Les Etats-Unis se préparent à intervenir militairement en Somalie
Le gouvernement Obama prépare une nouvelle intervention militaire en Somalie, prétextant des préoccupations humanitaires pour les victimes de la sécheresse qui meurent de faim. Les médias se sont alignés sur une campagne mêlant larmes de crocodiles et lamentations avec des dénonciations du mouvement islamiste al-Shabaab qui est accusé d’avoir aggravé la crise.
Tout comme la campagne de bombardement de la Libye a été lancée en appelant à sauver du massacre la population civile de Benghazi, à présent une nouvelle intervention se prépare en Afrique pour soi-disant sauver les enfants de Somalie qui meurent de faim. Il s’agit là d’un exercice cynique de tromperie publique.
Al-Shabaab ne compte guère plus de 10 000 partisans, selon un rapport produit pour le Conseil américain des relations étrangères. Ses forces les plus loyales ne dépassent probablement pas quelques centaines de combattants. Il n’a aucun lien organisationnel avec Al Qaida, selon le Centre national de lutte contre le terrorisme.
Et pourtant les responsables américains attribuent à cette organisation la responsabilité de la famine qui sévit actuellement. « Le terrorisme incessant d’al-Shabaab contre ses propres gens a transformé une situation déjà grave en une situation extrême et qui ne peut qu’empirer, » a déclaré la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton la semaine dernière.
En fait, c’est Washington qui a refusé toute aide pour les régions de Somalie qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement fédéral de transition (GFT) soutenu par les Etats-Unis, ce qui veut dire que l’aide est limitée à quelques kilomètres carrés. « Nous sommes déterminés à sauver des vies en Somalie et nous travaillons déjà dans toutes les régions qui ne sont sous contrôle d’al-shabaab, » a dit Donald Steinberg, administrateur adjoint de USAID dans une conférence de presse à Londres. « Malheureusement, près de 60 pour cent des personnes touchées se trouvent dans les territoires d’al-Shabaab. »
On ne pourrait avoir de déclaration plus claire de l’intention de Washington d’utiliser la nourriture et la famine comme arme de guerre contre une population civile. Quelque 3,7 millions de personnes sont menacées de famine en Somalie et 2,8 millions d’entre eux se trouvent dans le sud du pays où le GFT n’a aucune autorité. Toute agence qui cherche à fournir de la nourriture dans des zones étendues de Somalie court le risque d’être poursuivie pour assistance matérielle à une organisation terroriste.
En 2009, les Etats-Unis avaient forcé le Programme mondial d’alimentation à mettre un terme à leurs programmes d’alimentation à l’intention des mères et des enfants malnutris au motif qu’il aidait une organisation terroriste. Les zones où l’ONU a officiellement déclaré l’état de famine se voient refuser depuis deux ans toute aide en nourriture.
Le président Yoweri Museveni de l’Ouganda voisin et un allié des Etats-Unis réclame une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Somalie. Le but est, dit-il, de déraciner la milice al-Shabaab.
Mais al-Shabaab n’a absolument aucune puissance aérienne, ni même des missiles sol-air. Ses combattants, dont beaucoup ne sont que des adolescents, conduisent des pick-ups.
Une zone d’exclusion aérienne n’a d’autre but que celui de préparer le terrain à une invasion. Le général Carter F. Ham, qui est à la tête du commandement américain pour l’Afrique AFRICOM a clairement fait comprendre que le Pentagone serait d’accord pour une zone d’exclusion aérienne – à condition que ce soit présenté comme une demande émanant de pouvoirs régionaux et non de Washington. Il veut que l’Union africaine mette en avant ce projet de la même façon que l’appel à une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye avait émané de la Ligue arabe. Ce serait une opération militaire américaine sous un faux pavillon.
Les forces de l’Union africaine, soutenues par les Etats-Unis , et connues sous le nom de AMISOM ont tout juste lancé une offensive terrestre majeure contre la milice al-Shabaab. Des reportages font états de combats féroces à Mogadiscio et à proximité de la ville d’Elwak, dans la région de Gedo au sud de la Somalie.
Les Etats-Unis eux-mêmes ont déjà la capacité de frapper à l’intérieur de la Somalie. En juin de cette année, ils ont lancé une tentative d’assassinat par drone téléguidé. Auparavant, ils avaient fait atterrir des troupes des Forces spéciales par hélicoptères pour tuer ou capturer des suspects. Ils peuvent lancer des attaques d’une nouvelle base de la CIA à Mogadiscio, des vaisseaux de sa flotte qui patrouille au large de la côte somalienne ou de la base militaire qu’ils maintiennent à Djibouti, non loin de là.
