Les impostures de l’agrobusiness

(CC – Wikimedia)

« Mises en cause dans la flambée des prix, les grandes firmes de l’agrobusiness ont poursuivi leur expansion à l’échelle de la planète, imposant leurs modes de production standardisés, socialement excluants et écologiquement destructeurs ».

Dans son éditorial, publié avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse, Laurent Delcourt souligne « les impasses sociales, environnementales et climatiques du modèle productiviste et libre-échangiste », les avantages des pratiques agro-écologiques. Il aborde, entre autres, les effets des monocultures industrielles, le complexe du soja, le secteur de l’huile de palme, les cultures de rente, la question de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, les stratégies de désengagement de l’action publique, les conceptions étroites de ce qu’est l’agriculture, les processus de capture, les politiques prônées par les institutions internationales, le lobbying et « la coproduction des politiques publiques », l’instrumentalisation de l’enjeu alimentaire, la production à tout prix, « cette vision repose sur l’idéologie productiviste, technicienne et pro-marché de la « révolution verte » », le refus de réflexion sur « les conditions sociopolitiques de production de la pauvreté et de la sous-nutrition » et la réduction de l’insécurité alimentaire en Afrique à un « déficit de productivité lié à l’archaïsme de l’agriculture africaine et à l’inefficacité de ses modes de production »…

L’auteur insiste sur les (contre)réformes, « Réforme de la législation pour renforcer la sécurité des investissements fonciers et la protection de la propriété intellectuelle sur les brevets, mise en œuvre de politiques incitatives et attractives, baisse des tarifs douaniers et des taxes à l’exportation, possibilités pour les investisseurs de rapatrier sans frais leurs bénéfices, poursuite des processus d’intégration régionale… », le green washing (« En verdissant leurs pratiques, elle constitue un formidable outil de pénétration et de diffusion de leur modèle ») et le « populisme entrepreneurial », la soi-disant agriculture climat-intelligente, la continuité « Au lieu d’encourager les pays les plus pauvres à mettre en œuvre des politiques de souveraineté alimentaire adaptées aux contextes locaux, capables à la fois de garantir au plus grand nombre l’accès à une nourriture adéquate et de réduire la vulnérabilité des populations à la volatilité du prix des matières premières sur les marchés internationaux », les intérêts des grandes firmes, les partenariats privé-public, les accaparements…

« Et en privilégiant un modèle de production standardisé, industriel et chimisé, elles ont accentué la dépendance des petits producteurs aux fournisseurs d’intrants, appauvri la biodiversité, fait voler en éclat des agro-écosystèmes locaux à forte résilience, et aggravé finalement la vulnérabilité alimentaire des communautés rurales. »

Sommaire

  • Laurent Delcourt : Les nouveaux territoires de l’agrobusiness
  • Antonio Augusto Rossotto Ioris : La politique de l’agrobusiness et le business de la durabilité
  • Grain : « belt and road initiative » : l’agrobusiness chinois se mondialise
  • Anuradha Mittal, Elizabeth Fraser, Flora Sonkin, Frédéric Mousseau : Le miracle de l’agrobusiness indonésien selon la banque mondiale
  • Clara Jamart, Jean-Cyril Dagorn, Maureen Jorand, Peggy Pascal : Le miracle de l’agrobusiness indonésien selon la banque mondiale
  • Anuradha Mittal , Elizabeth Fraser, Flora Sonkin , Frédéric Mousseau : Agriculture africaine : l’impasse des pôles de croissance agricoles
  • Alberto Alonso-Fradejas : La montée du populisme autoritaire entrepreneurial au Guatemala
  • Kartini Samon : Numérisation de l’agriculture : quels risques pour les paysans du sud ?
  • Collectif d’organisations sociales du Sud : Abus à l’encontre des femmes dans les plantations industrielles

« L’ensemble complexe des reconfigurations socio-environnementales, économiques et politiques impulsées par l’industrie agroalimentaire néolibérale exige d’être appréhendée et critiqué avec les instruments de l’écologie politique ». Antonio Augusto Rossotto Ioris détaille, entre autres, les politiques agricoles pro-agrobusiness, l’oubli des « dimensions nutritionnelles et culturelles de l’agriculture et de l’alimentation », la dépendance d’une partie de la population envers « un nombre restreint de chaînes d’approvisionnement », la consommation de nourriture sucrée bon marché et des plats surgelés, les volumes de déchets alimentaires, les crises alimentaires, les forces de dépossession et d’expulsion, le nouvel « ordre socio-écologique »…

