Les Etats-Unis, l’Europe et les accords de Bretton Woods II

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Le président français Nicolas Sarkozy et le président des Etats-Unis George Deubeuliou Bush se sont rencontrés, le 18 octobre, afin de discuter des possibilités de réunir un sommet financier mondial. Cette rencontre s’est conclue par une offre, par l’Amérique, d’être l’hôte d’un sommet mondial au mois de décembre, lequel serait calqué sur le modèle des accords de Bretton Woods [pour plus d’infos (en anglais), clique ici : global summit in December modeled on the 1944 Bretton Woods system !], signés en 1944, qui instituèrent le système économique contemporain.

Le cadre fixé par les accords de Bretton Woods marque une des évolutions les plus mal comprises de toute l’histoire de l’humanité. La croyance convenue, c’est que Bretton Woods aurait esquissé l’architecture de l’économie internationale moderne, en liant les systèmes commerciaux et financiers à l’étalon or, afin de garantir la stabilité mondiale. Jusqu’à un certain point, c’est exact. Mais la forme que les accords de Bretton Woods ont fini par prendre dans l’esprit des peuples n’est qu’une mince couche de vernis ; les implications et la signification réelles de Bretton Woods, c’est une toute autre histoire…

Le credo généralement admis : la Grande Dépression (de 1929) et les accords de Bretton Woods

Les accords de Bretton Woods trouvent leur origine dans la Grande Dépression économique (la grande crise de 1929). Les excédents de l’économie s’étant effondrés, dans les années 1930, les gouvernements, dans le monde entier, adoptèrent un éventail de politiques protectionnistes, populistes – les tarifs de produits importés étaient particulièrement en vogue -, qui finirent par paralyser le commerce international. Afin de maintenir l’emploi, les gouvernements (et les entreprises aussi, d’ailleurs) encouragèrent la production des biens au même niveau, bien que des barrières tarifaires mutuelles eussent interdit la vente desdits produits à l’étranger. Résultat des courses : les prix de ces produits plongèrent et la déflation s’installa. Très rapidement, les entreprises estimèrent que les prix qu’elles pouvaient raisonnablement exiger en échange de leurs productions étaient passés au-dessous des coûts de leur production.

Cette chute de la profitabilité entraîna des charrettes de licenciements, qui réduisirent à leur tour la consommation, de manière générale, ce qui ne fit que faire encore davantage chuter les prix. Des entreprises se retrouvèrent en masse au chômage technique, des travailleurs perdirent leur boulot par millions, la demande s’étiola et les prix suivirent. Un effort, visant originellement à protéger les emplois (les fameux tarifs) avait abouti à une profonde spirale déflationniste se renforçant d’elle-même, et toutes les mesures, nombreuses et variées, visant à lutter contre elle –le célèbre New Deal américain y compris – ne semblèrent pas en mesure de réparer le système.

Du point de vue purement économique, la Seconde guerre mondiale fut un cadeau des Dieux. L’effort militaire généra une demande de biens, et donc de travail. L’aspect « marchandises » est bien connu, mais c’est essentiellement l’aspect « travail » qui permit réellement à l’économie mondiale de se tirer du mauvais pas. A l’évidence, l’effort de guerre exigea davantage de travailleurs pour fabriquer les biens, qu’il s’agisse de savonnettes ou de porte-avions, mais ces « travailleurs » étaient aussi, par ailleurs, mobilisés pour aller faire la guerre…

La guerre arracha des dizaines de millions d’hommes de leur poste de travail, et elle les expédia en masse vers – économiquement parlant – des « activités non productives ». Une demande soutenue de biens, combinée à des pénuries de main-d’œuvre (biscotte : la guerre, ndt) fit augmenter les prix, et tandis que des attentes d’inflation, plutôt que de déflation, commencèrent à s’installer, les consommateurs furent plus enclins à dépenser leur argent, de crainte qu’il n’ait qu’une valeur moindre, à l’avenir. La spirale déflationniste avait été brisée ; l’offre et la demande étaient à nouveau équilibrées.

