L’ère de la transparence…

On nous explique régulièrement que nous vivons – ce qui serait une spécificité nouvelle, unique et bénéfique, dans l’Histoire – dans « l’ère de la transparence ». On veut nous faire comprendre par là que le pouvoir et ses relais fonctionnent absolument à découvert, contrairement à toutes les époques passées. Le citoyen est en permanence invité à plonger son regard « sans filtre » sur des révélations, des tractations, des opérations, des affaires, concernant les petits et grands de ce monde. Il peut avoir l’impression de suivre en direct, et de comprendre par lui-même, le fil de tous les événements qui lui seraient scrupuleusement rapportés. Et quand on est naïf, que l’on croit encore que le système dans son ensemble n’est pas intrinsèquement marionnettiste, on peut avoir cette conviction, surtout si l’on reste collé aux médias traditionnels et aux discours des figures politiques.

Mais en vérité, le système n’a jamais été aussi opaque : la seule transparence qui existe, c’est la vie des hommes politiques et des journalistes qu’on connaît sur le bout des doigts pour les tenir au doigt et à l’œil ; s’ils s’écartent de la ligne fixée, s’ils dérapent, si le système décide de les faire déraper, aussitôt leur vie, exagérément noircie, est exposée en toute transparence à l’ensemble de la population, dans des termes de nature à la chauffer à blanc d’indignation.

À l’arrière-plan, il y a la transparence de la vie de tous les citoyens, par les téléphones, les connexions Internet, les relevés de comptes bancaires, etc., une propagande de plus en plus intrusive et multiforme incitant au repli et à la délation. Cela fait quelque temps qu’en Europe, les individus ne se sont pas trouvés dans un système aux yeux desquels ils sont aussi transparents, et vulnérables. On sait tout d’eux et, le moment venu, s’ils dérapent, on peut user contre eux de tous les leviers les plus pervers, en grossissant les traits potentiellement diabolisateurs, en éliminant les traits flatteurs et disculpants, tout en prétendant exposer une affaire ignoble en toute transparence.

Le résultat est l’opprobre publique pour le dérapant, et un avertissement sévère au restant du troupeau pour qu’il reste dans les plaisirs qu’on lui conçoit et, surtout, ne se mette pas à réfléchir et poser et prétendre résoudre les vrais problèmes : c’est cela, et rien d’autre, qu’on nous vend, inversion accusatoire, comme « société de la transparence ».

François Belliot

Source de l’illustration en vedette : yannick.net

François Belliot, chroniqueur français, est l’auteur de Guerre en Syrie : Le mensonge organisé des médias et des politiques français, 2015 et « Guerre en Syrie : quand médias et politiques instrumentalisent les massacres – chroniques, volume 2 », paru en septembre 2016 aux éditions SIGEST.



Articles Par : François Belliot

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