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Les haltes temporelles dans les civilisations et les religions
Par Chems Eddine Chitour
Mondialisation.ca, 05 septembre 2019

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« Les hommes t’interrogent au sujet de l’Heure. Dis : Dieu seul la connaît. » « Qui donc pourrait te renseigner ? Il se peut que l’Heure soit proche ! »

Coran : Sourate 23 verset 6

« Les temps sont mauvais ? Soyons bons et les temps seront bons, car nous sommes le temps ».

Saint Augustin

«  Il y a le temps de pleurer et le temps de rire, le temps de s’affliger et le temps de joie ».
Bible ; L’Ecclésiaste – 

« Ne demeure pas dans le passé , ne rêve pas du futur, concentre ton esprit sur le moment présent ; Le temps est un maitre qui tue ses élèves » Bouddha

Ces citations sont données à dessein pour tenter de cerner la perception du temps dans les religions et les spiritualités. Cette contribution me donne l’opportunité de situer le temps dans le vécu des hommes aussi bien du point de vue des spiritualités que du point de vue de la science. Que veut dire passer à une nouvelle année ? Est-ce une rupture annuelle calqué sur le cycle des saisons ou est elle indexée sur une construction humaine sous tendu par un récit religieux . Ainsi Le Nouvel an dans les religions et civilisations marque le début d’un nouveau cycle des saisons qui est vécu différemment dans le monde Ainsi est fêté dans le monde musulman dans l’indifférence la plus totale un évènement structurant dans la vie du croyant musulman à savoir le début de l’année hégirienne  L’Hégire signifie « l’émigration », le jour (16 juillet 622) où le prophète Mohamed (QSSL) menacé de mort par les Qoreïchites quitte secrètement La Mecque en compagnie d’une poignée de fidèles, en direction de Yathrib à 450 km au nord. C’est ainsi que l’Hégire marque le début d’une ère nouvelle, devenant la première date du calendrier islamique, débutant le 1er du mois lunaire de Moharram.

Le moins que l’on puisse dire est que la célébration de Aoul Moharrem est de loin moins visible que celle du nouvel an grégorien. Il n’est que de voir le matraquage des médias occidentaux pour nous conditionner à voir comment le nouvel an est feêé dans toutes les capitales tout au long des 24 h de décalage. Même Bordj Doubai s’y met cela prouve s’il en était besoin la servitude volontaire et heureuse pour tout ce qui est occidental au point d’oublier la dimension symbolique de Moharrem Nous ne sommes même pas d’accord sue le premier jour Plusieurs pays l’Arabie Saoudite, l’Egypte ou encore la Tunisie. ont fixé le début de la nouvelle année hégirienne pour samedi 31 août, L’Indonésie, la Malaisie ou encore l’Algérie ont, en revanche, annoncé le début de l’année musulmane pour dimanche 1er septembre. Nous sommes dès le départ en décalage sur les évènements à fêter. La concordance éventuelle des futures fêtes ne sera pas l’objet d’observation mais de décisions non religieuses.

Qu’est ce que le Temps ?

Il est d’usage d’expliquer en première approximation que le temps est consubstantiel de la création. Dit simplement après la barrière de Planck de 10-43 secondes, « on » a commencé à compter le temps en même temps qu’eut lieu l’explosion cataclysmique du big bang qui devait donner lieu à la formation de l’univers ou des univers ( multivers ?) il y a 13,82 milliards d’années d’après les dernières données révélées par le satellite Planck . Mais qu’est ce que le temps pour nous autres profanes au XXIe siècle et comment nous l’appréhendons En ce début de millénaire, le temps est mesuré avec un précision diabolique. Il n’a jamais, cependant, été aussi insaisissable Ce début du XXIe siècle, dans les sociétés occidentales et par contagion dans les sociétés orientales, a vu la disparition des rites de passage qui se font de plus en plus rares. Rien ne vient plus marquer le passage entre l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Vieillir est dévalorisé. Dans les sociétés traditionnelles, l’âge de la sagesse était valorisé en ce qu’il était le gardien et la mémoire des traditions. La tradition, par le biais de la transmission, devenait presque éternelle. Aujourd’hui, tout est différent.