Les décideurs politiques, à l’époque, prirent conscience du fait que la prolongation de la guerre avait abouti à la fin de la dépression économique, mais très peu, parmi eux, étaient certains que la guerre avait effectivement mis un terme aux conditions qui avaient rendu la dépression économique possible. Aussi, en juillet 1944, 730 représentants de 44 pays convergèrent vers une petite station de ski du New Hampshire afin de mettre sur pied un système qui éviterait de nouvelles dépressions et – au cas où il s’en produirait tout de même une – de réfléchir à un système qui permettrait d’y mettre fin, qui ne dépendît pas d’une Troisième guerre mondiale…

Une fois tout cela débattu et fait, les délégués se mirent d’accord sur un système de devises convertibles, ainsi que sur des règles commerciales particulièrement ouvertes. Le système serait basé sur l’étalon-or, afin de couper court aux fluctuations monétaires, et deux institutions – qui allaient bientôt être connues sous leur nom actuel de Fonds Monétaire International (FMI) et de Banque mondiale – joueraient le rôle de gardiennes des règlements des systèmes financier et fiduciaire.

Les gens pensent généralement que Bretton Woods marcha bien, pendant un certain temps, mais qu’étant donné que tout le système était lié à l’étalon-or, la disponibilité limitée de ce métal dans le monde aurait mis une limite indépassable à ce que ce nouveau système était capable de gérer. Tandis que l’activité économique de l’après-guerre prospérait – alors que les disponibilités mondiales en or, elles, stagnaient – ce problème devint tellement énorme que les Etats-Unis abandonnèrent l’étalon-or, en 1971. La plupart des analystes signalent cette date comme celle de la fin du système Bretton Woods. Mais en réalité, nous utilisons toujours Bretton Woods, et même si tout ce que nous avons indiqué jusqu’ici n’est pas carrément faux, ça n’est qu’une partie de l’histoire…

Pour une meilleure compréhension : la Seconde guerre mondiale et Bretton Woods

Replaçons-nous, mentalement, en juillet 1944. L’invasion de la Normandie n’en est qu’à ses premiers mois. Le Royaume-Uni a servi de base de départ, mais Londres étant épuisée, sa participation militaire à l’opération fut modeste. Alors que le vent de la guerre avait manifestement tourné, il y avait beaucoup d’hésitation à prévoir (de sa part). Il était devenu évident que le déclenchement de l’invasion de l’Europe – et donc a fortiori ses conséquences et la nécessité de la poursuivre (jusqu’à la victoire sur le Reich nazi, ndt) – était impossible sans un engagement américain de très grande ampleur. De la même manière, l’équilibre des forces sur le front de l’Est était radicalement en faveur des Soviétiques. Même si les détails pouvaient, naturellement, faire débat, personne n’était assez idéaliste pour penser qu’après avoir souffert comme ils avaient souffert du fait des nazis, les Soviétiques allaient tout simplement, comme ça, se retirer des territoires dont ils s’étaient emparés dans leur percée en direction de Berlin…

La Guerre froide commençait déjà à prendre forme. Entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, le reste du monde moderne – nommément, l’Europe – allait soit connaître l’occupation soviétique, soit devenir un protectorat américain…

Au cœur de cette prise de conscience, il y avait deux défis jumeaux. En ce qui concerne les Européens, le seul espoir qu’ils eussent de pouvoir reconstruire leurs pays respectifs dépendait totalement de la volonté de rester engagés des Etats-Unis. La question des offensives soviétiques mise à part, la guerre avait décimé l’Europe, et les dégâts ne faisaient qu’empirer avec chaque pouce du territoire nazi que conquéraient les Américains, ou les Soviétiques. Les Etats continentaux – et même le Royaume-Uni – étaient non seulement économiquement morts et endettés, mais ils étaient, pour dire les choses directement, carrément bousillés. Ce n’était plus la Première guerre mondiale, où le plus gros des combats s’étaient déroulés tout au long d’une seule suite de tranchées… Non : c’était la blitzkrieg, les bombardements de saturation « en tapis », qui laissèrent le Continent en ruines, et il n’y restait pratiquement plus rien, à partir de quoi reconstruire. Le simple fait d’éviter une gigantesque famine relevait du défi, et tout effort de reconstruction allait totalement dépendre du financement américain. Les Européens étaient prêts à accepter pratiquement n’importe quoi : tout ce qu’on leur offrait…

