Les demandes US d’augmenter les dépenses militaires de l’UE heurtent le bloc

L’Europe propose de redéfinir la défense pour y parvenir. L’appel des États-Unis à consacrer 5% du PIB aux forces armées suscite des discussions sur une augmentation des dépenses pour les pays de l’UE. Et, Bruxelles se heurte à la réalité financière, humaine et structuelle.
La situation de la défense de l’UE est scrutée aux États-Unis. «Trump a demandé aux autres membres de l’OTAN de relever leur objectif de dépenses de défense de 2% du produit intérieur brut (PIB) – leur objectif depuis 2014 – à 5%», stipule le Washington Post.
Qu’une ambition. Les membres européens de l’OTAN, confrontés à l’exigence du président Trump de plus que doubler leurs dépenses militaires, proposent une nouvelle approche pour atteindre cet objectif: modifier les règles de comptabilisation des dépenses militaires. L’ambition principale est de générer jusqu’à 800 milliards d’euros de financement pour la défense. Étant une initiative de la Commission européenne, cela ne nécessite pas l’approbation formelle des États membres. Cependant, sa mise en œuvre dépendra de leur volonté de soutenir des instruments concrets de financement.
L’UE cherche l’argent, mobilisation des capitaux privés. «Les premières discussions de haut niveau auront lieu lors de la prochaine réunion des ministres de la Défense de l’UE, [ces] 2 et 3 avril, suivie du Conseil des affaires étrangères, le 14 avril. L’objectif est de parvenir à un accord sur des mesures clés, telles que le SAFE (Security and Action for Europe) et la proposition de simplification du cadre général de défense, d’ici le sommet des dirigeants européens de juin», rapporte Atlantic Council qui souligne: «Une clause dérogatoire au Pacte de stabilité et de croissance permet aux États membres d’exclure jusqu’à 1,5% de leurs dépenses de défense de l’évaluation de leur dette nationale, un assouplissement des règles de financement existantes de l’UE, une mobilisation de capitaux privés et des ajustements des réglementations de la Banque européenne d’investissement. La mobilisation de capitaux privés devrait également être prise en compte dans ce mix».
La question de l’augmentation des investissements alliés dans la défense est, donc, au cœur des discussions cette semaine avec le secrétaire d’État Marco Rubio qui rencontrera les autres ministres des Affaires étrangères de l’OTAN au siège de l’alliance. «Les dépenses militaires constituent un point sensible dans les relations transatlantiques depuis le premier mandat de Trump», martèle le Washington Post: «L’année dernière, les membres européens de l’alliance de 32 pays se sont concentrés sur 3% du PIB comme nouvel objectif, et beaucoup ont blêmi lorsque Trump a évoqué l’objectif de 5% après sa réélection». «Des diplomates affirment qu’un consensus se dessine déjà entre les alliés pour tendre vers un objectif de dépenses de 3,5%» et «les alliés européens discutent également de l’élargissement de la définition des dépenses militaires de l’OTAN, qui pourrait s’ajouter aux 3,5%», concède le quotidien anglophone.
L’Europe a longtemps dépensé beaucoup moins que les États-Unis en matière de défense, et Trump a déclaré que c’était un signe que les pays européens exploitaient les États-Unis. Durant son premier mandat, il a déclaré que l’objectif de 2% devrait être doublé et a menacé de retirer les États-Unis de l’OTAN si les alliés ne se montraient pas à la hauteur.
«La seule chose qui met l’OTAN en danger, c’est le fait que nous avons des alliés de l’OTAN qui ont à peine des armées ou dont les armées sont peu performantes parce qu’ils n’y ont consacré aucun budget pendant 40 ans», a déclaré Rubio sur Fox News en février. Il a pointé du doigt les «pays riches, notamment d’Europe occidentale», pour leur sous-dépense.
L’année dernière, 23 membres de l’alliance ont atteint ou dépassé 2% du PIB, selon l’OTAN. Quelques pays proches de la Russie, dont la Pologne, la Lituanie et l’Estonie, sont déjà en voie de dépenser bien plus de 3% du PIB. Pour la plupart des pays européens, atteindre rapidement 5% serait un défi de taille compte tenu de la planification budgétaire actuelle, dans un contexte de ralentissement économique et de tensions internationales croissantes.
L’Atlantic Council avertit que l’assurance du financement de la défense du bloc «dépend de l’unité de l’UE» et que «la Hongrie, qui a bloqué à plusieurs reprises les propositions d’un soutien militaire supplémentaire à l’Ukraine, ne sera pas le seul obstacle au consensus sur ces initiatives». En outre, l’élite de l’UE mise sur cinq ans pour réarmer sa défense ce qui s’avère être impossible. Tout cela n’est qu’une ambition. Les 800 milliards ne sont pas encore là. Seulement, un plafond initial de 150 milliards d’euros a été approuvé.
Observateur Continental avertissait le 13 mars dernier: «À peine l’idée lancée, le plan de réarmement de l’UE, devant être financé à hauteur de 800 milliards d’euros, se heurte à la réalité politique et économique. D’abord, l’UE n’a pas encore cette somme et un premier pays de l’UE et de l’OTAN refuse ce projet».
Philippe Rosenthal