L’élection de Philippe Couillard comme Premier ministre du Québec serait un désastre

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« Depuis 1763, nous n’avons plus d’histoire, sinon celle, par réfraction, que nos conquérants veulent bien nous laisser vivre, pour nous calmer. Cette tâche leur est d’autant plus facile que nous sécrétons nos propres bourreaux. »  Léon Dion (1922-1997)

« Le laquais, en imitant les vices de ses maîtres, a l’impression de s’approprier leur puissance. » Voltaire (1694-1778)

« Tous les colonisés du monde et de l’histoire se sont fait dire que leur affranchissement les conduirait à la ruine et au marasme social. » André Langevin (1927-2009)

Avec son conservatisme et son passéisme historique, le Dr. Philippe Couillard fait vraiment peur. Nous sommes en face d’un politicien dont la pensée politique en est une du 19ème Siècle et qui récuse la plupart des progrès que le Québec moderne a réalisés au cours des dernières décennies.

Essentiellement parce que les journalistes n’ont pas fait correctement leur travail au cours de cette curieuse de campagne électorale, les gens connaissent très mal l’actuel chef du PLQ et son idéologie politique, beaucoup plus rapprochée de celle d’un Stephen Harper que des chefs traditionnels du PLQ, à commencer par Georges-Émile Lapalme et Jean Lesage, ou de Robert Bourassa et Claude Ryan, qui tous avaient un amour pour le Québec et sa survie en tant que société francophone distincte en Amérique du nord.

Avec Philippe Couillard, en effet, le PLQ a un leader qui croit plutôt que le Québec a fait fausse route avec la Révolution tranquille, et même que tous les efforts pour construire une classe d’affaires francophone, le Québec Inc., n’auraient pas dû être entrepris parce que non conformes à son idéologie du « véritable libéralisme » classique.

Comment le sait-on ?

Parce que Philippe Couillard l’a lui-même expliqué dans un article radical qu’il publia dans le journal Le Devoir, le 5 décembre 2012, quand il voulut se distinguer des deux autres candidats dans la course à la chefferie libérale, les ex ministres Raymond Bachand et Pierre Moreau. Dans cet article de 2012 et intitulé « Revenir aux sources de l’idée libérale », M. Couillard se présente lui-même comme un libéral d’avant la Révolution tranquille qui a la nostalgie du bon vieux temps, soit celui des Wilfrid Laurier, Alexandre Taschereau et Adélard Godbout, tous selon lui de « véritables libéraux » partisans du laisser faire, de l’attentisme et de l’immobilisme gouvernemental.

Un refus obstiné de l’héritage nationaliste de grands leaders du PLQ

Le Dr. Couillard ne semble manifester aucune véritable admiration pour les architectes de la Révolution tranquille que furent les Georges-Émile Lapalme, Jean Lesage, René Lévesque, Paul Gérin-Lajoie, et même pas pour Robert Bourassa, et pour tous les autres leaders politiques du Québec depuis plus d’un demi-siècle. Avec lui, surtout pas de slogan de « Maîtres chez-nous », ou de celui de « Québec d’abord ! », ou même de faire sienne la déclaration du chef libéral Georges-Émile Lapalme qui affirmait qu’il « n’est pas de province, dans la Confédération canadienne, qui ait autant besoin de son autonomie pour vivre que la province de Québec ». Philippe Couillard n’a que faire d’une autonomie politique pour le Québec. Il aspire plutôt à se fondre dans le tout ‘Canadian’.

Georges-Émile Lapalme et Jean Lesage ont beau avoir été des figures de proue dans l’histoire du Québec, ils sont anathèmes aux yeux du bon docteur Couillard. Il se dit en rupture avec ces grands leaders libéraux québécois.

Il faudrait aussi demander au Dr. Couillard ce qu’il pense de la déclaration du Premier ministre Robert Bourassa, de juin 1970, quand ce dernier déclara que « quoi qu’on dise et qu’on fasse, le Québec est aujourd’hui et pour toujours une société libre de ses choix et capable d’assurer son développement… ». Je ne crois pas me tromper en pensant qu’il aurait le même mépris envers M. Bourassa que celui d’un Pierre-Elliot Trudeau arrogant, quand celui-ci avait traité publiquement le Premier ministre du Québec de « mangeur de hot-dogs » !

Avec le Dr. Couillard, il n’aurait pas été question de reconquête économique et d’affirmation nationale, tel que mis de l’avant dans les années ’60 par Georges-Émile Lapalme, Jean Lesage, René Lévesque et Paul Gérin-Lajoie. Il n’aurait pas fallu surtout compter sur lui pour réaliser la nationalisation de l’électricité ou pour créer une Caisse des dépôts. Non. Le bon docteur aurait laissé faire, parce que conforme à son idéologie ultra conservatrice. Où serait le Québec moderne d’aujourd’hui si un Philippe Couillard avait dirigé le Québec ?

