Les «Gilets-jaunes», le réveil des citoyens français

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Selon le site de France-police.org, le samedi 24 novembre 2018 à 19h25, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, annonçait 1619 lieux d’actions sur tout le territoire national. L’estimation du syndicat de la police était, à peu de chose près, au même niveau que celle du Ministère de l’Intérieur.

En revanche, le site contestait d’emblée et fortement le chiffre fantaisiste du ministre de l’Intérieur qui, à un individu près, annonçait sans complexe le nombre de 106.301 manifestants «Gilets-jaunes» sur toute la France. Le syndicat rappelait qu’il était absolument impossible de donner un chiffre exact de manifestants à une personne près! En faisant cette déclaration, le ministre Castaner se moquait ouvertement du monde!

A l’image du samedi 17 novembre, les points de blocage ont rassemblé en moyenne 250 gilets-jaunes. Pour assurer une rotation de dix à douze heures de manifestations, il était nécessaire que les points de blocages soient doublés et passent à une moyenne de 500 Gilets-jaunes, environ.

Le site de la police fait donc un calcul approximatif démontrant que 1619 points de manifestations multipliés par une moyenne de 500 Gilets-jaunes, donnaient environ 809.500 participants aux manifestations des Gilets-jaunes!

De plus, par le syndicat de la police, nous apprenions hier que le ministère de l’Intérieur avait fait pression sur les Parquets en leur donnant des « consignes de fermeté pour influencer leur appréciation des affaires en lien avec les Gilets-jaunes! » Le syndicat de la police se dit, par ailleurs, « scandalisé par une telle pratique, alors que les Procureurs n’ont pas à être aux ordres du ministre de l’Intérieur!»

Le site poursuit en déclarant que la police nationale attendait, à ce propos, une « réaction très forte du Syndicat de la Magistrature ». Quant au Syndicat de la police, il assure faire confiance aux Procureurs de la République qui sauront faire leur travail selon le « droit de notre pays et conformément à la jurisprudence en vigueur » et non pas selon une « justice d’exception exigée par un ministre de l’Intérieur à des fins politiciennes!»

Nous savons tous que ce mouvement citoyen est né d’initiatives spontanées et non pas à partir de consignes d’associations, de syndicats de travailleurs, de groupes politiques, ni même d’élus de la République…

C’est la conscience citoyenne qui s’est réveillée créant un mouvement citoyen de protestation et de revendication, exigeant pour l’essentiel aujourd’hui, la démission d’Emmanuel Macron jugé n’être pas à la hauteur de ses responsabilités…

Plus de 72% des Français, disait un expert en politique sur le plateau de RT France, ce jour-même, sympathisent avec ce mouvement de manifestation sur toute la France. Je rappelle que c’est à peu près la proportion de gens qui n’a pas voté pour installer Macron à l’Élysée : les voix exprimées pour Emmanuel Macron s’élevaient au nombre de: 20.630.677,00 (le chiffre du Ministère de l’Intérieur étant différent compte tenu des magouilles sur les inscrits) sur 47.644.602,00 de Français inscrits sur les listes électorales. 

Au premier degré, les initiateurs du mouvement ont pensé que chacun avait un gilet jaune, ayant la vertu de rendre bien visible celui qui le porte, puisque la sécurité routière avait rendu obligatoire l’usage d’un gilet jaune fluo en cas de détresse sur la voie publique…

Mais, au second degré, il faut souligner que l’utilisation massive du gilet jaune allait donc vouloir signifier essentiellement aux politiques que le peuple disait massivement sa détresse et qu’il fallait le « voir », il fallait « l’entendre », il fallait venir à son secours en cessant de le maltraiter par une fiscalité injuste et démentielle…

Le gilet jaune était donc un premier signal, un avertissement, un signe de ralliement mais aussi un signal d’alarme. Si les «élites» arrogantes de l’oligarchie au pouvoir se sont emparées de l’État, c’est en se moquant de la volonté du peuple et sans le consentement de sa majorité… Ce Pouvoir est donc logiquement dans l’obligation d’entendre aujourd’hui ce signal d’alarme et cet avertissement « bon enfant », car le Pouvoir ne peut pas impunément se moquer du peuple et abuser de sa patience…

Or, que voit-on et qu’entend-on ? 

Un Castaner déclarait le mardi 20 novembre 2018, qu’il accusait les « Gilets-jaunes » de « complicité de terrorisme » et ainsi allait pouvoir agir désormais contre le mouvement social en fonction de cette déclaration! 

Il ne serait pas impossible qu’un attentat soit donc organisé également par le Pouvoir, afin, comme d’habitude, de rappeler aux frondeurs et récalcitrants, qu’ils doivent se soumettre à la nouvelle forme de dictature inaugurée en France depuis la constitutionnalisation de « l’état d’urgence »! Les jours qui viennent nous le diront si ce mouvement citoyen perdure!

