Les chars Abrams M1 et Leopard 2 donneront-ils la victoire à l’Ukraine?
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a remercié les pays occidentaux pour les nombreux véhicules blindés de transport de troupes et pour les missiles de défense aérienne que leurs dirigeants ont promis de livrer lors d’une réunion à Ramstein en Allemagne. «Je peux vous remercier des centaines de fois mais les centaines de mercis ne sont pas des centaines de chars», a-t-il déclaré, appelant à une livraison rapide de chars modernes aux forces de son pays.
Le média US 19FortyFive, qui fait intervenir des experts en politique étrangère et en sécurité nationale, vient de donner la plume à un ancien tankiste US et expert des combats de chars. Il annonce un fiasco avec ses livraisons différentes de blindés et d’armes en Ukraine.
Des défis et des obstacles. Observateur Continental a informé que les Etats-Unis ont décidé l’envoi des chars Abrams en Ukraine. La grande question, cependant, est de savoir si ces chars, chaque fois qu’ils arriveront, se révéleront décisifs sur le champ de bataille. Il semble y avoir une croyance à Kiev et dans les capitales occidentales que si l’Ukraine reçoit des chars modernes de l’Otan, la guerre sur le terrain tournera en sa faveur. Ces optimistes risquent d’être déçus, pour des raisons simples. 19FortyFive montre la dure vérité en affirmant que l’emploi des chars Abrams et Leopard modernes dans les forces de l’Ukraine représente des défis et des obstacles.
Même, si l’Allemagne finit par autoriser les pays européens à envoyer un grand nombre de leurs 2.000 chars Leopard 2, comme cela semble maintenant probable, il faudra des mois pour qu’un nombre significatif d’entre eux arrive en Ukraine, pour que les troupes soient formées à leur utilisation, et enfin pour que ces troupes soient en position de déployer les chars sur le champ de bataille. Utiliser les chars de manière efficace sera encore plus compliqué. Les forces armées ukrainiennes devront, non seulement, s’entraîner sur des chars de l’Otan, mais, également, sur une grande variété d’autres chars et véhicules blindés de soutien.
Mélange chaotique. L’armée ukrainienne aura une myriade de blindés différents. Ils apportent avec eux de nombreux moteurs distinctifs, divers types de systèmes d’armes, des systèmes de contrôle de tir uniques et des exigences individuelles en matière de logistique et de maintenance. L’Ukraine doit trouver un moyen de former des unités cohérentes à partir d’un mélange chaotique de blindés et de troupes. Et, une faible quantité de ces troupes a une expérience dans la guerre mécanisée ou mobile.
Il existe déjà un degré élevé d’utilisation dans l’armée ukrainienne de chars soviétiques, de véhicules de combat d’infanterie et d’obusiers. Ceux-ci fonctionnent aux côtés d’un mélange d’engins américains comme les véhicules de transport de troupes M113 de l’ère vietnamienne, les camions blindés MRAP, les Humvees, les voitures de reconnaissance M117 et d’autres véhicules. «N’oublions pas non plus le nombre inconnu d’IFV polonais (véhicule blindé à roues), de blindés Kirpi turcs (véhicules blindés à roues), de véhicules blindés canadiens de transport de troupes (VBTT) Senator et de véhicules d’infanterie suédois CV90 sur le champ de bataille», insiste 19FortyFive.
«Pour le profane, avoir un large assortiment d’armes de nombreux pays peut sembler être une bonne chose», continue le média réalisé par les experts militaires US, signalant: «Les intégrer dans des unités de combat efficaces peut sembler aussi simple que de diviser les capacités entre différentes unités pour s’assurer que tout le monde obtienne certaines des bonnes choses pour accompagner l’équipement hérité. L’effet net est que chaque unité s’améliore. Mais les experts militaires US, ayant de l’expérience dans des batailles de chars à grande échelle, assurent que la gestion de plusieurs systèmes d’armes est un problème majeur avec des implications opérationnelles importantes.