Le temps nous est donc compté, nous n’avons qu’une part plus ou moins épaisse en termes de durée, mais une part finie. C’est pourquoi toute évocation du temps est chargée d’angoisses, de spleen, de fantasmes, d’espérances, voire aussi de résignation. Cette nostalgie est une constante de la nature humaine. Nous voulons nous révolter contre la mort, en pensant au paradis, à la réincarnation, à procréer pour laisser une trace de nous-mêmes sur terre. Le temps nous affecte sans cesse, nous voudrions le regarder couler ; peine perdue, nous sommes inexorablement dans le temps. Nul ne peut l’arrêter à l’aide d’un feu rouge, ni le suspendre au grand désespoir de Lamartine qui dans le poème Le lac suppliait le temps : « Ô temps suspend ton vol et vous heures propices suspendez votre cours, laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! » On ne peut même pas en faire une nuit dont la durée est de alef lila oua lila –mille et une nuits- pour plaire à la tendre injonction de la grande diva arabe Oum Kaltoum.

Le temps est toujours là, autour de nous, inexorable, silencieux, imperturbable dans cette feuille qui tombe, dans ce mur qui s’écaille, dans cette bougie d’anniversaire qui s’éteint, dans ces rides sur nos visages. Les traitements et crèmes de toutes sortes n’arrêtent pas le cours inexorable, mais donnent l’illusion factice de la jeunesse, Chacun de nous mourra. Loin de pouvoir tuer le temps, c’est lui qui nous dévore. Chacun sait constamment qu’un moment doit survenir où il n’y aura plus d’avenir ; le présent s’efface devant le passé… (1)

L’avènement de l’homme et la prise de conscience du temps

D’après la science après le big bang , après l’apparition du système solaire il y a 4 milliards d’années,  il a fallu d’après la science beaucoup de temps avant que l’espèce  humaine  apparaissent D’après les paléontologues, l’histoire de nos ancêtres aurait démarré à partir du berceau africain ( Kenya, Ethiopie ) autour de 4 millions d’années , Lucy a été considérée pendant une trentaine d’année comme l’Eve de l’humanité jusqu’à la découverte de plus ancien. A partir de l’Ethiopie deux branches auraient divergé l’une qui va vers l’est traverse la mer rouge se retrouve en Arabie saoudite et commence son aventure qui devait amener les premiers représentants à essaimer en Asie, Extrême-Orient.

Du côté Ouest, la branche est signalée en Afrique du Nord en Algérie près de Sétif ( Ain Boucherit) où on a retrouvé des artefacts de 2,4 millions d’années ce qui fait de l’Algérie un des berceaux de l’humanité. Par la suite un itinéraire passe par le Maroc traverse –a pieds secs- Gilbraltar commence à envahir l’Europe d’ouest en est donnant lieu bien plus tard aux espèces recensées l’Homme du Cro-magnon  qui aurait graduellement remplacé la place de l’homme du Néanderthal lui-même et ceci par l’avènement par la suite de l’homo erectus le sapiens. Vers -12 000 ans avant le présent apparaissent les premiers villages, comme Göbekli Tepe en Turquie, ou Jéricho en Palestine. Les habitants de ces villages demeurent toutefois des chasseurs-cueilleurs.

Graduellement l’homme commença à comprendre le fonctionnement de la Nature et des éléments Il eut alors à perfectionner ses outils et devint chasseur, l’invention et la domestication du feu furent une rupture technologique exceptionnelle Vint ensuite l’ Homo sapiens ; les premiers villages et la sédentarisation, des modes de production avec l’élevage et l’agriculture . L’homme préhistorique a commencé à étudier le rythme des saisons et s’adapta en créant une agriculture il planta à des périodes bien définies de l’année , il avait conscience des saisons. Ce cycle se clôture aves le néolithique L’histoire et biens-sûr les ruptures comme progrès entre paléolithique et néolithique puis entre néolithique et histoire ». (2)

