Les États-Unis s’opposent à la Chine et la Russie sur la Corée du Nord

Au Conseil de sécurité de l’ONU hier, les États-Unis ont considérablement fait monter les enchères de la crise intense sur la péninsule de Corée après le test nucléaire de la Corée du Nord dimanche denier. La réponse de Washington visait non seulement Pyongyang, mais aussi Pékin et Moscou.

Une division claire a émergé. Les États-Unis et leurs alliés ont menacé la Corée du Nord d’un blocus économique et, par implication, d’une guerre, tandis que la Chine et la Russie continuent de faire appel à une réduction des tensions et à des négociations.

Dans un discours belliqueux et provocateur, l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, a livré un ultimatum à la Chine et à la Russie : mettre fin à toutes les relations économiques avec la Corée du Nord ou faire face à une guerre commerciale totale avec les États-Unis. En outre, si Pékin et Moscou n’arrivaient pas à faire rentrer Pyongyang dans le rang, les États-Unis le feraient par des moyens militaires.

En mettant la réalité à l’envers, Haley a déclaré que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un « cherche désespérément la guerre ». Le régime de Pyongyang intensifie son programme nucléaire dans une tentative désespérée et malavisée d’éviter une guerre dévastatrice avec les États-Unis qu’il perdrait inévitablement. Son dernier essai nucléaire, qu’il a prétendu être fait avec une bombe à hydrogène et un rendement estimé à 100 kilotonnes, est intervenu quelques jours seulement après que les États-Unis et la Corée du Sud ont terminé d’importantes manœuvres militaires annuelles conjointes en répétition d’une guerre avec la Corée du Nord.

Haley a exigé que l’ONU impose « les sanctions les plus sévères [imposées] à un pays depuis une génération ». Elle a prévenu que Washington n’accepterait pas ce qu’il considérait comme de demi-mesures. « Nous avons adopté une approche progressive et malgré les meilleures intentions, cela n’a pas fonctionné », a-t-elle déclaré.

Bien qu’aucun détail n’ait été publié, les sanctions proposées comprennent la rupture des approvisionnements en pétrole, le gel de toutes les transactions financières et l’arrêt de l’envoi des travailleurs détachés de la Corée du Nord à l’étranger. Trump menace de rompre les échanges commerciaux des États-Unis avec n’importe quel pays qui poursuivrait une activité économique avec la Corée du Nord.

« Les États-Unis considéreront tous les pays qui font affaire avec la Corée du Nord comme des pays qui confortent ses intentions nucléaires imprudentes et dangereuses », a averti Haley. Elle a déclaré que les États-Unis étaient à bout de patience, disant « le temps est venu pour nous d’épuiser tous nos moyens diplomatiques avant qu’il ne soit trop tard ». Il implique ainsi que les États-Unis auraient recours à la guerre.

Les alliés militaires des Américains en Asie et en Europe ont tous rejoint le chœur de condamnations du dernier essai nucléaire de la Corée du Nord et ont exigé les sanctions les plus sévères. En gonflant nettement la menace posée par l’arsenal nucléaire limité de Corée du Nord, l’ambassadeur japonais Koro Besso a déclaré que le danger posé par Pyongyang avait été « élevé à un niveau sans précédent » et était « une grave menace pour la paix et la sécurité du monde ».

L’ambassadeur de Chine, Liu Jieyi, cependant, en condamnant Pyongyang, a averti que la situation dans la péninsule coréenne se « détériorait constamment » et appelait à ce que la crise soit résolue « pacifiquement ». Il a appelé tous les intéressés à « faire des efforts conjoints pour désamorcer la situation, redémarrer le dialogue et les négociations, et prévenir une nouvelle détérioration de la situation dans la péninsule ».

La Chine et la Russie se sont opposées au programme nucléaire et de missiles de la Corée du Nord, car il fournit un prétexte aux États-Unis et à ses alliés pour un renforcement militaire massif en Asie-Pacifique qui vise finalement leurs pays. En même temps, cependant, Pékin est profondément préoccupé par le fait qu’un embargo économique complet sur la Corée du Nord précipitera une crise politique à Pyongyang que Washington va exploiter pour intervenir, ce qui augmentera grandement le risque de guerre.

Liu a réitéré la proposition de « gel contre gel » faite par la Chine et la Russie pour que les États-Unis et la Corée du Sud mettent fin aux grandes manœuvres militaires en contrepartie de l’arrêt par la Corée du Nord de ses essais nucléaires et de missiles afin de faciliter de nouvelles négociations. Haley a de nouveau rejeté ce plan sans réserve.

