Les combats se poursuivent en Syrie après un nouveau cessez-le-feu de l’ONU

Les combats se sont poursuivis en Syrie le week-end, malgré la dernière résolution du cessez-le-feu du Conseil de sécurité des Nations unies, censée permettre l’évacuation de Ghouta, la banlieue est de la capitale, Damas.

Le projet de résolution appelant à un cessez-le-feu de 30 jours dans toute la Syrie a été retardé de jeudi à samedi en raison des objections russes. La Russie a fait valoir que les États-Unis avaient imposé des délais en s’opposant à des amendements permettant à une offensive militaire contre les forces islamistes fidèles à l’État islamique et aux groupes pro-Al-Qaïda de continuer.

Washington compte sur ces forces pour mener une guerre contre le gouvernement syrien de Bachar al-Assad.

La résolution de samedi appelle le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à faire un rapport au Conseil dans deux semaines sur la question de savoir si les termes du cessez-le-feu ont été mis en œuvre. Cependant, non seulement la campagne militaire syrienne se poursuivra, mais aussi les combats dans tout le pays.

L’échec du cessez-le-feu sera de nouveau attribué au régime d’Assad et à son principal soutien, la Russie, et servira à exiger une réponse militaire des puissances occidentales. Mais le sort terrible de la Syrie a été scellé par l’escalade de la guerre par procuration pour sa division territoriale qui est issue de la guerre civile excitée par les États-Unis.

La Syrie a poursuivi son offensive sur la Ghouta hier, profitant du fait que la résolution n’indique pas quand le cessez-le-feu de 30 jours, à travers toute la Syrie, doit commencer. Le chef d’état-major des forces armées iraniennes, le général Mohammad Hossein Baqeri, a déclaré que l’Iran et la Syrie sont attachés à la résolution de l’ONU sur le cessez-le-feu, mais que la trêve ne couvre pas la Ghouta orientale et que « les opérations de balayage » allaient continuer.

Damas ne peut pas se permettre de céder à Ghouta et a placé l’opération sous le contrôle du frère d’Assad, Maher, et d’un colonel haut placé, Soheil Hassan. Non seulement la Ghouta se trouve près de la capitale, mais une victoire là-bas permettrait la déroute des forces de l’opposition partout ailleurs.

Newsweek a rapporté que Damas avait prévu d’évacuer les enfants de moins de 12 ans, les hommes de plus de 60 ans et toutes les femmes via des passages de sauf-conduits récemment établis, tout en envisageant de « continuer à combattre l’ÉI, Hayat Tahrir al-Sham et leurs alliés ».

Le cessez-le-feu ne s’applique pas à l’offensive syrienne contre les groupes liés à Al-Qaïda, car tous les « individus, groupes, organisations et entités » associés à l’État islamique ou à Al-Qaïda ont été exclus de la trêve.

En tout état de cause, l’opposition islamiste n’a pas l’intention de quitter Ghouta et ne pourrait même pas le faire si elle le souhaitait. Comme l’a écrit l’expert sur la Syrie Haid Haid dans le Middle East Monitor, « il n’y a pas d’exil “commode” pour ses habitants ».

L’hypocrisie collective à propos de la tragédie de Ghouta ne peut cacher le fait que la Syrie est en proie à une guerre qui a fait 400 000 morts et qui a décimé le pays entier. La lutte brutale pour la domination stratégique sur la Syrie garantit que la résolution de l’ONU sera ignorée par tous les intéressés.

Le Représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies, Vassily Nebenzia, a prévenu : « Nous n’approuverons aucune interprétation subjective de la résolution qui vient d’être adoptée » et insisté sur le fait que la Turquie doit cesser ses opérations à Afrin, près de la frontière turque.

Cependant, la Turquie a précisé qu’elle n’acceptait pas une telle cessation des hostilités. Se référant aux Unités de Protection du Peuple Kurde (YPG), liées au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), le ministère turc des affaires étrangères a déclaré qu’Ankara « restera résolue à combattre les organisations terroristes qui menacent l’intégrité territoriale et l’unité politique de la Syrie ».

Surtout, Washington poursuivra ses sept années de violence militaire et de combines politiques visant à prendre le contrôle de la Syrie qui ont eu des conséquences si dévastatrices.

Pendant les discussions du Conseil de sécurité de l’ONU, le président Donald Trump s’est senti obligé d’affirmer que le seul objectif américain en Syrie était de vaincre l’ÉI. Cela a contredit directement les déclarations faites le mois dernier par le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, selon lesquelles les objectifs de guerre américains incluent la lutte contre l’influence iranienne et le renversement d’Assad et que ses forces y seront désormais cantonnées de façon permanente.

