Les forces de sécurité américaines prennent d’assaut l’ambassade du Venezuela à Washington.

Jeudi midi, des agents des forces de l’ordre des États-Unis, dont certains portaient un casque, des gilets pare-balles et des béliers, se sont introduits de force à l’ambassade du Venezuela à Washington. Là, ils ont arrêté quatre militants pacifistes qui s’y trouvaient déjà.

Les militants, Kevin Zeese, Margaret Flowers, Adrienne Pine et David Paul, font partie d’un groupe qui se fait appeler le Collectif de protection de l’ambassade (EPC en anglais). C’est le gouvernement élu et internationalement reconnu du président Nicolas Maduro qui les a invités à rester à l’ambassade du Venezuela il y a plus d’un mois.

Les forces américaines ont mené le raid contre l’ambassade en violation flagrante des lois internationales qui régissent les relations diplomatiques entre États. Le raid s’inscrit dans le droit fil des actions irresponsables et illégales menées par l’Administration Trump dans le but de forcer un changement de régime au Venezuela. Pays, où se trouvent les plus grandes réserves prouvées de pétrole sur la planète.

Selon le Washington Post, «les agents des forces de l’ordre fédérales, y compris plusieurs d’entre eux en tenue vestimentaire et en équipement tactique, sont entrés dans l’immeuble par une porte arrière et ont effectué une fouille avec des chiens policiers. Après plus d’une heure, la police a emmené les militants dans une allée cachée aux yeux des manifestants et des médias».

Des centaines de membres des forces de sécurité armés ont participé à l’opération, notamment des éléments des services secrets américains, de la police métropolitaine et du service de sécurité diplomatique du département d’État.

Le Post a noté que des ambulances et du personnel avec brancards avaient été rassemblés à l’ambassade pendant la période précédant le raid. Au moment d’écrire ces lignes, il n’est pas clair si l’un des militants détenus a été blessé. Ces quatre personnes doivent faire face à des accusations devant le tribunal fédéral américain vendredi concernant leur occupation de l’ambassade, y compris leur interférence supposée avec la mission diplomatique de fonctionnaires représentant la marionnette américaine, le «président par intérim» Juan Guaidó. Aucune accusation d’intrusion n’a été portée, apparemment parce que le bail de l’immeuble est au nom du gouvernement Maduro.

Vendredi, des représentants de la marionnette américaine Guaidó doivent prendre possession de l’ambassade. Dans une déclaration pleine de cynisme, l’ambassadeur Carlos Vecchio, nommé par Guaido et lié au département d’État américain, a déclaré: «L’usurpation a pris fin… Il a fallu du temps et des efforts, mais nous avons respecté le peuple vénézuélien. Merci infiniment à la diaspora vénézuélienne pour leur sacrifice. Prochaine libération: Venezuela.»

S’adressant à la presse, la conseillère juridique du Collectif, Mara Verheyden-Hilliard, avocate constitutionnaliste, a déclaré au sujet de cette descente et de ces arrestations: «Il s’agit d’une mesure extraordinaire de la part du gouvernement Trump et, franchement, d’une mesure qui a trouvé l’appui de tous les politiciens qui sont restés silencieux. Ils n’ont pas à prendre position sur le gouvernement du Venezuela, ils doivent prendre position pour défendre la diplomatie, la Convention de Vienne, le droit international. C’est ce qui est en cause avec cette saisie et cette entrée aujourd’hui.»

L’avocat a déclaré que la descente à l’ambassade avait été «une opération du département d’État mené par le personnel du département d’État. Cela envoie un message aux ambassades et aux missions diplomatiques du monde entier que tout pays hôte puisse décider que s’il n’est pas d’accord ou n’aime pas les dirigeants d’un autre pays, il peut simplement nommer quelqu’un d’autre, dire qu’il reconnaît une autre personne comme dirigeant, puis saisir une ambassade et entrer dans une ambassade.»

Des représentants de la pseudo-gauche de l’impérialisme américain, tels que le candidat démocrate à la présidence Bernie Sanders et la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, ont refusé de publier un tweet pour s’opposer à la saisie de l’ambassade par les forces de sécurité américaines. Cela s’inscrit dans le droit fil de leur défense de la campagne du gouvernement Trump en faveur d’un changement de régime au Venezuela. En février, Sanders s’est solidarisé avec la fausse «opposition» de Guaidó et de ses partisans, qui ont cherché à promouvoir un coup militaire contre le gouverne ment nationaliste bourgeois de Nicolás Maduro.