Est-ce que les partisans francophones du PLQ savent cela ? Permettez-moi d’en douter. Savent-ils qu’ils ont à leur tête une personne qui a des idées politiques très rapprochées de celle du chef conservateur fédéral Stephen Harper ?

Quelle différence y–a-t-il, en effet, entre Philippe Couillard et le conservateur Stephen Harper ? En réalité, ce sont deux conservateurs d’extrême droite, sauf que le premier s’exprime mieux en français que le second.

Les deux sont, en effet, des conservateurs dans l’âme, et ils sont des nostalgiques du bon vieux temps. Dans le cas de Harper, c’est la nostalgie de l’Empire britannique, tandis que pour Couillard c’est la nostalgie du Québec « province comme les autres » dans un Canada irréformable. Pour M. Couillard, son Canada c’est le Canada de Pierre-Elliot Trudeau.

Les deux sont aussi des royalistes à tout crin et des admirateurs enthousiastes de l’Empire britannique et de la Reine d’Angleterre.

Les deux font partie du Conseil privé de la Reine à Ottawa à qui ils ont prêté allégeance.

Les deux sont des politiciens religieux qui se félicitent assurément que le gouvernement Trudeau ait inséré dans l’Acte constitutionnel de 1982, dénoncé à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec, que le Canada reconnaît « la suprématie de Dieu », ce qui est contraire aux grandes constitutions américaine et française qui reconnaissent plutôt la « suprématie du peuple ».

Les deux sont convaincus que le Québec doit redevenir « une province comme les autres », sauf que M. Harper a eu au moins la décence de faire adopter une loi de principe déclarant les Québécois « une nation dans un Canada uni », même si ce geste symbolique ne conférait aucun pouvoir additionnel au gouvernement du Québec.

Messieurs Couillard et Harper sont tous les deux des partisans du laisser faire dans tous les domaines, économique, social, culturel et linguistique. Et si cela l’exige, ce sont des politiciens dont on peut s’attendre à ce qu’ils se rangent du côté des riches contre les pauvres.

L’indifférence que manifeste le chef actuel du PLQ pour la langue française et pour l’histoire du Québec tient aussi à sa vision ultra conservatrice des choses. La proposition qu’il a laissé échapper lors du deuxième débat des chefs le 27 mars dernier, à savoir d’instituer un « bilinguisme sur le plancher des usines » du Québec, relève de son inconscience de la précarité du français en Amérique du nord et de son refus de défendre la langue française en tant que langue officielle du Québec. On sent, en effet, chez Philippe Couillard l’impression nette que si la loi 101, laquelle dit que la langue officielle du Québec est le français, disparaissait, il en serait fort aise.

La conclusion est claire, à savoir que jamais le Québec n’a risqué autant qu’aujourd’hui d’avoir un Premier ministre en Philippe Couillard aussi inféodé aux forces qui veulent écraser le Québec et le faire reculer, et aussi associé à leur volonté de « remettre le Québec à sa place ».

Gardons à la mémoire que M. Couillard s’est dit prêt à signer la constitution de 1982, rejetée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec, en ne demandant en retour que le reste du Canada reconnaisse la « spécificité » du Québec, et cela sans consulter la population du Québec. Si ce politicien n’est pas dangereux pour la démocratie québécoise, je me demande qui peut bien l’être !

Par conséquent, si jamais Philippe Couillard était élu Premier ministre du Québec le 7 avril, ce sera comme si on venait d’élire un jumeau politique de Stephen Harper à la tête du Québec. Certains des anciens premiers ministres du Québec se retourneraient surement dans leur tombe !

Et le Québec pourra continuer de glisser vers cette « louisianisation »* que je craignais il n’y a pas si longtemps.

Oui, le chef du PLQ M. Philippe Couillard fait peur.

Au cours de cette dernière semaine de la campagne électorale, ce sera l’occasion pour les Québécoises et les Québécois de se demander s’ils veulent vraiment être dirigés, au cours des quatre prochaines années, par Philippe Couillard et un PLQ de plus en plus conservateur.

Il nous importe à tous de faire en sorte qu’un pareil désastre ne se produise point. Et surtout, n’allons pas bêtement faire le jeu de nos adversaires en émiettant nos votes entre plusieurs tiers partis, lesquels n’ont aucune chance de prendre le pouvoir.

De grâce, ayons un minimum de solidarité nationale !

Rodrigue Tremblay

* La Louisianisation du Québec, dans Les grands enjeux politiques et économiques du Québec, chap. 5, Rodrigue Tremblay, Éd. Transcontinentales, 1999. [http://classiques.uqac.ca/contemporains/tremblay_rodrigue/grands_enjeux_pol_eco_qc/grands_enjeux_tdm.html]



Articles Par : Prof Rodrigue Tremblay

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