L’homme préhistorique et même plus tard dans les premières civilisation historiques humaines eut à lutter contre les élèments naturels et ses premières frayeurs constituèrent pour lui des divinités qu’il fallait apaiser, le tonnerre la foudre, le soleil le torrent. Ainsi il commença croire et dans le même temps il  pris conscience de sa solitude et de sa finitude lors de la perte d’être cher. Sa relation à l’au-delà et au mystère est attestée par les sépulture de Homo neanderthalensis Sans parler des concepts, de « croyance » ou de « pensée religieuse », C’est un fait que l’homme préhistorique à travers ses gravures pariétales a des messages à transmettre L’apparition de l’écriture en Mésopotamie et plus tard en Égypte, vers 3300 avant notre ère, est le critère marque la fin de la Préhistoire L’expérience du temps est cyclique.

Par la suite dans les anciennes civilisations les cultes barbares et les sacrifices humains permirent une « stabilité » sociale avec la création des premiers « clergés » dans différentes civilisations vus comme des « médiateurs » Le partage d’un temps fléché du passé vers l’avenir est indépendant des perceptions de l’homme. Le temps est indifférent à sa segmentation qui est différente selon les peuples et les cultures voire les religions  Beaucoup de calendriers se calquent sur les rythmes des saisons . Certaines peuples s’en remettent aux oracles , d’autres aux religions cosmiques et d’autres au religions révélées.

L’observation du mouvement des astres a permit de dresser des cartes et de remarquer le temps cyclique. Pour Carl-Albert Keller religieux protestant, : « L’expérience naturelle du temps est déterminée par l’observation du mouvement des astres. Cette expérience est universelle, elle est la même pour tous les humains, sans distinction de culture ou d’habitat. (…) Le temps cyclique, loin de s’opposer à un temps linéaire, est en fait en lui-même linéaire. La cyclo-linéarité du temps permet de mesurer le temps, de diviser la journée en heures, minutes et secondes, et de dater les événements d’après les années solaires ou lunaires, et les mois et les jours au courant des années. Le principe de la cyclo-linéarité du temps appelle à d’autres aspects de l’expérience humaine, en postulant une cyclo-linéarité de la vie : naissance, adolescence, maturité, vieillesse, mort et nouvelle naissance, adolescence, maturité, vieillesse… et ainsi de suite, en une succession infinie de nouvelles naissances ou de réincarnations ».  (3)

La conception du Nouvel An dans le monde

Pendant tout le néolithique et le début des civilisation, l’homme a observé le rythme des saisons et regardé vers le ciel Les « nouvelles années » commencent à des abscisses de « temps différents » Les calendriers agraires ont longtemps servi de repères temporelles . De fait la segmentation du temps Elles est une pure interprétation humaine devenue religieuse après être accaparé par un clergé, car le temps se joue des petits accommodements de l’homme qu’il soit religieux ou laïc, scientifique ou capitaliste. Le temps a fait concomitamment l’objet d’une segmentation spirituelle.

Les religions monothéistes ont utilisé l’observation du soleil et de la lune pour déterminés leur repères L’idée que la création de l’Univers fruit du hasard et non résultat d’une conception volontaire pose problème pour les croyants notamment des religions révélées. Cependant, certains scientifiques parlent de « principe anthropique » ou de réglage fin ( Fine Tuning )qui stipule que tout ce qui existe dans l’Univers, jusqu’au plus petit détail, est soigneusement arrangé pour rendre la vie humaine possible. Pour les croyants, il est erroné de penser que l’Univers ait été créé en vain. Il est dit dans le Coran : « Je n’ai pas créé le ciel et la terre et tout ce qu’il y avait entre ces deux éléments sans aucun but. C’est l’opinion que tiennent les mécréants. » Nous allons décrire les différentes appréciations du temps des hommes et dans les différentes civilisations.

