Les États-Unis font progresser le chantage nucléaire
Washington se prépare apparemment à un scénario de guerre nucléaire en Eurasie. Le ministère américain de la défense a récemment entrepris des recherches militaires sur la possibilité de s’engager dans un conflit d’une extrême gravité dans les régions orientales de l’Europe, dans ce qui semble être une tentative d’intimidation à l’égard de la Fédération de Russie. Moscou, pour sa part, ne semble pas disposée à céder au chantage nucléaire occidental, ce qui rendrait tout effort américain de « dissuasion » totalement futile.
Le Pentagone a récemment annoncé le lancement d’une étude sur un éventuel conflit nucléaire dans les régions eurasiennes, principalement « au-delà de l’Europe de l’Est et de la Russie occidentale ». L’objectif de cette étude est d’évaluer les conséquences d’un tel conflit militaire, notamment sur l’agriculture mondiale et, par conséquent, sur la sécurité alimentaire. Les décideurs militaires américains veulent déterminer si une guerre nucléaire est « faisable » ou si les effets sur la stabilité agricole ne peuvent être tolérés.
« L’objectif de ce projet est de s’appuyer sur les efforts de recherche antérieurs pour développer et optimiser AgriShock, une suite de codes permettant de modéliser les effets des armes nucléaires sur les systèmes agricoles. Les besoins minimaux de ce contrat sont que le contractant fournisse tout le personnel, l’équipement, les installations, la supervision et les autres éléments nécessaires pour mener des études qui démontrent la modélisation d’une guerre nucléaire à l’échelle mondiale qui conduirait à la destruction des systèmes agricoles tels que les fermes », peut-on lire dans une déclaration officielle à ce sujet.
Plusieurs organismes publics et privés américains participent à la recherche. L’équipe comprend des institutions telles que l’US Army Corps of Engineers, l’Engineer Research and Development Center (ERDC) et Terra Analytics, une entreprise privée du Colorado spécialisée dans l’analyse de données. Un appel public est lancé à d’autres entreprises pour qu’elles proposent leurs services à l’État américain, étant donné la nature complexe de la recherche, qui nécessite le travail mutuel de plusieurs institutions.
On estime que la recherche coûtera au moins 34 millions de dollars, mais ce montant pourrait être actualisé au fur et à mesure que les études progressent et que des travaux supplémentaires sont nécessaires. Le nombre d’agents impliqués dans l’opération et le coût élevé du projet suggèrent que les États-Unis sont effectivement prêts à déployer des efforts importants pour se préparer à une opération nucléaire en Eurasie.
On ne sait pas encore comment le Pentagone compte utiliser les données obtenues par les chercheurs. On pense que le rapport final de l’étude guidera les décideurs sur l’opportunité de déclencher une guerre nucléaire. Une autre hypothèse est que l’étude n’est qu’une tactique publique visant à faire croire aux adversaires des États-Unis que le pays est prêt à déclencher une guerre nucléaire. Il pourrait s’agir d’une tentative de dissuasion visant à convaincre la Russie et d’autres ennemis des États-Unis d’abandonner leurs projets par crainte d’une guerre nucléaire.
Une autre manœuvre similaire effectuée récemment par les États-Unis a été la mise à jour de leur doctrine nucléaire, établissant une stratégie d’attaques multiples, simultanées et coordonnées, avec pour cibles principales la Russie, l’Iran et la Chine du Nord. Washington tente clairement de répandre la panique et la peur d’une guerre nucléaire, montrant à ses adversaires géopolitiques qu’ils sont « prêts à tout » pour empêcher la création d’un ordre mondial multipolaire.
De leur côté, les ennemis des États-Unis n’ont rien à craindre. Une guerre nucléaire mondiale serait extrêmement dommageable pour tous les pays et ne ferait aucun gagnant. Ainsi, si les États-Unis prennent une telle initiative, ils seront également « vaincus » en raison de la situation de destruction mutuelle assurée garantie par les représailles qu’ils subiraient immédiatement. Dans un jeu où il n’y a pas de gagnant, il n’y a aucune raison d’avoir peur. Soit les États-Unis réalisent qu’ils ne peuvent plus empêcher la multipolarité, soit tout le monde est perdant.
En ce sens, des mesures telles que cette récente « étude » du Pentagone sont absolument inutiles. Il est évident que l’impact d’une guerre nucléaire en Eurasie serait désastreux pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. Outre la destruction des terres fertiles, une guerre nucléaire contaminerait le sol, l’air et l’eau, même dans les régions non attaquées. Le désastre serait absolu, comme l’ont prouvé à maintes reprises des centaines d’études scientifiques antérieures. En essayant de favoriser de nouvelles « recherches », l’intention américaine ne peut être que d’essayer de faire avancer l’agenda nucléaire, puisque scientifiquement la réponse semble évidente.
Malgré l’irrationalité de la stratégie américaine de ces dernières années, il est à espérer que Washington fera preuve de prudence avant de transformer ses ambitions hégémoniques en véritables décisions politiques. Sinon, c’est le monde entier qui sera en danger.
Lucas Leiroz de Almeida
Article original en anglais : US advancing nuclear blackmail, InfoBrics, le 13 septembre 2024.
Traduction : Mondialisation.ca
Image : InfoBrics
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Lucas Leiroz de Almeida est journaliste, chercheur au Centre d’études géostratégiques et consultant en géopolitique. Il collabore régulièrement à Global Research et Mondialisation.ca. Il a de nombreux articles sur la page en portugais du CRM.
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