Puis, le samedi 24 novembre 2018, le Ministre de l’Intérieur, Castaner, déclarait que des troubles inacceptables avaient transformé les Champs Élysée en champ de bataille et que cette « honte », dira de son côté Emmanuel Macron, était due aux groupes de casseurs d’extrême droite motivés par l’appel à la violence de Marine Lepen. Marine Lepen devenait donc responsable de la casse et de la honte transitant par l’Avenue des Champs Élysée transformée en ruines fumantes avec délabrement du mobilier urbain, démantèlement des pavés de l’Avenue symbole du Pouvoir à Paris… etc.

L’arrogance du locataire de l’Élysée ne veut donc rien entendre, ni rien comprendre de ce qui n’a été jusqu’à présent qu’une « révolte », comme celle des « bonnets rouge », sous forme de revendication violemment réprimée par une réaction disproportionnée de la police qui a maltraité autant les journalistes « non conventionnels » (ceux qui ne répondent pas aux consignes du Pouvoir en place) que les « Gilets-jaunes ».

Car, bien entendu, il est inutile de s’éterniser sur le radotage niais de la désinformation et comme d’habitude des images manipulatrices diffusées par les medias « officiels » sur les violences montrées comme si cet épisode des Champs Élysée était la seule chose survenue à l’occasion de cette journée de mobilisation protestataire du 24 novembre… Les BFMTV menteur par vocation, les LCI menteur par nécessité, les France Info menteur par facilité, les France Télévision menteur par soumission, les TF1 menteur par intérêt… n’avaient que des lamentations à diffuser en minimisant l’importance du mouvement et en le criminalisant sans vergogne, puisque désormais une nouvelle loi, celle du 20 novembre 2018, contre « la manipulation de l’information » les protégeait avantageusement leur donnant les coudées franches pour se moquer ouvertement du peuple en colère…

Bientôt, si Macron manque de lucidité et s’entête à dire que ce qui se passe en France n’est qu’une violence passagère, gratuite et opportuniste, organisée par les casseurs d’extrême droite à l’appel de Marine Lepen, il faudra bien que quelqu’un dise à sa Majesté que ce n’est plus simplement «une révolte passagère qui est en cours, mais que c’est devenu une Révolution, faute d’avoir été entendue à ses prémices», et qu’à ce compte là, il risque bien de voir sa tête tomber avant d’avoir réalisé l’inconscience dans laquelle son idéologie ultra libérale l’a conduit!

Le peuple Français est patient, il peut attendre longtemps avant d’engager la fronde, mais lorsque la «mesure de trop» est devenue «le plus qu’assez», son âme révolutionnaire se réveille et là il n’est plus question de soumission ou de compromission. En France, la colère du peuple peut devenir cinglante et déterminée: en l’espace de quelques heures, le pays peut se mettre à ruisseler de larmes et de sang! L’état dans lequel, les Champs Élysée se sont retrouvés, en fin de journée du 24 novembre, n’a été qu’un petit avertissement sur ce que le pays tout entier pourrait en un instant devenir! Il semble que les leçons de l’histoire ne servent pas à grand chose; pourtant, elles auraient du avertir les nouveaux princes qui se sont arrangés pour s’emparer du pouvoir, mais il semble que non : il faut toujours recommencer à secouer le joug,  car tout Pouvoir est en soi une perversion qui tend naturellement à l’abus. 

« Un Pouvoir délégué sans un autre qui le surveille et le contrôle, tend naturellement à violer le principe de sa délégation, et à transformer cette délégation en souveraineté », disait Brissot en 1791. Un pouvoir délégué n’est donc pas un pouvoir mais l’exercice d’une autorité contrôlé par la volonté du peuple qui s’est exprimée dans la Constitution écrite par lui et non pas par des prédateurs au service des pilleurs de l’humanité…

Si le gilet jaune est en soi un signe d’avertissement et aussi un appel au secours, un désir d’attirer une attention bienveillante et respectueuse pour la vie de millions de concitoyens mise en danger et réclamant d’être protégée, il se pourrait bien qu’en ayant brutalisé, criminalisé et accusé de « complicité de terrorisme », ce cri d’appel des «Gilets-jaunes», le Pouvoir se soit transformé en promoteur irresponsable d’un appel aux armes et d’une mutation intempestive des «Gilets-jaunes» en « Gilets pare-balles »!

Jean-Yves Jézéquel



Articles Par : Jean-Yves Jézéquel

A propos :

Jean-Yves Jézéquel, philosophe et psychanalyste, diplômé du troisième cycle en sciences humaines, est l’auteur d’une trentaine d’essais en philosophie, spiritualité, religion, psychologie. Il publie également depuis 2014, une série d’analyses sur les grandes questions actuelles de société.

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