Il poursuit avec « les trois dimensions principales de l’hégémonie néolibérales », les stratégies techno-économiques, la culture de rente, Mato Grosso et l’agro-néolibéralisme brésilien, les projets de colonisation privée…

Il propose des pistes pour une écologie politique de l’agroalimentaire, discute des lieux de production et de consommation, de développement rural, de construction sociale du monde…

Il me semble plus que discutable de parler d’activités agricoles et alimentaires « intrinsèquement écologiques » ou d’agriculture « écologique par essence ». La notion de « socio-nature » demanderait à être explicitée.

Dans les différents articles sont abordés :

  • La mondialisation de l’agrobusiness chinois, les infrastructures mondiales intégrées, les impacts dans différents régions mondiales, l’accaparement de vastes superficies de terres, le soutien nécessaire aux petit·es producteurs/productrices et à la production alimentaire écologique destinée aux marches locaux…
  • L’agrobusiness indonésien, les réformes politiques guidées par la banque mondiale et les programmes d’ajustement structurel ou les prêts conditionnés, la croissance destructrice, la négation des droits des populations autochtones, l’extension de l’industrie de palmiers à huile, l’industrie extractive, l’expansion du tourisme, les nouvelles frontières de l’investissement…
  • L’agriculture en Afrique, les logiques de contractualisation, la formalisation des droits et l’attribution de titres fonciers, les zones de transformation pour l’exportation, la privatisation des investissements agricoles, la lutte contre la faim réduite « au défi de l’augmentation de la production et des rendements agricoles », les désengagements des Etats sauf pour créer un « environnement favorable aux affaires » ou mettre disposition « des facteurs de production peu onéreux et fiables », les logiques de partenariat privé-public, les incitations aux investissements par des subventions, les risques liés au développement des « pôles de croissances », l’oubli de la sécurité nutritionnelle, les menaces contre les agricultures paysannes, l’accaparement « des terres, de l’eau et des ressources », les alternatives en termes de « priorités au développement pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique »….
  • L’oligarchie blanche propriétaire des plantations au Guatemala, les stratégies du capitalisme agro-extractiviste, les menaces et les violences, les méga-projets d’infrastructure, la canne et le palmier, le « populisme entrepreneurial autoritaire », l’usage des mots culture / végétaux / produits, la socialisation de la dette, l’accaparement des terres, la violence « au nom du respect de la loi »

Le dernier article aborde les « Abus à l’encontre des femmes dans les plantations industrielles », abus-a-lencontre-des-femmes-dans-les-plantations-industrielles/, publié avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse. Le collectif souligne la violence de la vie autour des plantations industrielles de palmiers et d’hévéas, « Lorsque ces plantations industrielles empiètent sur les terres de communautés rurales, les violences sexuelles, les viols et les différents abus envers les femmes et les filles augmentent considérablement », la stigmatisation des femmes violées, les violences sexuelles, les harcèlements au travail, l’exigence de rapports sexuels avant l’embauche, l’achat du silence par de l’argent, les grossesses chez les adolescentes, les mariages précoces, les violences contre celles qui utilisent l’huile de palme traditionnelle, les impacts différenciés sur les hommes et sur les femmes…

Et les revendications de celles-ci :

« C’est également un moment important pour nous rappeler que, malgré les souffrances et la violence qu’elles endurent, les femmes ne sont pas simplement des victimes. Dans de nombreux endroits où des entreprises ont pris le contrôle de leurs terres par la violence, les femmes s’organisent et demandent qu’il soit mis fin aux abus dont elles et leurs communautés sont victimes, car les plantations industrielles ont détruit leurs moyens de subsistance. Elles exigent la restitution de leurs terres. Elles exigent de prendre part aux processus de décision concernant le sort des terres communautaires et demandent aux sociétés de plantation de restituer aux communautés les terres qu’elles ont accaparées sans leur consentement. ».

Didier Epsztajn

 



Articles Par : Didier Epsztajn

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