Les critiques étant muselées en Occident, Israël peut profiter de son impunité

Les récents événements ont mis en lumière non seulement la manière dont Israël intensifie les exactions commises contre les Palestiniens sous sa domination, mais également la complicité absolument immorale des gouvernements occidentaux à son égard.

L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche il y a deux ans et demi a encouragé Israël comme jamais auparavant, lui permettant de déclencher de nouvelles vagues de brutalités dans les territoires occupés.

Les États occidentaux ont non seulement fermé les yeux sur cette répression, mais ils s’emploient diligemment à faire taire ceux qui osent élever la voix.

C’est un cercle vicieux : plus Israël enfreint le droit international, plus l’Occident réprime les critiques, plus Israël profite de son impunité.

Cette honteuse escalade a été illustrée de manière frappante en juillet dernière lorsque des centaines de soldats israéliens lourdement armés, et souvent masqués, ont attaqué un quartier de Sur Baher, aux abords de Jérusalem. Des explosifs et des bulldozers ont détruit des dizaines de maisons, laissant plusieurs centaines de Palestiniens sans toit.

Au cours de l’opération, une violence extrême a été utilisée contre les résidents, et contre les volontaires internationaux venus dans l’espoir que leur présence empêcherait la violence. Des vidéos montrent les soldats applaudissant et fêtant la destruction du quartier.

La destruction de maisons est depuis longtemps un élément courant de l’occupation militaire israélienne, mais il y avait lieu de s’inquiéter davantage à cette occasion.

Traditionnellement, les démolitions se produisent dans les deux tiers de la Cisjordanie placés temporairement sous le contrôle israélien par les accords d’Oslo. C’est déjà suffisamment grave, car Israël aurait dû céder ce qu’on appelle la «zone C» à l’Autorité palestinienne il y a 20 ans. Au lieu de cela, les Israéliens ont chassé les Palestiniens de ces zones afin d’y installer des colonies juives illégales.

Mais les démolitions de Sur Baher ont eu lieu dans la « Zone A », territoire attribué par Oslo au gouvernement palestinien en prélude à l’instauration de l’Etat palestinien. Israël est censé n’avoir aucun pouvoir juridique ni sécuritaire dans cette zone.

Les Palestiniens craignent à juste titre qu’Israël ait ainsi créé un précédent dangereux, à l’encontre des Accords d’Oslo, et qui pourrait un jour servir à chasser encore des milliers de Palestiniens des territoires sous contrôle de l’Autorité palestinienne.

La plupart des gouvernements occidentaux ont à peine élevé la voix. Même les Nations Unies ont mollement exprimé leur «tristesse» devant ce qui s’était passé.

À quelques kilomètres au nord, à Issawiya, une autre banlieue de Jérusalem-Est, les soldats israéliens terrorisent 20,000 résidents palestiniens depuis des semaines. Ils ont mis en place des postes de contrôle, effectué des dizaines d’arrestations nocturnes au hasard, imposé des amendes arbitraires et des droits de circulation, et tiré à balles réelles ou avec des balles en acier recouvert de caoutchouc dans des zones résidentielles.

Ir Amim, un groupe israélien de défense des droits de l’homme, qualifie le traitement infligé à Issawiya comme «un état perpétuel de punition collective», c’est-à-dire un crime de guerre.

À Gaza, non seulement les 2 millions d’habitants sont lentement affamés par le blocus imposé par Israël depuis 12 ans, mais la fusillade hebdomadaire contre les Palestiniens qui protestent contre la barrière qui les emprisonne est devenue tellement routinière qu’elle attire à peine l’attention.

Vendredi, des tireurs d’élite israéliens ont tué un manifestant et en ont sérieusement blessé 56, dont 22 enfants.

Cela fait suite à de nouvelles révélations selon lesquelles la politique israélienne consistant à tirer sur des manifestants non armés dans les jambes pour les blesser – un autre crime de guerre – s’est poursuivie bien après qu’il soit devenu évident qu’une proportion importante de Palestiniens mouraient de leurs blessures.

Récemment – après plus de 200 morts et les graves handicaps dus aux blessures de plusieurs milliers de Palestiniens -, il a été conseillé aux tireurs d’élite de «se calmer» et de tirer sur les manifestants à la cheville.

