush. Créées au lendemain des attentats du 11 septembre pour juger les suspects arrêtés dans le cadre de «la guerre contre le terrorisme», les «commissions militaires» constituées en tribunaux d’exception ont donné lieu à une très longue bataille juridique avant l’ouverture de ce premier procès, près de sept ans après l’attentat. En 2007, le seul détenu à avoir comparu devant un tribunal d’exception, l’Australien David Hicks, avait évité un procès en plaidant coupable en échange d’une peine réduite à neuf mois et de son retour dans son pays.

Un procès militaire aux allures de procès civil : la Maison Blanche contrée

Des organisations de défense des droits de l’homme et une trentaine de journalistes ont pu assister aux audiences, au cours desquelles Salim Hamdan était totalement libre de ses mouvements. Ce régime contraste avec les conditions de détention dont s’est plaint à la barre Salim Hamdan. Il avait évoqué son incarcération à l’isolement où il avait été victime de privations de sommeil, réveillé toutes les heures pendant 50 jours. L’homme avait également dénoncé un interrogatoire où il a été humilié sexuellement par une femme. Après son procès, il a été prévu qu’il sera détenu séparément des autres prisonniers détenus à Guantanamo. Etant le seul à avoir bénéficié d’un procès pour le moment, il risque l’isolement complet.

Le Pentagone souhaite organiser au moins 20 procès devant ces juridictions d’exception. Environ 265 suspects de « terrorisme » sont toujours détenus à Guantanamo dans un cadre juridique international indéfini.
La mise en route de l’appareil judiciaire lève un obstacle à la fermeture de la prison de Guantanamo. Contrairement au républicain McCain, Barak Obama a déclaré qu’il souhaitait dissoudre les commissions militaires. S’il est élu, il a annoncé que les prochains procès pourraient être transférés à des tribunaux civils ou des cours martiales.

Fin septembre, doit s’ouvrir le procès de Khalid Cheikh Mohammed et quatre de ses présumés complices pour leur rôle dans les attentats du 11 septembre 2001. Le même jour (le 7 août, jour du 10ème anniversaire des attentats anti-US à Nairobi et Dar-es-Salaam), George Bush a rappelé à Bangkok, deuxième étape de sa tournée asiatique, qui l’a mené à Pékin pour la cérémonie des JO, qu’Al-Qaida cherchait toujours à frapper les USA et leurs alliés. « Cet anniversaire renforce la nécessité d’empêcher que de tels attentats ne se reproduisent».

Article publié le 10 août 2008.



Articles Par : Michel Porcheron

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