Les Antilles refusent les provocations de Sarkozy
Protestations . Aimé Césaire, poète, député et maire honoraire de Fort-de-France, refuse de rencontrer le ministre de l’Intérieur.
La déclaration est lapidaire mais explicite : « Je n’accepte pas de recevoir le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy pour deux raisons. La première : des raisons personnelles ; la seconde, parce que, auteur du Discours sur le colonialisme, je reste fidèle à ma doctrine et anticolonialiste résolu. Et ne saurais paraître me rallier à l’esprit et à la lettre de la loi du 23 février 2005. » En quelques lignes, le député et maire honoraire de Fort-de-France (Martinique) Aimé Césaire, fait comprendre au ministre de l’Intérieur que ce qu’il disait dans un entretien au Magazine littéraire en novembre 1969 : « L’homme antillais a été colonisé de l’intérieur, a été profondément aliéné », reste d’actualité. Plus que jamais d’actualité même quand Nicolas Sarkozy et ses amis imposent que les manuels scolaires valorisent le « rôle positif de la présence française outre-mer ».
Aimé Césaire dénonce, dans cette visite qui tombe opportunément quelques jours après le refus par l’UMP d’amender la loi, un « piège » dans lequel « il ne tombera pas ». Le piège pourrait même tourner au fiasco pour Nicolas Sarkozy. Déjà des élus, des syndicats et des associations réunis dans un collectif d’une trentaine d’organisations ont lancé lundi à Fort-de-France (Martinique) un appel à manifester contre sa visite. Ces organisations ont annoncé, lors d’une conférence de presse, un rassemblement à la Maison des syndicats et un meeting sur la place de la Savane à Fort-de-France, dès mercredi après-midi. Elles invitent également la population martiniquaise à organiser des « concerts de klaxons » et des prises de parole sur le passage du ministre. Comme Aimé Césaire, ces organisations entendent ainsi signifier leur indignation après le refus de la majorité UMP de l’Assemblée nationale d’abroger l’article 4 de la loi du 23 février 2005, sur le « rôle positif de la présence française outre-mer ».
« Sa venue est une provocation et un affront » pour les Martiniquais, a indiqué le maire et conseiller général de Sainte-Anne, Garcin Malsa. Il a, à cet égard, rappelé que le ministre de l’Intérieur avait déclaré que les Noirs étaient plus violents que les Arabes dans les banlieues. Elles souhaitent aussi lui manifester leur hostilité face aux propos tenus par Nicolas Sarkozy sur « la racaille » dans les banlieues et le nettoyage « au Karcher ». « Lorsque le ministre emploie ces mots, nous nous sentons visés, car il parle de nos frères et soeurs qui vivent dans les banlieues », a expliqué Garcin Malsa.
Une colère que les récentes déclarations du ministre sur les propos d’Alain Finkielkraut dans un entretien paru dans le quotidien israélien Haaretz n’ont pas dû apaiser. Le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a jugé que cet intellectuel français faisait « honneur à l’intelligence française ». Alain Finkielkraut avait notamment estimé que la crise des banlieues était « une révolte à caractère ethnico-religieux ». L’intellectuel avait ensuite présenté ses « excuses », en déclarant avoir été « victime d’amalgames ». Des excuses que Nicolas Sarkozy ne compte visiblement pas reprendre à son compte.
« Écoutez le monde blanc (…). Écoute aux alibis grandioses son piètre trébuchement. Pitié pour nos vainqueurs omniscients et naïfs ! », écrivait déjà Aimé Césaire en 1939.