B’Tselem, une autre organisation de défense des droits de l’homme israélienne, a qualifié cette règle de tir à vue de «politique criminelle», une politique qui «a délibérément choisi de ne pas considérer les êtres humains de l’autre côté de la barrière comme des humains.»

Plutôt que de mettre fin à ces pratiques criminelles, Israël préfère les dissimuler. Les Israéliens ont effectivement bouclé les zones palestiniennes pour éviter toute inspection.

Omar Shakir, chercheur à Human Rights Watch, fait face à une déportation imminente, ce qui constitue une preuve supplémentaire de la répression croissante exercée par Israël sur la communauté des droits de l’homme.

La semaine dernière, un rapport de Palestinian Right to Enter a averti qu’Israël refusait systématiquement aux ressortissants étrangers l’autorisation de vivre et de travailler dans les territoires occupés, y compris dans des zones supposées être sous le contrôle de l’Autorité palestinienne.

Cela concerne à la fois les Palestiniens nés à l’étranger, souvent ceux qui se marient avec des Palestiniens locaux, et les étrangers. Selon des rapports récents, Israël expulse régulièrement les universitaires enseignant dans la principale université de Cisjordanie, Bir Zeit, portant un coup sévère à la liberté académique des Palestiniens.

Les journalistes palestiniens soulignant les crimes israéliens sont également dans la mire d’Israël. La semaine dernière, Israël a privé l’un d’eux – Mustafa Al Haruf – de son autorisation de résidence à Jérusalem, le séparant de son épouse et de son jeune enfant. Et parce qu’il est illégal de laisser quelqu’un sans citoyenneté, Israël exerce actuellement des pressions sur la Jordanie pour qu’elle le reconnaisse.

Une autre politique d’exclusion – interdiction d’entrée aux critiques les plus virulents d’Israël, ceux qui soutiennent le mouvement international de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) – est confrontée à son premier défi.

Deux femmes, membres du Congrès des États-Unis, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, qui a de la famille en Cisjordanie, ont annoncé leur intention de se rendre dans le pays.

Les responsables israéliens ont indiqué qu’ils les autoriseraient toutes les deux, craignant apparemment d’attirer davantage l’attention sur les restrictions draconiennes imposées par Israël, qui couvrent également les territoires occupés.

Israël est probablement trop prudent. Le mouvement BDS, qui seul plaide pour l’imposition de sanctions à Israël jusqu’à ce qu’il mette fin à ses abus envers les Palestiniens, est en train d’être maté par les gouvernements occidentaux.

Aux États-Unis et en Europe, de fortes critiques à l’égard d’Israël, même de la part des Juifs – sans parler des demandes d’actions significatives – sont assimilées à de l’antisémitisme. Une grande partie de cet acharnement semble avoir pour but de faire taire les critiques d’Israël.

Plus de deux douzaines d’États américains, ainsi que le Sénat, ont adopté des lois – élaborées par des groupes de pression pro-israéliens – afin de limiter les droits du public américain d’appuyer le boycott d’Israël.

Une législation anti-BDS a également été adoptée par les parlements allemand et français.

Et la semaine dernière, la Chambre des représentants des États-Unis les a rejoints, adoptant massivement une résolution condamnant le mouvement BDS. Seuls 17 représentants s’y sont opposés.

C’est une gifle pour Omar, qui a défendu un projet de loi visant à défendre les droits des partisans du boycott qui figure dans le Premier Amendement.

Il semble absurde que ces restrictions à la liberté d’expression soient apparues au moment même où Israël affirme qu’il ne s’intéresse pas à la paix, qu’il ne concédera jamais le statut d’État aux Palestinien et instaure un système permanent d’apartheid dans les territoires occupés.

Mais ce n’est pas surprenant. C’est une preuve supplémentaire que le soutien occidental à Israël repose en effet sur des convictions communes – celles qui prennent les Palestiniens pour des êtres inférieurs, dont les droits peuvent être piétinés à volonté.

Jonathan Cook

 

 

Article original en anglais :

With Criticism Crushed in the West, Israel Can Enjoy Its Impunity, le 29 juillet 2019

Traduction : lagazetteducitoyen.over-blog.com



Articles Par : Jonathan Cook

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