Pour les Etats-Unis, la question était de savoir saisir une opportunité réellement historique. Historiquement, les Etats-Unis voyaient surtout dans le Royaume-Uni et la France – deux pays de tradition maritime – une menace pour les intérêts américains plus importante que celle de l’Union soviétique et de l’Allemagne, deux pays largement continentaux. Même la Première guerre mondiale n’avait pas réussi à exorciser totalement cette inquiétude des Américains. (Le Japon, de ce point de vue, avait de tout temps été considéré comme une puissance hostile par les Américains). Les Etats-Unis entrèrent dans la Seconde guerre mondiale tardivement, et la guerre n’a absolument pas touché le territoire américain – cas unique parmi toutes les principales puissances mondiales, à ce jour -, les infrastructures et la capacité industrielles des Etats-Unis allaient émerger, au sortir de la guerre plus fortes (et de très loin) qu’au moment où ils y étaient entrés. Leurs rivaux traditionnels étant soit extrêmement affaiblis, soit en bonne voie de le devenir, les Etats-Unis avaient l’opportunité de s’instaurer en centre du nouvel ordre mondial [d’où leurs bombardements à la con ? ndt]…

En cela, les Etats-Unis étaient confrontés au défi d’avoir à se défendre face à l’Union soviétique. Les Etats-Unis ne pouvaient pas occuper l’Europe occidentale de la manière dont ils s’attendaient à ce que les Soviétiques occupent l’Europe orientale ; ils n’avaient pas assez de troupes, et ils se trouvaient du « mauvais côté » de l’Océan atlantique ! Les Etats-Unis allaient avoir besoin non seulement de la participation des Européens de l’Ouest à l’opération consistant à repousser la déferlante soviétique, mais ils devaient obtenir que les Européens déférassent aux exigences politiques et militaires américaines – et de le faire, de surcroît, de bonne grâce… Etant donné le désespoir et l’abattement des Européens, et la force économique sans précédent et sans aucun équivalent des Etats-Unis, les ‘carottes économiques’ étaient manifestement l’instrument idoine…

Dit autrement, Bretton Woods s’inscrivait dans un effort américain de grande ampleur, visant à poursuivre l’alliance du temps de guerre – sans les Soviets – au-delà de la reddition de l’Allemagne. Après toutes les guerres, il y a cet espoir que les alliances qui ont permis de vaincre un ennemi commun continueront à fonctionner afin d’administrer et de sauvegarder la paix… Cela s’était produit, déjà, à la suite des Congrès de Vienne et de Versailles. Bretton Woods, c’était davantage qu’une tentative de définir le système économique mondial : c’était un effort visant à transformer une alliance militaire en un bloc plus large, sous direction et sous domination américaine, visant à contrer les Soviétiques.

A Bretton Woods, les Etats-Unis se sont érigés en centre du nouveau système, acceptant de devenir le partenaire commercial de premier et de dernier recours. Les Etats-Unis allaient offrir à l’Europe un accès quasiment sans taxes à ses marchés, et fermer les yeux sur les tarifs douaniers des européens eux-mêmes, tant qu’ils ne devenaient pas carrément exorbitants – et c’est là quelque chose, qui, ne serait-ce que partiellement, contredisait les leçons retirées de la Grande Dépression. La vente de biens européens aux Etats-Unis allait aider l’Europe à se développer économiquement et, en échange, les Etats-Unis allaient bénéficier d’une certaine déférence, dans les questions politiques et militaires : l’Otan – l’ultime barrière contre l’invasion soviétique – était né…

Cette alliance du « monde libre » n’allait pas consister en une série d’Etats égaux entre eux. Non : il allait s’agir des Etats-Unis, et ensuite, tous les autres. Ce « tous les autres » incluait des économies européennes brisées, leurs colonies appauvries, les pays indépendants qui y firent suite, etc. La vérité, c’était que Bretton Woods était moins une coalition des égaux qu’un cadre en vue de relations économiques au sein d’une alliance inégale, dirigée contre l’Union soviétique. Le fondement, la raison d’êtrede Bretton Woods, c’était la puissance économique américaine, et l’intérêt, pour les Américains, de renforcer les économies du reste du monde afin de les immuniser contre le communisme, et de bâtir le barrage contre l’Union soviétique…

Presque immédiatement après la guerre, les Etats-Unis se mirent à se comporter d’une manière qui indiquait que Bretton Woods n’était pas – en tant que tel, tout du moins – un programme économique. Les prêts destinés à financer la reconstruction et le redéveloppement de l’Europe occidentale ayant échoué à stimuler la croissance, ces prêts devinrent des aides non-remboursables : le Plan Marshall. Peu après, les Etats-Unis – en toute certitude, à leur détriment, économiquement – étendirent le bénéfice des accords de Bretton Woods, d’une façon pour ainsi dire distraite, à tout pays qui s’engagerait du côté américain de la guerre froide, le Japon, la Corée du Sud et Taiwan faisant partie de ses signataires et de ses participants (en ce qui concerne la guerre froide) les plus enthousiastes.

