Les inégalités dans le monde:  Bourdieu et la nécessaire déconstruction

« Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà. Si on taxait les riches  ils ne dépenseraient plus . Un riche qui dépense fait vivre  des centaines de pauvres  Ils affirment  alors vouloir taxer la classe moyenne plus que de raison, car c’est « un réservoir inépuisable » de ressources. Les citations sont en réalité tirées d’une oeuvre de fiction datant de 2008. « Il y a quantité de gens qui sont (…) ni pauvres, ni riches…(…) C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là… plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser ; c’est un réservoir inépuisable. »   Dialogue imaginaire tenue il y a quatre siècles entre le cardinal Mazarin et Jean-Baptiste Colbert. Dans cet échange, les deux hommes étudient comment faire plus d’impôt.

Nous y arrivons ! après avoir laminé les pauvres :

« On s’attaque à la classe intermédiaire toujours en apnée dans l’attente d’un mieux être coincé entre les pauvres qu’ls veulent quitter et les riches inaccessibles Ces jours çi et comme de tradition s’est tenu le forum de Davos  Le Forum économique mondial de Davos, qui rassemble les plus grands décideurs économiques, l’ONG Oxfam publie son traditionnel rapport sur les inégalités mondiales. Celles-ci continuent de s’accroître mettant dans la rue des centaines de milliers de personnes à travers le monde. Désormais, les 1 % les plus riches de la planète gagnent deux fois plus que 92 % de la population mondiale. Les dividendes versés aux actionnaires ont crû de 31 % contre 3 % pour les salaires moyens des pays du G7 entre 2011 et 2017.   Bernard Arnault, le patron du groupe LVMH, dispose d’une fortune de 76 milliards de dollars,  L’ONG Oxfam, qui publie ce lundi 20 janvier, son rapport annuel sur les inégalités mondiales  a calculé que si quelqu’un avait pu économiser l’équivalent de 8 000 euros par jour depuis la prise de la Bastille – le 14 juillet 1789 – il n’arriverait aujourd’hui qu’à 1 % de la fortune du célèbre homme d’affaires.» (1)

Cas d’école : Les inégalités en France

La France  riche et opulente en surface constitue un cas d’Ecole avec ses  inégalités criardes malgré un discours lénifiant vantant  le triptyque : «  Liberté, Egalité, Fraternité » . Dans la contribution suivante sous la plume de Pauline Leclère,  nous lisons qu’il n’en est rien  en ce qui concerne ce qui nous intéresse ; l’égalité et la fraternité. Plus que jamais  c’est l’ensauvagement qui a cours , une  doctrine néo-libérale qui broie les faibles :

« Les inégalités indécentes sont au cœur de fractures et de conflits sociaux partout dans le monde car personne n’est dupe : les inégalités ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat de politiques sociales et fiscales qui réduisent la participation des plus riches à l’effort de solidarité par l’impôt, et fragilisent le financement des services publics. Transports, éducation, santé, système de retraites… sont sacrifiés alors qu’ils sont décisifs pour lutter contre la pauvreté », alerte Pauline Leclère, porte-parole d’Oxfam France » (2) 

« En 2018, la fortune des milliardaires a augmenté plus vite que les autres milliardaires dans le monde   les écarts de salaires entre PDG et salarié.e.s au sein des grandes entreprises sont démentiels. Un patron du CAC 40 a gagné en moyenne 277 SMIC en 2018, selon le rapport annuel du cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, soit 5,77 millions d’euros. Dans certains secteurs, les inégalités continuent d’empirer : en 2018, le PDG du groupe Sanofi gagnait ainsi plus de 343 fois le salaire moyen d’une aide-soignante française chargée d’administrer les produits de la marque à des patients Mais si Bernard Arnault est celui qui a engrangé le plus de richesses dans le monde en 2019, et que le versement de dividendes par le CAC 40 est à son plus haut, le taux de pauvreté gagne du terrain en France avec 400 000 personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté portant le nombre de pauvres à 9,8 millions. Ainsi, au niveau national les 10 % les plus riches possèdent 50 % des richesses. « Malgré les fortes attentes de justice fiscale et sociale, les plus pauvres restent les grands perdants des mesures budgétaires depuis le début du quinquennat » souligne Pauline Leclère. Au niveau mondial, l’écart est encore plus vertigineux avec 1 % des plus riches qui détient deux fois la richesse de 92 % de la population. Selon de nouvelles statistiques de la Banque mondiale, près de la moitié de la population mondiale essaie de survivre avec moins de cinq euros par jour. « Pour de nombreuses personnes, il suffit d’une facture d’hôpital ou d’une mauvaise récolte pour basculer dans la misère », alerte Oxfam. À l’autre extrémité, les plus riches s’enrichissent presque « sans effort » : entre 2011 et 2017, les dividendes versés aux actionnaires ont crû de 31 % contre 3 % pour les salaires moyens des pays du G7. »(2)

2019, année de la colère partout dans le monde

La population s’est soulevée. De Santiago à Téhéran en passant par Hong Kong, Paris, Alger, Bagdad… des manifestations ont éclaté dans différentes régions du globe en 2019. Si les contextes géopolitiques diffèrent, ces révoltes prennent leurs racines dans l’injustice sociale et une soif de démocratie, avec, parfois comme seule réponse une répression sanglante.