« Le passage au Nouvel An, fait partie de ces moments précieux dans la vie de la plupart des individus. C’est un fait que même si le sacré perd du terrain en Occident et une grande partie des évènements religions chrétiennes est – pour le besoin du capitalisme – folklorisée et vécue comme un évènement festif. Comme la fête de Noël, célébrée partout dans le monde chrétien, la fête du Nouvel An donne lieu à des festivités aussi différentes qu’étonnantes. La nouvelle année, célébrée le 1er janvier dans le monde chrétien, s’honore à des périodes variables chez les peuples de confessions différentes. En Chine par exemple, le Nouvel An prend place entre le 21 janvier et le 20 février (…) Le Nouvel An vietnamien ou Têt correspond en général à une date similaire puisque le même calendrier est commun aux deux peuples. Chez les Indiens du nord de l’Inde, la nouvelle année Diwãli se célèbre le jour de la nouvelle lune de novembre. Les Afghans soulignent le passage à la nouvelle année le 21 mars. Cette fête est le Naw Ruz…»

Dans le judaïsme on fête la nouvelle année le 1er et le 2e jour du mois de Tishri. (Rosh Hashan) Selon le judaïsme, le temps est créé par Dieu. Dans le livre de la Genèse (chapitre 1), Dieu a créé, non seulement le monde entier, mais également le temps et toute sa structure : une semaine de sept jours, un mois de dix-huit jours et une année de douze ou treize mois. Dieu a créé le temps, et c’est dans le temps et par le temps dont Il dispose souverainement qu’Il crée tout son ouvrage, c’est-à-dire l’Univers et, en particulier, l’homme. D’où l’importance accordée dans le récit de la Genèse au temps de la création, émergeant d’un monde chaotique, le tohu bohu. Le temps y est considéré comme cyclique. Pour les juifs, qui utilisent le calendrier lunaire la date fondamentale est celle de Roch Hachana Pour 2019 elel commence du dimanche 29 septembre au Mardi 1 octobre correspondant à l’année 5780 date de création d’Adam et Eve.

Il en est ainsi de la naissance du Christ que le pape Grégoire s’appuyant sur les écrits d’un moine- Denys le Petit- fixa au 25 décembre. Il semble d’une part que le Christ ne soit pas né en hiver mais pendant le solstice d’été. La fête de décembre est une fête païenne le « sol invictus » la victoire du soleil que l’Eglise a pris à son compte pour s’allier les bonnes grâces des païens et les faire rentrer dans le troupeau des croyants.

Denys le Petit, (environ 470 – environ 540) est un moine connu pour avoir calculé l’Anno Domini ou ère vulgaire, utilisée comme ère par le calendrier institué par le pape Grégoire grégorien. De cette manière, il fonda l’usage de compter les années à partir de l’incarnation (25 mars) et la naissance (25 décembre) de Jésus-Christ, qu’il plaça à l’année 753 de Rome (c’est-à -dire l’année -1 du calendrier actuel). Le calendrier grégorien commença à remplacer le calendrier julien en 1582. Le Christ, en somme, devait avoir déjà quatre ou cinq ans au moment où le moine Denis le Petit situe sa naissance, et nous sommes actuellement dans l’année 2024 après la naissance réelle du Christ. En enlevant 10 jours au mois d’octobre de l’année 1582 (on passa soudainement du 4 au 15 octobre), le pape Grégoire fit coïncider l’année du calendrier avec l’année tropique ou astronomique.

Pour les musulmans l’Hégire est un évènement qui marque le point de départ du calendrier musulman ou hégirien. Ce calendrier est fondé sur 12 mois lunaires, de 29 à 30 jours chacun. La tradition – fixée plus tard par le calife Omar – veut que les premiers départs aient eu lieu le 16 juillet 622. Cet épisode marque le début officiel de l’islam comme religion et comme communauté. La célébration du Nouvel An musulman, ou Raas Assana, ne rencontre qu’un écho limité, Dans l’islam, il faut souligner que les cinq fondements (arkane) de l’Islam segmentent pour le croyant le temps au temps. En effet, la ´´chahada´´ (déclaration de foi) est censée être répétée tout le temps, la prière est accomplie cinq fois par jour, le jeûne (Ramadhan) est exigé une fois par an, la ´´zakat´´ (don proportionnel aux biens) distribuée une fois par an, enfin le pèlerinage (Hajj) à La Mecque une fois par an à une période bien déterminée