Les déclarations de Tillerson ont suivi le dévoilement d’une nouvelle doctrine de sécurité américaine reconnaissant que les grandes rivalités de pouvoir, plutôt que le terrorisme, sont considérées par Washington comme sa principale menace pour la sécurité nationale. Il a également suivi une demande du Pentagone pour 1,8 milliards de dollars d’armes pour mener la guerre en Syrie et en Irak – 20 pourcents de plus que le budget total des armes pour les opérations au Moyen-Orient en 2017.

Tillerson s’est vanté lors d’une visite au Koweït le 13 février : « Les États-Unis et les forces de la coalition qui travaillent avec nous pour vaincre [l’ÉI] contrôlent aujourd’hui 30 pourcents du territoire syrien et contrôlent une grande partie de la population et une grande quantité des champs pétrolifères en Syrie. »

Les décisions prises en conformité avec la nouvelle position américaine ont accéléré le conflit en Syrie et au-delà.

La création d’une force frontalière de 30 000 hommes pour la Syrie, comprenant les milices kurdes YPG, a incité le lancement par la Turquie de « l’Opération rameau d’olivier » contre Afrin le 20 janvier, qui a également menacé la ville de Manbij dans le gouvernorat d’Alep. Ankara craignait que les États-Unis ne déclarent leur soutien militaire de fait à un futur État kurde comme un point de départ pour la partition de la région dans leurs intérêts, d’une manière qui menaceraient l’intégrité territoriale de la Turquie.

Les États-Unis ont également donné le feu vert aux bombardements et attaques de missiles israéliens sur les installations militaires syriennes le 10 février, qui, a fait savoir Tel-Aviv, visaient le personnel iranien. Depuis lors, Israël a menacé de lancer des frappes militaires contre le Liban, tout en intensifiant les demandes d’action des États-Unis contre l’Iran.

Vendredi les États-Unis ont également annoncé qu’ils allaient avancer le calendrier pour le transfert prévu de leur ambassade à Jérusalem au 14 mai 2018. C’est la date la plus provocatrice imaginable, marquant le 70ᵉ anniversaire de la déclaration d’indépendance par Israël, ce que les Palestiniens appellent la Naqba, ou « jour de la catastrophe ».

Les efforts de Washington pour préserver son hégémonie mondiale menacent maintenant le conflit ouvert avec la Russie au Moyen-Orient et en Europe, ainsi qu’avec la Chine en raison de l’agression américaine contre la Corée du Nord.

Dans des échanges acerbes au Conseil de sécurité de l’ONU, Nebenzia a dit de la résolution sur le cessez-le-feu : « Le but de combattre les terroristes ne doit pas servir de camouflage pour résoudre tel ou tel problème géopolitique de légitimité douteuse, ce que font actuellement les États-Unis en Syrie. […] Nous insistons pour que la prétendue coalition arrête ses ambitions territoriales […] nous voyons parfaitement que le scénario de propagande autour de la Ghouta orientale correspond parfaitement à la campagne lancée lors de l’opération antiterroriste pour libérer l’est d’Alep fin 2016. »

Les points de départ potentiels d’une guerre régionale plus vaste et d’un conflit militaire direct entre les États-Unis et la Russie sont nombreux.

A Afrin, Assad a envoyé des milices pro-gouvernementales pour soutenir les YPG contre une invasion terrestre imminente par les troupes turques. Là-dessus, les États-Unis se trouvent dans une situation où leur allié kurde est allié à son tour avec des forces pro-Assad alignées sur la Russie. La propagation des combats à Manbij pourrait impliquer directement les forces spéciales américaines.

Le 7 février, les États-Unis ont lancé une attaque dévastatrice impliquant des hélicoptères Apache, un hélicoptère de combat AC-130 Specter, des avions de combat F-15 et des batteries d’artillerie sur une colonne syrienne dans l’est de Deir Ezzor. Le gouvernement russe a admis la semaine dernière que parmi les victimes du barrage américain on comptait des dizaines de ressortissants russes.

Les médias américains ont prétendu que le bombardement était une réponse à l’avancée prévue des forces mercenaires russes sur le quartier général des Forces démocratiques syriennes, qui se battent pour le compte des États-Unis, composées majoritairement de la milice des YPG. Les mercenaires russes auraient été les employés de Wagner PMC, qui aurait 2500 hommes en Syrie.

Les détails de l’incident restent flous, et Moscou a jusqu’ici minimisé l’affrontement. Mais au cours du week-end, la Russie a déployé des avions de chasse Su-57 de la cinquième génération en Syrie pour la première fois, envoyant un signal qu’elle pourrait mener des représailles contre de futures frappes aériennes américaines.

Chris Marsden

 

Article paru en anglais, WSWS, le 26 février 2018



Articles Par : Chris Marsden

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