Al-Shabaab, dont les Etats-Unis disent qu’il est lié à Al Qaida, est présenté comme une menace militaire majeure pour les Etats-Unis. Le président du comité de la Chambre sur la sécurité intérieure ( House Homeland Security Committee), Peter King a qualifié al-Shabaab de « menace grandissante pour notre pays », prétendant qu’il recrutait des Américains d’origine somalienne pour le terrorisme.
Ecrivant dans le Guardian, Karen Greenberg, administrateur du Centre sur le droit et la sécurité, à l’université de New York, a remis en question les déclarations de King. Elle a fait remarquer qu’un seul Américain d’origine somalienne avait été condamné pour des délits liés au terrorisme et qu’il n’avait aucun lien avec al-Shabaab.
La réaction de Washington face à la famine qui sévit actuellement rappelle l’opération Restore Hope (Restaurer l’espoir) où dans les derniers jours de la présidence de George Bush père, le 5 décembre 1992, 30 000 soldats américains avaient été envoyés en Somalie sous prétexte de livrer de la nourriture aux enfants qui mouraient de faim.
Al-Shabaab n’existait pas alors. La soi-disant menace sur les convois acheminant la nourriture venait des « seigneurs de guerre » qui avaient émergé de l’effondrement du régime de Siad Barre. Depuis 1977 les Etats-Unis soutenaient le dictateur militaire Barre contre le régime éthiopien soutenu par les soviétiques. En 1991, Washington avait abandonné Barre et son régime s’était effondré. Depuis, il n’y a pas de gouvernement stable en Somalie.
Le président Bill Clinton avait poursuivi ce qui devenait toujours plus ouvertement une occupation. Il avait été forcé de retirer de Somalie les soldats américains en 1994 après que l’hélicoptère américain Black Hawk avait été abattu à Mogadiscio et que les cadavres des membres de l’équipage avaient été exposés devant les caméras de télévision.
L’opération Restore Hope représentait une nouvelle phase d’agression coloniale. La Workers League américaine, prédécesseur du Socialist Equality Party, avait à l’époque condamné l’intervention soi-disant « humanitaire » écrivant: « Le déchaînement de dizaines de milliers de soldats, renforcés par des navires de guerre, des chasseurs à réaction et des hélicoptères d’attaque, est une violation brutale de la souveraineté du peuple somalien. Il signale le retour de l’esclavage colonial non déguisé des peuples opprimés non seulement d’Afrique mais de par le monde.
Depuis, Washington est déterminé à inverser sa défaite et à reprendre le contrôle d’un pays qui est au coeur de la nouvelle ruée sur l’Afrique, un continent riche en pétrole et autres matières premières précieuses. La Somalie se trouve à la croisée du commerce mondial maritime et aérien. Quelque 90 vols commerciaux par jour traversent son espace aérien. Des voies de navigation maritime transportant le pétrole du Golfe et d’Afrique du nord se trouvent au large de ses côtes. Le contrôle de la Somalie est un objectif clé des Etats-Unis pour maintenir son hégémonie mondiale sur ses rivaux comme la Chine.
Washington a appris à adopter des tactiques différentes depuis sa défaite de 1994. De plus en plus il utilise des forces par procuration en Afrique. En décembre 2006, les Etats-Unis avaient soutenu l’invasion éthiopienne de la Somalie, qui avait installé le GFT comme régime fantoche. Lorsque les troupes éthiopiennes s’étaient retirées, AMISOM les avait remplacées. Des soldats de l’Ouganda et du Burundi, qui sont majoritaires dans AMISOM, ont été entraînés par les Etats-Unis et équipés avec du matériel le plus moderne.
Mais avec tous ces rebondissements d’intrigue impérialiste, la description de la Workers League de l’invasion de la Somalie en 1992-1994 a été à plusieurs reprises confirmée. Une succession d’aventures, d’invasions et de guerres impérialistes, aux Balkans, en Asie centrale, dans le Golfe persique et en Afrique, a suivi, et le plus souvent sous prétexte de missions humanitaires. Les travailleurs et les jeunes doivent rejeter toutes tentatives de manipulation des préoccupations suscitées par cette famine tragique en Somalie et qui servent à ouvrir la voie à une intervention brutale de plus.