« Dans le bouddhisme comme dans l’islam, écrit le pasteur Carl- Albert Keller l’expérience religieuse du temps contraste radicalement avec la perception spontanée du temps cyclo-linéaire. Dans l’expérience bouddhique, le temps n’existe pas au niveau de la vérité véritable, mais en vertu de la doctrine de la vacuité de toutes choses, le temps est, tout en étant inexistant, intégré au temps cyclo-linéaire de la vérité d’usage courant. Dans l’expérience islamique en revanche, le temps ordinaire, cyclo-linéaire, est ramené à son origine divine où, dans l’intimité de l’être divin, il est ponctuel et atemporel. (…) Y a-t-il des passerelles qui conduisent du temps ordinaire au non-temps de l’expérience religieuse ? Il y en a : ce sont les actes religieux réguliers, les rites, les cultes qui égaient à des moments précis le déroulement monotone du temps cyclo-linéaire. Toutes les traditions religieuses connaissent l’acte religieux qui est passage de la vérité de surface à la vérité véritable, passage du temps cyclo-linéaire au non-temps de la vérité ultime. »(4 )

L’indifférence des musulmans envers un repère symbolique

La célébration du Nouvel An musulman, ou Raas Assana, ne rencontre qu’un écho limité, Deux facteurs expliquent cet état de fait. Le premier est la généralisation du calendrier grégorien sur l’ensemble de la planète au XIXe siècle, en raison de la domination scientifique technologique et militaire des puissances occidentales. Le deuxième frein est d’ordre religieux. Pour les musulmans orthodoxes, les deux seules célébrations religieuses légitimes sont l’Aïd el-Fitr et l’Aïd el-KebirAwel Moharem est de ce fait fêté d’une façon clandestine dans les pays musulmans qui abdiquent leurs repères et s’en remettent au calendrier dit universel. Argument décisif s’il en est , l’Arabie qui se veut la locomotive de l’Islam, pour les grandes opérations de charme en direction de l’Occident au besoin donne la priorité au calendrier grégorien dans ses déclarations. Ainsi la vision du futur de l’Arabie Saoudite est présentée le 25 avril 2016 par le prince héritier Mohammed ben Salmane : The Council of Ministers endorsed during its session on Monday under the chairmanship of Custodian of the Two Holy Mosques King Salman Saudi Arabia’s Vision 2030. Nulle part de date hégirienne ! C’est à croire qu’elle n’a jamais existé !

J’avais dans une contribution  précédente parlé de cette démonétisation du sacré en enlevait la substance que peut revêtir cet évènement cultuel pour en faire, un évènement qui participe de la bombance créé par le marché néolibéral qui se joue des espérances pour en faire des évènements marchands. Nous l’avons vu avec l’invention du Père Noël …Nous l’avons vu avec l’Aid au temps du Web 2.0 François Villon en son temps se plaignait avec nostalgie du bon vieux temps. Ce retour d’un passé jugé avec indulgence. « Dites-moi où, n’en quel pays…est Flora la belle Romaine.. Mais où sont les neiges d’antan ? ». Mutatis mutandis nous pourrions dire mais où sont les voeux d’antan ? Plus globalement s’agissant des fêtes religieuses. Les sociologues devraient se pencher sur ce phénomène nouveau, la substitution symbolique du pardon à l’occasion de l’Aïd par un ersatz virtuel les TIC qui permet de faire par paresse et peut-être par calcul, « le minimum religieux » sans la contrainte de la rencontre physique. (5)

Conclusion

En définitive, la doxa occidentale du Néolibéralisme impose son rythme au temps du monde. Cette hégémonie est vue de façon religieuse par ceux qui se lamentent sans rien produire et qui imputent aux autres leurs travers et leur ignorance. Par ceux qui font dans le délire de persécution une façon de mobiliser pour un nouveau djihad dont on sait qu’il est perdu d’avance du fait que le terrain choisi n’est pas le bon, la cause pour laquelle il faut se battre n’étant pas celle-là , mais celle du vrai Ijtihad (effort dans le sens du dépassement de soi) celui de la science de l’effort de la sueur des nuits blanches du travail bien fait, seule utopie qui peut faire retrouver à cette Oumma en panne de moteur, un rôle de phare qu’elle a eu dans les lustres passés. Les musulmans ont abdiqué le savoir s’en remettent aux autres pour segmenter leur temps Pourtant l’Histoire retiendra que Haroun Er Rachid offrit vers l’an 800 à Charlemagne une clepsydre qui mesurait le temps. La première horloge pour mesurer d’une façon quasi-précise le temps. C’est dire, si ce fut une révolution technologique majeure pour l’époque. Charlemagne envoya comme cadeau au calife de Baghdad ce qu’il avait de mieux : des lévriers…Mesurons le temps perdu au lieu de nous lamenter. (1)