Ils rappellent que dans l’armée américaine, la grande majorité des véhicules blindés de transport de troupes et des véhicules de combat d’infanterie varient selon de deux types de véhicules: le véhicule de combat Bradley (BFV) et le véhicule de combat blindé Stryker. Il existe, ainsi, de nombreuses variantes de blindés conçues pour effectuer des missions spécifiques avec des exigences d’exploitation différentes.
Les soldats américains et le personnel de soutien doivent avant tout savoir comment utiliser ces deux classes de véhicules blindés et comment répondre à leurs besoins en matière de maintenance, de munitions et d’approvisionnement. Pour les chars, les forces américaines exploitent, à nouveau, deux systèmes principaux: la famille des Abrams M1 et le Stryker Mobile Gun System. Pour les soldats de l’armée américaine, il existe donc deux variantes principales d’IFV et deux types de chars principaux.
Pour 19FortyFive, «en revanche, nous demandons à l’Ukraine, enfermée dans une lutte à mort avec une armée russe envahissante, de maîtriser pas moins de sept types de VCI occidentaux et au moins sept classes de véhicules d’infanterie d’origine soviétique». «Considérez les ramifications pratiques et les cauchemars que cela créerait dans leur système», s’épouvantent-ils.
Dans le dernier paquet de soutien du conflit par Washington, les Etats-Unis ont donné à l’Ukraine un total de 109 BFV (ainsi que 90 véhicules Stryker), et l’Allemagne a promis 40 véhicules blindés Marder. C’est à-peu-près suffisant pour équiper trois bataillons d’infanterie. L’armée ukrainienne peut répartir les véhicules de sorte que trois bataillons aient chacun au moins quelques BFV modernes et trois avec des Marders, pour accompagner les véhicules utilisés actuellement par l’Ukraine. Pour que chaque bataillon combatte efficacement, des soldats ukrainiens devront recevoir une formation distincte sur la façon de faire fonctionner les véhicules Bradley ou Marder, tandis que d’autres devront faire fonctionner les flottes existantes de l’ère soviétique. «En vérité, cependant, ce ne sera pas seulement un système américano-allemand et soviétique qui devra être en place», s’exclament-ils.
Car, selon 19FortyFive, «c’est beaucoup plus désordonné et plus compliqué que cela: il est probable que dans une unité d’infanterie donnée, il y aura également un mélange de véhicules de l’ère soviétique et d’autres véhicules d’autres pays différents». «Et, il n’y a pas de systèmes de logistique et de maintenance pour les BFV, Marder ou autres véhicules de l’Otan dans l’armée ukrainienne. Cela signifie que même les réparations de base nécessiteront l’évacuation du véhicule, probablement vers la Pologne (comme c’est actuellement le cas pour la réparation de l’artillerie endommagée en Ukraine). Cet état de choses affecte, donc, négativement le potentiel de combat d’une unité», assure le média US.
Daniel Davis, l’expert militaire US lance: «J’ai combattu dans la bataille de chars de 73 Easting pendant l’opération Tempête du désert et j’ai observé comment nos véhicules blindés tombaient souvent en panne, et avaient besoin de réparations de base. Mon propre véhicule a subi une panne de moteur. Nous avions des ateliers de réparation mobiles déployés avec nous, dotés d’hommes ayant de nombreuses années d’entraînement sur nos chars, Bradley et sur d’autres véhicules blindés, et approvisionnés en quantités importantes des pièces de rechange les plus couramment nécessaires».
«Souvent, nos véhicules tombaient en panne pour des problèmes relativement mineurs et étaient remis en service en quelques heures. Même le moteur grillé de mon véhicule blindé d’appui-feu a été remplacé en 24 heures. Faire de telles réparations dans des conditions de combat est très difficile, mais pour l’armée américaine, c’est faisable, car cela fait partie intégrante de l’organisation et de la dotation en personnel de notre unité», souligne Daniel Davis. «Mais, pour l’Ukraine, même un problème mécanique mineur pourrait retarder le char ou l’IFV, l’obligeant à être remorqué en Pologne pour réparation – et il n’y aura certainement pas de moteurs de rechange disponibles», avertit-il, concluant: «L’armée ukrainienne aura de réelles difficultés à maintenir ces nouvelles flottes opérationnelles, même si elles sont parfaitement entraînées».
Olivier Renault