Et pour passer le temps en accéléré jusqu’au moment où le monde se défit de l’étalon-or et où les accords de Bretton Woods sont supposés être devenus caducs, l’or fut, de fait, remplacé par le dollar américain. Loin de mourir, l’entente politico-militaire sous-jacente à Bretton Woods [pour plus d’infos en anglais, clique ici : the political/military understanding that underpinned Bretton Woods !] n’avait fait que se replier davantage dans sa tranchée. Là où, auparavant, la limite suprême était la disponibilité de l’or, désormais, c’était – et c’est encore le cas, aujourd’hui – le pur caprice des autorités monétaires du gouvernement des Etats-Unis…

Vers un Bretton Woods II

Pour beaucoup des pays qui participeront à ce que l’on appelle d’ores et déjà Bretton Woods II, le fait même que cette centralité américaine soit le pilier porteur de tout le système est le cœur du problème. Les principes fondamentaux de Bretton Woods étaient la souveraineté nationale, dans un cadre de relations ultimement garanties non seulement par la puissance politique américaine, mais par la puissance économique américaine [pour plus d’info, clique ici : American economic power !]. Bretton Woods était moins un système qu’une réalité de fait. La puissance économique américaine avait dominé, en le rapetissant, le reste du monde non communiste, et garanti la stabilité du système financier international.

Ce qu’a montré la crise financière de septembre, c’est non pas le fait que le système financier fondamental aurait changé, mais bien ce qui se produit quand le garant du système financier connaît lui-même une crise. Quand la bulle économique japonaise – le Japon étant la deuxième puissance économique du monde – éclata, en 1990-1991, elle n’infecta pas le reste du monde. La crise est-asiatique de 1997 ne le fit pas non plus, ni la crise du rouble, en 1998. Une crise éclatant en France ou au Royaume-Uni, resterait, de la même manière, une crise strictement locale. Mais une crise de l’économie américaine devient nécessairement une crise mondiale. La réalité fondamentale des accords de Bretton Woods n’a pas changé : l’économie des Etats-Unis demeure la plus puissante, et des dysfonctionnements dans ce pays affectent obligatoirement le monde. Telle est la réalité du système international, et c’est en fin de compte la raison pour laquelle la France en appelle à un nouveau Bretton  Woods.

Ont été évoqués des pourparlers, au cours desquels les Etats-Unis renonceraient à leur place de réserve monétaire du monde et à la primauté de son système économique. Ce n’est certainement pas ce à quoi ce sommet sera consacré, et ce n’est certainement pas ce à quoi aspirent les Français. Le recours au dollar en tant que monnaie de réserve mondiale n’est pas fondé sur un diktat mégalomaniaque, mais bien sur la réalité, qui est que, seul, le dollar a une présence mondiale et bénéficie d’une confiance générale. L’euro, après tout, n’a que dix ans d’âge, et il n’est pas non plus étayé par une puissance fiscale souveraine, ni par une banque centrale disposant d’une grande autorité. La Banque Centrale Européenne (BCE) régule, à n’en pas douter, le système financier européen, mais ce sont les pays souverains qui en sont membres qui définissent leur politique économique. Comme nous l’avons vu lors de cette crise récente, la BCE manque, en réalité, de l’autorité nécessaire pour réguler les banques des pays européens [pour plus d’infos, clique ici : ECB actually lacks the authority to regulate Europe’s banks !]. Le fait de compter sur une devise qui n’est pas entre les mains d’une puissance fiscale souveraine, mais qui dépend de la volonté politique de quinze pays (jusqu’ici) ayant des intérêts divergents, cela ne fait pas de votre euro un bon candidat au poste de monnaie de réserve fiable…

Les Européens n’aspirent nullement à défier la réalité de la puissance américaine ; ils sont en train de chercher à augmenter le degré avec lequel le reste du monde est susceptible d’influencer la dynamique de l’économie américaine, tout en ayant un œil rivé sur la capacité des Américains de déstabiliser, accidentellement, derechef le système financier international. Les Français, en particulier, voient dans la crise actuelle le résultat d’un échec du système de régulation des Etats-Unis.