« Quel sera le temps de l’humanité ? Il semble que les calendriers d’origine religieuse ne sont pas près de mourir. Et il est bien qu’il en soit ainsi, car ces calendriers ont su créer et enraciner des fêtes, des coutumes et des valeurs d’une intensité et qualité extraordinaires En ce jour de l’an pas seulement pour les musulmans mais pour toutes celles et ceux qui croient que l’humanité et ses valeurs ne doivent pas s’effondrer sous le coup de boutoir d’un néo-libéralisme qui se joue des espérances religieuses pour en extraire de la valeur , nous faisons le voeu pour la paix dans le monde, le vrai ennemi de l’homme c’est l’ignorance.

Le XXIe siècle qui aurait pu voir l’avènement du siècle de la tolérance, de la délivrance de l’homme est en train de sombrer dans le chaos identitaire. L’autre vrai ennemi de l’homme c’est sa boulimie d’avoir, tout est bon pour augmenter sa richesse au détriment des autres, de ceux qui n’ont rien et qui se réfugient dans le secours de la religion. L’Islam est à des degrés divers, le dernier rempart contre ce néolibéralisme ravageur, cette mondialisation-laminoir. Il est vrai qu’il est mal expliqué, mal représenté par ceux qui se disent musulmans, notamment dans le Monde arabe. Heureusement que l’islam est aussi représenté par plus de 1 milliard de musulmans non arabes.

Dans un monde de plus en plus anomique formaté par le gain, l’islam bien compris apaisé, apportera sans nul doute sa part d’empathie à cette humanité en souffrance qui veut sonder l’espace alors que tout se trouve au fond de son coeur. Il n’y a pas de pays où les libertés individuelles sont aussi bafouées que dans les pays arabes ! Nous trouvons toujours le même atavisme des potentats arabes, plus égoïstes que jamais. Ce qu’ils savent faire c’est « écraser leurs coreligionnaires et s’aplatir devant l’Occident ». La question qui se pose pour les musulmans est la suivante : doivent-ils attendre d’une façon fataliste et résignée, un éventuel déclin de l’Occident pour refaire surface, au lieu de se mettre au travail, aller à la conquête de la science, de cesser de se lamenter et de reporter la faute sur les autres ? Je crois profondément qu’il n’y a pas d’autres solutions que celle de s’arrimer à la science et permettre à chacun en toute liberté d’apporter sa part d’humanité.

Pour les Musulmans dans le Coran, l’Hégire  ce ne devrait pas seulement être une segmentation du temps comme il en existe dans les autres religions et cultures (Noël, Rosh Shanna, Nourouz), mais un nouveau départ, une nouvelle vision de l’humanité, une transcendance qui a d’ailleurs vu toute son application à Baghdad (Dar el Hikma) où dit-on le calife donnait son poids d’or au traducteur d’un ouvrage, ce sera aussi le miracle de Cordoue où toutes les religions révélées s’épanouissaient à l’ombre de l’islam où par exemple, le grand maître juif Maïmonide écrivit son ouvrage majeur Dalil al Haïrine « Le Livre des égarés » dans la langue scientifique de l’époque : l’arabe. Cette lumière au patrimoine de l’humanité apportée par la civilisation islamique s’éteignit graduellement à partir du XIIIe siècle. La porte de l’effort « bal el Ijtihad » fut fermée par Ibn Thaymya et ce sont ses petits, enfants qui sont maintenant l’exemple de ce que c’est l’Islam, voulu, espéré et entretenu par les pouvoirs occidentaux avec la complicité des dirigeants installés dans les temps morts. Non ! l’Islam des lumières ce n’est pas cela !

