Les États-Unis étendent leur offensive militaire en Somalie

Depuis le début de l’année, les États-Unis ont rapidement étendu leurs forces et considérablement augmenté leur offensive militaire en Somalie, en menant au moins 28 frappes aériennes en 2017. En comparaison, 13 frappes aériennes de ce type ont été menées en 2016 et 5 en 2015.

Mardi, l’AFRICOM (Commandement des États-Unis pour l’Afrique) a déclaré qu’une frappe aérienne américaine avait fait plus de 100 morts dans une base d’entraînement appartenant prétendument à la milice Harakat al-Shabab al-Mujahedin (al-Shabab) basée en Somalie. L’attaque aérienne a touché une zone située à environ 200 kilomètres au nord-ouest de la capitale, Mogadiscio. Les responsables américains ont affirmé que la frappe avait été déclenchée à la demande du gouvernement fédéral de transition (FTG) soutenu par les États-Unis.

Un porte-parole d’AFRICOM, s’exprimant sur le prétexte américain de l’attaque, a déclaré aux médias : « al-Shabaab s’est publiquement engagé à préparer et mener des attaques contre les États-Unis et nos partenaires dans la région. »

L’attaque fait partie d’une campagne américaine plus large contre Al-Shabaab dans laquelle les États-Unis ont effectué des frappes répétées de drones contre des militants depuis plusieurs semaines à la suite d’un attentat par Al-Shabaab qui a fait sauter des explosifs dans une camionnette au centre de Mogadiscio faisant plus de 350 morts. Ces frappes ont été en support d’une offensive militaire intensifiée par l’Administration Trump dans la Corne de l’Afrique.

La campagne élargie s’accompagne de nouvelles règles d’engagement promulguées par l’Administration Trump en mars, accordant une large autorité aux forces américaines pour mener une guerre ouverte. Ces restrictions assouplies sur les règles qui étaient ostensiblement en place pour protéger la population civile des bombardements américains montrent clairement que Washington se prépare à une offensive militaire considérablement élargie en Somalie.

Al-Shabaab maintient une forte présence dans le centre et le sud du pays, mais a régulièrement perdu du terrain depuis 2011, lorsque les forces de l’Union africaine soutenues par les États-Unis ont mis en déroute les milices qui avaient pris le contrôle de Mogadiscio.

En déployant le plus grand contingent de troupes militaires américaines dans le pays depuis 1993, l’AFRICOM a augmenté ses troupes en Somalie à plus de 500 soldats. En lançant une offensive totale dans le pays, le déploiement inclut du personnel d’opérations spéciales, y compris des Bérets verts et des Navy seals, les commandos d’élite connus pour exécuter les crimes les plus graves de l’impérialisme américain.

Pour sa part, le Pentagone a cherché à minimiser l’importance du renforcement des niveaux de troupes. Le lieutenant-général Kenneth F. McKenzie, le président du Comité des chefs d’état-major interarmées a déclaré à Politico : « Je ne voudrais pas associer cela à un renforcement, comme vous l’appelez. Je pense que c’est juste le flux de forces qui entrent et sortent, au fur et à mesure que différentes organisations entrent en jeu, qui pourrait être dimensionné un peu différemment, et je ne pense certainement pas qu’il y ait une montée en puissance des attaques. »

Malgré cela, l’augmentation du nombre de soldats américains combinées à plus de deux fois le nombre de frappes aériennes au cours de l’année précédente constitue une expansion significative de la campagne militaire américaine dans le pays.

Robyn Mack, porte-parole d’AFRICOM, a déclaré : « [La] mission [élargie] de conseil et d’assistance [est maintenant] l’élément le plus important de notre partenariat [en Somalie] ».

Pendant une bonne partie de la décennie, la milice Al-Shabaab liée à Al-Qaïda a cherché à renverser le gouvernement soutenu par les États-Unis à Mogadiscio. Les États-Unis, en menant leur offensive contre les milices, ont été renforcés par plus de 22 000 soldats de l’Union africaine, composés de forces de plusieurs pays africains et de l’armée somalienne. La mission de l’Union africaine, appelée AMISOM, ayant officiellement mené l’offensive et soutenue par les États-Unis depuis 2007, devrait retirer ses forces en décembre 2020.

