Les chasseurs bombardiers italiens attaquent déjà. Mais « ce n’est pas une guerre »

« En Afghanistan, nous ne sommes en train de faire aucune guerre », assure dans une interview au manifesto (10 octobre) Piero Fassino, responsable des affaires étrangères au Partito democratico (parti de « centre-gauche », aujourd’hui dans l’ « opposition » par rapport au gouvernement Berlusconi, NdT). Il considère ainsi comme tout à fait juste que le Parlement estime si le niveau de sécurité de nos soldats, envoyés là bas pour « défendre les populations civiles », est adapté ou pas, ouvrant ainsi la voie à la proposition du ministre La Russa d’armer de bombes les chasseurs AMX. « Une armée qui apporte la paix », explique Fassino, « tire en second et ne le fait que si elle est attaquée ». C’est sur la base de ce critère que le gouvernement a autorisé les pilotes Amx à utiliser les canons de bord s’ils sont attaqués, quand ils vont à l’attaque en support des forces terrestres, en leur indiquant quels objectifs ils doivent frapper.

En Afghanistan, le canon de bord est plus efficace que les bombes mêmes, pour frapper des combattants (ou présumés tels) qui se déplacent à pied ou en véhicules légers. Les chasseurs Amx sont armés du canon M-61 Al Vulcan de la firme états-unienne General Electric : une arme à 6 canons à rotation de calibre 20 mm, pouvant tirer jusqu’à 6.000 coups à la minute. Les projectiles sont de divers types : incendiaires à explosif élevé qui, en combinant les deux effets, tuent dans un rayon de plusieurs mètres du point d’impact ; pénétrants et incendiaires qui, utilisés contre des camions et véhicules blindés légers, percent la tôle et ont une charge incendiaire qui explose à l’intérieur. Il ne fait aucun doute que les pilotes Amx, qui ont déjà effectué des centaines de missions en Afghanistan pour un total de plus de 1.500 heures de vol, utilisent leur canon de bord, chose qu’ils sont autorisés à faire. Il suffit qu’ils ne tirent qu’en second.

Dans la guerre contre la Yougoslavie, en 1999, par contre, ils tirèrent et bombardèrent les premiers. Les chasseurs italiens Amx Ghibli, dans leur « baptême de feu », effectuèrent à partir de la base d’Amendola 652 sorties pour un total de 667 heures de vol, en lançant des centaines de bombes états-uniennes Mk.82 de 500 libbres et des Opher israéliennes guidés par rayons infrarouges. Fassino assure que, comme en Afghanistan,  « dans les Balkans nous ne sommes pas allés faire la guerre mais défendre les populations civiles ». Il est cependant contredit par Massimo D’Alema (un des principaux dirigeants du Partito democratico, à la tête du gouvernement en 1998-2000, NdT) qui, lors d’une visite à la base d’Amendola quand il était président du Conseil déclara, le 10 juin 1999 : « Par le nombre d’avions, nous n’avons été inférieurs qu’aux USA, l’Italie est un grand pays et on ne doit pas s’étonner de l’engagement montré dans cette guerre ».

Dix ans plus tard, sous le gouvernement Berlusconi, les pilotes des Amx,  déjà forts de cette expérience guerrière, ont été envoyés aux Usa, dans la base aéronautique de Nellis (Nevada), pour s’entraîner à la nouvelle guerre peu de temps avant leur envoi en Afghanistan. Dix chasseurs Amx, avec un personnel de 180 militaires, ont participé en août et septembre 2009 à deux manœuvres, Green Flag et Red Flag. Les pilotes se sont entraînés à des missions d’attaque, y compris de bombardement, avec l’US Air Force. Ils ont été ainsi préparés à opérer en Afghanistan sous commandement états-unien, dans le cadre de ce que Fassino appelle « une armée qui apporte la paix ».

Renversant les rôles, c’est un général qui indique où en sont les choses. « Il s’agit de guerre -affirme le général Fabio Mini (dans L’Unità du 11 octobre)- et les intentions réelles ne sont pas celles proclamées d’aider les Afghans ». Et, dans une interview à Il manifesto du 12 octobre, il déclare : « Pour avoir de nouvelles bombes et armes, ils sont en train de spéculer sur les soldats morts ». Le véritable objectif  est de montrer que les avions de combat servent, de façon à trouver l’argent pour l’acquisition des chasseurs états-uniens F-35.

Qui, garantit Fassino, tireront en second, seulement s’ils sont attaqués.

Publié sur il manifesto de mardi 12 octobre 2010 :
http://www.ilmanifesto.it/il-manifesto/in-edicola/numero/20101012/pagina/05/pezzo/288813/  

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Voir aussi l’interview du général Fabio Mini par Tommaso Di Francesco : « Ils veulent de nouvelles armes en spéculant sur les soldats tués »

 Manlio Dinucci est géographe.



Articles Par : Manlio Dinucci

A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra…, Ed. Kappa Vu 2014.

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