Et les Européens, assurément, ont marqué un point. Si faute il y a , elle doit être mise sur le dos des Etats-Unis, qui ont laissé le problème croître et empirer [pour plus d’infos en anglais, clique ici : letting the problem grow and grow !], jusqu’à ce qu’il finît par déclencher une crise des liquidités. Les institutions de Bretton Woods – en particulier le FMI, qui est supposé jouer le rôle de phare financier et de manager de crise – a fait montre de son incapacité à régler les problèmes auxquels le monde est actuellement confronté. De fait, toutes les institutions multinationales ont échoué ou, plus exactement, n’ont plus grand-chose à voir avec le système financier tel qu’il opérait en 2008. L’accord de Bretton Woods (64 ans d’âge) n’a tout simplement plus grand-chose à voir avec la réalité actuelle.

A la fin des fins, les Européens aimeraient constater un glissement de focale dans le monde des interactions économiques internationales, passant du renforcement du système du commerce international au contrôle du système financier international. Dans la pratique, ce qu’ils veulent, c’est qu’un corps de supervision susceptible de garantir qu’il n’y aura pas de réplique de la crise actuelle. Cela impliquerait que tout, depuis les régulations s’appliquant aux méthodes comptables, jusqu’aux restrictions imposées à ce qui peut et à ce qui ne peut pas être commercialisé, et par qui (les paradis fiscaux offshore et les hedge funds verraient leurs univers privilégié circonscrit), en passant par des cadres en vue d’interventions au niveau mondial. L’effet net serait de créer une bureaucratie internationale, chargée de superviser les marchés financiers.

Fondamentalement, les Européens n’espèrent pas seulement moderniser Bretton Woods, mais en lieu et place, d’européaniser les marchés financiers américains. Il ne s’agit pas là, en fin de compte, d’une question financière, mais d’une question politique [but a political one]. Les Français tentent de faire passer Bretton Woods d’un système dans lequel les Etats-Unis sont l’arc-boutant du système international à une situation dans laquelle les Etats-Unis resteraient cet arc-boutant, mais seraient davantage contraints par un système international élargi. La vision européenne est que cela aiderait tout le monde. La position américaine n’est pas encore définie, et elle ne le sera pas, tant que le nouveau président des Etats-Unis n’aura pas pris ses fonctions [the new president is in office].

Mais ça va être très dur. Ne serait-ce que parce que fondamentalement, le problème américain est « simplement » un gel des liquidités, et même un gel des liquidités qui est d’ores et déjà en train de se dégeler [one that is already thawing]… Les récessions européenne [Europe’s] et est-asiatique [East Asia’s] sont appelées, quant à elles, à s’approfondir, et à durer plus longtemps qu’aux Etats-Unis. Aussi les Etats-Unis sont-ils certains – et peu importe qui accèdera à la Maison-Blanche au mois de janvier 2009 – d’être particulièrement peu chauds au sujet de relookages des processus internationaux, de manière générale. Il y a encore bien plus important : tout système international qui superviserait certains aspects de la finance américaine devrait, par définition, ne pas être soumis à un contrôle total américain, mais être placé sous la supervision de quelque organisation d’un style quasi-bruxellois. Or, aucun président américain n’est susceptible de s’engager de gaîté de cœur dans ce genre de scénario…

A moins qu’autre chose soit proposé ?

Bretton Woods a consisté, en fin de compte, en des Etats-Unis vendant le libre accès à leur puissance économique, contre une certaine déférence à leur endroit, dans les domaines politique et militaire. La réalité de la puissance économique américaine est susceptible de perdurer. La question, dès lors, est extrêmement simple : qu’est-ce que les Européens vont mettre sur la table, en contrepartie ?

Dites à Stratfor ce que vous pensez de cette analyse, en cliquant ici : Tell Stratfor What You Think !

[Ce rapport peut être envoyé et/ou republié sur votre propre site, à condition de le créditer à http://www.stratfor.com ]

Article original en anglais, The United States, Europe and Bretton Woods II, Stratfor.com, publié le 20 octobre 2008.

Traduit par Marcel Charbonnier.



Articles Par : Dr. George Friedman et Peter Zeihan

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