Naturellement, les médias occidentaux, selon un agenda bien étudié, ignorent d’une façon ostentatoire ce non -évènement et la doxa occidentale a réussi à étouffer la symbolique d’un milliard et demi de musulmans Dans ces conditions de conditionnement permanent et de matraquage d’informations fausses, tendancieuses, il n’est pas étonnant que les citoyens occidentaux rejettent l’Islam d’autant que des intellectuels paléo-musulmans installés confortablement en ces lieux font assaut de diabolisation pour être bien en cours. La religion musulmane bien comprise est un problème de foi, personnel. Cependant, il serait injuste d’incriminer les Occidentaux car le mal est en nous, ce sont les musulmans qui s’étripent entre eux, où le fort tue le faible comme plus fort de la période antéislamique.

Plus globalement, ce XXIe siècle est le siècle des déconstructions tout azimut ! Chacun à sa façon déconstruit à tout de bras ce que les civilisations ont sédimenté. A titre d’exemple , l’ouvrage de Yuval Harari : « Sapiens  » est un modèle de déconstruction . Pour lui, les récits religieux sont des constructions humaines que l’homme s’invente pour traverser le temps. En clair il se berce tout au long de sa saga, d’histoire. Il n’y a rien d’intemporel ! Seul certitude l’inexorabilité de la flèche du temps et de l’augmentation de l’entropie en terme de désordre qui nous atteint. Malgré l’inanité de l’avoir devant l’être le néolibéralisme et  les coups de boutoir de la post-modernité, font que la civilisation telle que nous l’avons connue risque de disparaître rapidement. On ne devrait cependant, jamais oublier que des civilisations millénaires avec leurs espérances diverses peuvent s’éteindre en quelques lustres.

La dictature du temps, ce temps que nous segmentons pour traverser la vie avec des repères temporels, nous fait injonction d’être prêt le moment venu, du fait de l’impossibilité d’arrêter le cours du temps et l’inéluctabilité du destin . On se souvient, des mots attribués à Alexandre le Grand qui conquit le monde et qui fut terrassé par une bactérie : Je veux que mon cercueil soit transporté à bras d’homme par les meilleurs médecins de l’époque, que les trésors que j’ai acquis (argent, or, pierres précieuses…) soient dispersés tout le long du chemin jusqu’à ma tombe, et que mes mains restent à l’air libre se balançant en dehors du cercueil à la vue de tous », afin que « les médecins comprennent que face à la mort, ils n’ont pas le pouvoir de guérir, que tous puissent voir que les biens matériels ici acquis, restent ici-bas, et que les gens puissent voir que les mains vides nous arrivons dans ce monde et les mains vides nous en repartons quand s’épuise pour nous le trésor le plus précieux de tous : le temps ».

Bonne nouvelle année aux Algériennes et aux Algériens. Je formule le vœu que l’année prochaine, l’Algérie connaitra enfin la paix pour la plus grande satisfaction de ces jeunes dans l’attente d’un sauveur pour leur indiquer le chemin à suivre . Nous rêvons d’une Algérie des libertés , d’un Islam des Lumières qui nous grandit et  nous conforte pour affronter les défis du temps, Nous rêvons d’une Algérie de l’alternance au pouvoir, du parler vrai, de la protection du bien commun de la sobriété en tout . Une Algérie de l’effort dans une éducation de qualité, de l’effort dans le travail pour que chacun puisse être jugé à l’aune de sa valeur ajoutée . Une Algérie où on se sent fier d’être ce que nous sommes ni meilleurs ni pire mais en constant dépassement par nos efforts pour prendre toute notre place et rien que notre place dans le concert des Nations.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

 

Notes 

1. http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour /251120-un-temps-ignore.html

2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9histoire

3.http://www.carl-a-keller.ch/temps_dans_les_religions.php

4.Carl-Albert Keller http://www.carl-a-keller.ch/temps_dans_les_religions.php

5.Chems Eddine Chitour https://oumma.com/laid-au-temps-du-web-2-0/

 

 

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