Dans un avertissement direct au gouvernement Trump, Liu a prévenu que « la Chine ne permettra jamais le chaos et la guerre dans la péninsule ». En d’autres termes, Pékin est résolu à utiliser tous les moyens à sa disposition pour empêcher une opération de changement de régime dirigée par les États-Unis ou la guerre à la porte de la Chine qui aboutirait à une Corée pro-américaine.

Les dernières menaces américaines sont accompagnées d’un renforcement militaire majeur dans la péninsule coréenne en prévision d’une guerre qui pourrait inclure des armes nucléaires.

Après avoir attaqué dimanche la Corée du Sud pour avoir « parlé d’apaisement », le président Donald Trump a parlé avec son homologue sud-coréen Moon Jae-on lundi. Trump a accepté de mettre fin à la limite, imposée par un traité entre les deux pays, sur la charge explosive qui peut être portée par les missiles sud-coréens. En échange, Moon a donné le feu vert aux États-Unis pour déployer pleinement son système de missiles anti-balistiques de haute altitude. (THAAD). Un communiqué de la Maison Blanche a déclaré que Trump a donné « l’accord de principe » à la vente à la Corée du Sud de « plusieurs milliards de dollars » de matériel militaire.

Les discussions de la semaine dernière entre le secrétaire américain à la défense James Mattis et le ministre sud-coréen à la défense, Song Young-moo, sont allées plus loin. S’exprimant à l’Assemblée nationale de Corée du Sud hier, Song a déclaré qu’il avait suggéré à Mattis que beaucoup de personnes en Corée du Sud demandent la réintroduction des armes nucléaires « tactiques » américaines dans le pays.

Les États-Unis peuvent déjà anéantir la Corée du Nord en utilisant des missiles nucléaires lancés depuis des avions, des navires de guerre et des sous-marins. L’installation d’armes nucléaires tactiques ferait tenir la situation sur la péninsule coréenne à un fil et augmenterait considérablement le danger qu’une maladresse ou un mauvais jugement se transforme en un échange nucléaire. À l’heure actuelle, le président Moon a exclu cette option.

Song a indiqué qu’il a insisté auprès de Mattis pour qu’il envoie plus souvent en Corée du Sud des bombardiers lourds à longue portée, des porte-avions et d’autres matériels stratégiques. Les États-Unis ont envoyé à maintes reprises des bombardiers stratégiques B-1 sur la péninsule coréenne comme un avertissement à la Corée du Nord et la semaine dernière ont publié des photos de B-1 Lancers en train de larguer des bombes sur des champs de tir à proximité de la frontière entre les deux Corées.

Lundi, l’armée sud-coréenne a effectué un exercice impliquant des avions de combat F-15 K et des missiles balistiques sol-sol pour simuler une frappe contre le site d’essai nucléaire de la Corée du Nord. Le major-général Jang Kyung Soo a affirmé que la Corée du Nord préparait un autre test de missile dès le 9 septembre et a déclaré que la Corée du Sud a planifié un autre exercice de missiles pour démontrer sa « forte volonté et sa capacité à répondre ».

La semaine dernière, le journal sud-coréen Chosun Ilbo a rapporté que le président Moon avait ordonné à l’armée de formuler de nouveaux plans de guerre qui « pourraient passer rapidement à une position offensive au cas où la Corée du Nord commet une provocation qui franchisse la ligne [de démarcation] ou attaque de la région de la capitale. » L’objectif du plan était d’« infiltrer Pyongyang pour rapidement renverser le régime nord-coréen ».

En réponse aux préparatifs américains pour la guerre, la Chine et la Russie renforcent leurs positions militaires. Un long article dans le Wall Street Journalen juillet a déclaré que l’armée chinoise avait établi « une nouvelle brigade de défense des frontières, la surveillance vidéo 24 heures sur 24 de la frontière montagneuse soutenue par des drones et des bunkers pouvant résister à des attaques nucléaires et chimiques. »

La Russie et la Chine se sont opposées à l’installation de batteries THAAD en Corée du Sud, affirmant que les radars à haute puissance de ces batteries peuvent pénétrer leurs territoires et nuire à leurs dissuasions nucléaires. Le vice-ministre russe des affaires étrangères Sergei Ryabkov a déclaré lundi que Moscou accroîtra sa présence de missiles dans le Pacifique en réponse au déploiement élargi du système THAAD en Corée du Sud.

La responsabilité principale de la création de cette poudrière en Asie du Nord-Est revient au gouvernement Trump. Loin d’une Corée du Nord qui « cherche désespérément la guerre » les États-Unis poussent systématiquement Pyongyang de faire un acte qui créerait le prétexte pour une « réponse militaire massive », selon les mots mêmes du secrétaire américain à la défense Mattis, ce qui aboutirait à « l’annihilation totale » du pays.

Peter Symonds

 

Article paru en anglais, WSWS, le 5 septembre 2017



Articles Par : Peter Symonds

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