Les Allemands se préparent à une frappe nucléaire

La demande de bunkers personnels est en hausse en Allemagne en raison de la peur de la guerre. Une émission a été diffusée à la télévision berlinoise sur les nouveaux intérêts des Allemands dans le marché immobilier. Les événements en Ukraine ont augmenté la demande de bunkers individuels non seulement dans la capitale, mais aussi dans les Länder car il n’y a plus d’abris anti-bombes publics en Allemagne.

La peur de la guerre atomique. Selon une enquête Forsa de mars dernier, 69% des personnes interrogées craignent que l’Otan et donc la Bundeswehr ne soient entraînées dans la guerre contre la Russie via l’Ukraine. La télévision berlinoise, c’est-à-dire la RBB24, le groupe régional de média pour le Land de Berlin et du Land du Brandenbourg, a, donc, consacré un reportage sur la frénésie des Allemands pour l’achat de bunkers: «La peur de la guerre suscite un vif intérêt pour les bunkers privés». Il faut au moins investir 100 000 euros pour un bunker personnel confortable, précise la RBB24.

Du latex au réemploi du bunker. Selon l’auteur du reportage, Hasan Gökkaya, la maintenance des abris anti-bombes publics en Allemagne a été interrompue en 2007. Le gouvernement allemand considérait, alors, qu’avec la chute du mur de Berlin, un conflit militaire en Europe avec le bombardement de vastes zones et l’utilisation d’armes chimiques et nucléaires était impossible. Par conséquent, 23 abris anti-bombes de Berlin ont été fermés et utilisés à d’autres fins. Il est pratiquement impossible de les remettre dans leur état d’origine car l’équipement nécessaire n’est pas disponible. Et, les diverses modifications effectuées les ont détériorés par rapport aux objectifs initiaux. D’après les experts, si ces abris anti-bombes étaient opérationnels, moins de 1% des habitants du Berlin d’aujourd’hui pourraient s’y réfugier. Il existait, par exemple, jusqu’en 2017 un immense bunker atomique sous terre dans Berlin sur le Kurfürstendamm. Les autorités ont décidé de le raser. Après la guerre froide, celui-ci a été utilisé comme lieu pour organiser des expositions ou d’autres activités nocturnes comme la foire érotique de Berlin où on pouvait y voir des scènes exubérantes des nuits berlinoises avec des personnes vêtues en latex.

Le traumatisme de la guerre en Allemagne reste vivace. Mais, le conflit armé actuel en Europe fait craindre aux Allemands pour leur propre vie. A cet égard, le sondage de Forsa est révélateur. 69 % des Allemands interrogés craignent, donc, que l’Otan et l’Allemagne ne soient impliquées dans le conflit ukrainien. A ce titre, la télévision bavaroise, BR24 signale à l’attention de ses lecteurs: «Les images qui sont actuellement diffusées sur l’écran en temps réel depuis l’Ukraine sont effrayantes. La peur de la guerre nous frappe à un moment où la santé mentale de nombreuses personnes a déjà été affaiblie par deux ans de pandémie corona». La directrice de la cellule psychologique joignable par téléphone à Munich, Martha Eber, observe une peur et une panique croissantes face à la guerre en Ukraine. «De nombreuses personnes, [qui nous téléphonent, restent scotchés] de manière obsessionnelle devant les informations ou recherchent constamment les [nouvelles actualités] sur Google, lisent une évaluation d’expert, l’une après l’autre. Certains oublient de manger et ne peuvent pas dormir», a-t-elle fait savoir au Süddeutsche Zeitung. Elle rajoute: «Les personnes âgées qui se souviennent encore de la Seconde Guerre mondiale ont souvent peur pour leurs petits-enfants et d’une autre guerre mondiale».

Des prix et des affaires sur la peur. Le coût d’un bunker dans la version de base (avec une porte blindée et des toilettes) est de l’ordre de 100 000 euros. Le magazine Focus a, cependant, estimé le coût d’un bunker personnel de 50 000 à 1 million d’euros. Mais, le prix établi pour la construction d’un bunker n’est, en fait, pas limité, affirme le magazine. En principe, ces bunkers devraient offrir une protection contre les tirs d’armes légères et de mortier, résister à l’onde de choc et même à la radioactivité.

Focus, Mario Piejde, responsable technique de la société Bunker Schutzraum Systeme Deutschland (BSSD) basée à Berlin, a déclaré: «Depuis des jours, nous recevons plus de 100 demandes et de nombreuses commandes fermes de toute l’Allemagne et d’autres pays». L’entreprise, fondée en 2014, propose aux entreprises et aux particuliers l’installation de bunkers, d’abris, de garages blindés et de salles dites de panique. Selon ses propres déclarations, l’entreprise est le plus grand et, dans certaines régions, le seul fournisseur de telles installations en Allemagne.

Le mini-bunker dans la version allemande est constitué d’une pièce de 9,6 mètres carrés avec un lit superposé, un garde-manger pour le stockage des aliments, une kitchenette, des toilettes et un local technique et coûte 59.000 euros. Pour 18m², il faut payer 120.000 euros, pour 90 m2, 385.000 euros. La société indique avoir besoin de 180 jours pour construire le bunker de son choix.

Au micro de RBB24, Mark Schmichen, le porte-parole de BSSD a fait savoir que «beaucoup de clients sont tout simplement terrifiés par la situation actuelle». Avant le 24 février, l’entreprise comptait pas moins de 300 visiteurs sur son site Web. «Lorsque la guerre a commencé, le nombre est passé à plus de 10 000 visiteurs par jour», a-t-il fait savoir.

Des bunkers similaires sont aussi fabriqués par d’autres entreprises. Au moins des «salles de panique» sont, également, produites par d’autres entreprises allemandes, telles que Turtle Saferooms de Brême et Scutum de Berlin. Des représentants de ces entreprises ont confirmé à RBB24 que la demande de bunkers a triplé depuis le 24 février dans le monde.

Olivier Renault



Articles Par : Olivier Renault

A propos :

Olivier Renault, journaliste. Il travaillé, entre autres, pour RUE89, Die Junge Freiheit, des sociétés de production à Berlin et Hambourg pour la télévision allemande...

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