Le brigadier général à la retraite Donald Bolduc, qui dirigeait l’AFRICOM jusqu’en juin, a parlé de cette expansion à Politico : « Nous avons dû mettre sur le terrain plus de petites équipes pour collaborer de façon régionale avec le gouvernement somalien. Nous avons donc changé notre stratégie et nous avons modifié notre approche opérationnelle. C’est pourquoi les forces ont été augmentées ».

L’expansion d’AFRICOM suit le modèle établi en 2016 dans la région du Pount dans le nord de la Somalie, quand AFRICOM a déployé des soldats d’élite pour aider l’armée somalienne à éliminer les militants de l’État islamique de la ville de Qandala dont ils avaient pris le contrôle.

Décrivant la stratégie de Washington comme un mouvement vers une offensive militaire plus proactive dans le pays, Bolduc a déclaré : « Le Pount était l’exemple que nous avons utilisé. Nous avons dit : « Nous pouvons faire la même chose dans les autres régions ». Nous avons donc changé notre stratégie et nous avons changé notre approche opérationnelle. »

Expliquant plus précisément, Bolduc a dit : « Est-ce que nous entrons en contact avec l’ennemi ? Oui, nous le faisons – nos partenaires le font et nous sommes là pour le soutenir, et parfois nous entrons en contact en raison de la façon dont l’ennemi les a attaqués. » Bolduc poursuit : « Il est nécessaire d’atteindre des cibles de grande valeur, mais ce n’est pas cela qui vous mène vers un succès stratégique et cela ne va pas renforcer les capacités et la capacité de nos partenaires à se sécuriser. Nous avons donc fourni un plan qui complète les frappes militaires. »

Depuis la fin de la dictature de Mohamed Siad Barre en 1991, les États-Unis se sont engagés dans une tentative pour obtenir un régime fantoche à Mogadiscio. Les décennies consécutives de guerre et de conflit provoquées par l’impérialisme américain ont plongé le pays dans un désarroi total, la population connaissant des conditions de privation de masse et de misère.

Selon les chiffres de l’ONU, plus de la moitié de la population n’a pas accès à des sources d’eau potable et 73 pour cent sont complètement appauvris. En raison de la destruction des infrastructures vitales, les masses somaliennes ont été privées de l’accès à des soins de santé et à une éducation décente.

Le gouvernement FTG soutenu par les États-Unis n’a aucun soutien populaire dans le pays et est considéré avec une hostilité totale par la majorité des Somaliens. L’offensive militaire et les frappes de drones menées par les États-Unis et leurs forces par procuration ont tué des milliers de Somaliens. La destruction conséquente de la société somalienne a conduit à l’émergence d’al-Shabaab.

L’expansion militaire américaine dans la Corne de l’Afrique doit être considérée dans le contexte de l’influence économique grandissante et croissante de la Chine sur le continent, ainsi que de l’ouverture récente d’une base navale à Djibouti, qui a provoqué la colère de Washington. Washington cherche à neutraliser l’influence de Pékin par la force militaire.

En établissant sa première base à l’étranger, à environ cinq miles de la base militaire américano-française commune Camp Lemonnier, Pékin a accepté de payer 100 millions de dollars par an au gouvernement djiboutien. Pékin a affirmé que la base est simplement une « installation logistique ».

La semaine dernière, le groupe chinois POLY-GCL Petroleum a signé un protocole d’accord avec le gouvernement de Djibouti pour investir 4 milliards de dollars dans un projet de gaz naturel à Damerjog près de la frontière avec la Somalie. Dans six mois, l’entreprise commencera la construction du projet, qui comprend un pipeline, une usine de liquéfaction et un terminal d’exportation. L’oléoduc devrait transporter 12 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an entre l’Éthiopie et Djibouti.

Le Groupement ferroviaire de Chine (China Railway Group) et la Société de génie civil de Chine (China Civil Engineering Construction Corp – CCECC) ont financé 70 pour cent de la construction d’un chemin de fer électrifié d’Addis-Abeba à Djibouti, le premier chemin de fer transfrontalier de ce type sur le continent. La ligne de chemin de fer commercial relie la capitale de l’Éthiopie au port sur la mer rouge à Djibouti et transporte 90 pour cent du commerce des marchandises éthiopiennes.

Eddie Haywood

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 24 novembre 2017



Articles Par : Eddie Haywood

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