Pour sa part, la députée Ocasio-Cortez s’est engagée, dans un entretien accordé il y a deux semaines à la National Review, à suivre la ligne du Parti démocrate. Elle a déclaré: «Je m’en remets à la direction du caucus pour ce qui est de la manière dont nous nous y prenons. En février, la présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, a annoncé qu’elle avait décidé «de reconnaître Juan Guaido comme président par intérim jusqu’à la tenue d’élections libres, justes et complètes». Elle a ajouté: «le régime de répression de Nicolás Maduro […] doit être rapidement condamné par la communauté internationale.»

Avant le raid, les militants de l’EPC se trouvaient confrontés à un siège de la propriété soutenu par la police, les partisans de droite de Guaidó bloquant, attaquant physiquement et harcelant les militants qui livraient le ravitaillement. La semaine dernière, dans un geste qui démontre le mépris du gouvernement américain pour le droit international, on a coupé l’électricité de l’ambassade ainsi que l’approvisionnement en eau de l’immeuble.

Mardi, la Police a remis un avis d’expulsion aux membres de l’EPC qui ne portait aucune mention qui indiquait son authenticité. Selon Consortium News, le document «semblait avoir été écrit par la faction Guaidó mais c’était la police de Washington qui l’a posté et l’a lu [à haute voix] comme s’il s’agissait d’un document du gouvernement américain». Mercredi, le gouvernement américain a émis des mandats d’arrêt contre les membres de l’EPC, annonçant les événements de jeudi.

Le gouvernement Trump était mis en cause internationalement au sujet de son traitement du collectif. Dimanche, la National Lawyers Guild (la Guilde nationale des juristes) a adressé une lettre au secrétaire d’État américain Mike Pompeo, au Metropolitan Police Department de Washington, à l’Organisation des Nations Unies et à d’autres organismes. Dans la lettre on peut lire que «le gouvernement des États-Unis, par l’intermédiaire de divers organismes d’application de la loi, a toléré et protégé les opposants violents qui appuient une tentative de siège à l’ambassade. Ce faisant, le gouvernement américain crée un dangereux précédent pour les relations diplomatiques avec toutes les nations.»

Verheyden-Hilliard, le conseil juridique des militants, a parlé des craintes de l’Administration Trump quant à la possibilité d’un mouvement plus large de la population. Elle a dit: «C’est une réponse directe à une opinion de plus en plus répandue aux États-Unis… de plus en plus de gens appuient la diplomatie, de plus en plus de gens appuient la paix. Les gens ne veulent pas voir une autre guerre; ils n’ont pas besoin de voir le gouvernement des États-Unis mener une autre guerre illégale.»

L’avocat a noté que c’était le cas «malgré une grande partie de la couverture médiatique [de l’occupation de l’ambassade, qui] n’a pas été franche». Une grande partie de cette information a été extrêmement biaisée et… inexacte. Les gens qui sont venus ici à l’intérieur de l’ambassade ont été pacifiques. Les gens qui les ont soutenus à l’intérieur de l’ambassade ont été pacifiques. Les agressions que nous avons [vues], la violence… le bruit des sirènes, les gyrophares et l’utilisation de stroboscopes… ce sont toutes des armes non létales dont l’utilisation était autorisée… les autorités américaines n’ont pris aucune mesure pour faire cesser les actions illégales.»

Vecchio n’a aucun statut de diplomate vénézuélien et représente un gouvernement qui n’existe que dans la propagande de l’impérialisme américain. C’est un dirigeant du parti Voluntad Popular (Volonté populaire) d’extrême droite, le parti de Guaidó, recherché au Venezuela pour incitation à la violence.

Il doit rencontrer au début de la semaine prochaine des officiers du Commandement sud des États-Unis (SOUTHCOM), qui mènent des opérations militaires américaines en Amérique latine. Plus tôt cette semaine, Vecchio a déclaré qu’il discuterait avec les militaires américains des plans «pour faire avancer la planification stratégique et opérationnelle dans le but prioritaire d’arrêter les souffrances de notre peuple et de restaurer la démocratie».

Ce recours direct à l’armée américaine fait suite à la tentative avortée de coup d’État de Guaidó le 30 avril. Elle n’a pas réussi à produire de fissures significatives dans les forces armées du Venezuela ni à susciter un soutien populaire notable. Depuis lors, le soutien au «président intérimaire» autoproclamé et soutenu par les États-Unis s’est visiblement affaibli, à peine quelques centaines de personnes s’étant rendues à une manifestation qu’il avait organisée samedi dernier.

En l’absence de soutien populaire ou de soutien d’une faction importante de l’armée vénézuélienne, Guaidó semble miser sur une intervention militaire américaine directe. L’attaque contre l’ambassade du Venezuela à Washington pourrait bien être un avertissement qu’une attaque violente est en préparation contre le pays lui-même.

Nick Barrickman

 

Article paru d’abord en anglais, WSWS, le 17 mai 2019



Articles Par : Nick Barrickman

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