C’est une insurrection mondiale qui a marqué l’année 2019. Depuis des millions de personnes défilent dans les rues pour manifester leur désaccord. Les racines de ces colères sont multiples mais ces soulèvements mondiaux se répondent. En France, le mouvement des Gilets jaunes est né d’une étincelle, celle de la hausse de la taxe carbone.   Ces étincelles peuvent paraître futiles mais elles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Il ne s’agit pas de la hausse du prix d’un produit, mais de la remise en cause du modèle économique en place. Les manifestants appellent à l’égalité, à la justice sociale, à une meilleure répartition des richesses.  Le cas de la France est symptomatique avec les Gilets Jaunes qui défilent depuis plus de quatorze  mois À travers le monde, des centaines de milliers de personnes manifestent, poussées dans la rue par leur faiblesse de pouvoir d’achat et leur rejet d’une société où les inégalités se creusent. En Équateur, au Chili, cela conduit à des affrontements brutaux et même des morts. Ce mouvement généralisé doit pousser à repenser le capitalisme et rendre plus juste les transitions qui modifient les vies.

« Dans d’autres pays, comme à Hong Kong, en Irak ou au Soudan, c’est un appel à la démocratie qui a provoqué des soulèvements. « Ces manifestants disent ‘on veut être entendu’, ‘on veut peser sur notre destin' », décrypte Didier Billion, directeur adjoint de l’Iris, l’Institut des relations internationales et stratégiques. « Dans bien des cas, les deux causes, économique et démocratique, s’articulent », ajoute-t-il. Mais en cette année 2019, la mobilisation est particulièrement exceptionnelle. Presqu’aucune région du globe n’est épargnée. Et les réseaux sociaux ont joué un rôle amplificateur dans ce phénomène. Tous les manifestants étaient reliés et pouvaient suivre en temps réel les révoltes se déroulant à l’autre bout du monde. Et bien que les situations géopolitiques diffèrent, les points communs sont nombreux. « On remarque que tous ces processus révolutionnaires sont spontanés. Personne n’aurait pu prévoir leur émergence », note Didier Billion.  « De même, dans la plupart de ces soulèvements, il n’y a pas de leader ni de mot d’ordre. En Algérie, on assiste à un soulèvement avec une extraordinaire vitalité mais, alors que des élections viennent d’avoir lieu, aucun candidat issu de ce mouvement ne s’est proposé. Il n’y a pas de véritable alternative », constate le géopolitologue. Si certains signes d’essoufflement se présentent, Didier Billion en est persuadé, ces soulèvements vont perdurer, quitte à changer de forme, jusqu’à ce qu’une vraie réponse leur soit apportée.   Face à une économie ultralibéralisée, des soulèvements mondialisés À travers le monde, des centaines de milliers de personnes manifestent, poussées dans la rue par leur faiblesse de pouvoir d’achat et leur rejet d’une société où les inégalités se creus Ce mouvement… Alors que le Conseil de sécurité des Nations Unies réfléchit à s’emparer du sujet du changement climatique, un groupe d’experts alerte sur la sécheresse qui frappe actuellement l’Irak et qui attise les tensions au sein des communautés. Elle crée un terrain propice au retour de l’État.. » (3).

Davos ou le scandale d’un monde qui a perdu son âme

Rituellement se tient en Suisse le Forum de Davos et ceci depuis plus de quatre décennies. Les grandes décisions entre décideurs se prennent sous l’œil médusé des sans dents qui ne se sentent pas concernés directement par la kermesse ou zerda mais plus par les retombées négatives sur leur quotidien fait de sueur et de larme sans perspective de sortie du tunnel comme le montre la colère des Gilets Jaunes qui est une lame de fond qui fait fi des organisations syndicales actuelles et qui ne s’arrêtera que quand des réponses convaincantes sont données à leurs revendications.  Le président-fondateur du Forum économique mondial (WEF), Klaus Schwab, explique en quelques phrases les secrets du forum:

«Il a plusieurs composantes: un sens de l’innovation et de l’entrepreneuriat, doublé d’une culture du risque et de la réactivité, au service d’une vision.  Ce Forum, je l’ai développé à partir de rien- uniquement de mes idées (…) Davos est une tribune d’échanges, formels et informels, qui met davantage en exergue ce qui nous unit, plutôt que ce qui nous sépare » (4).

Des riches toujours plus riches, et des pauvres encore plus… pauvres 

Depuis que le monde est monde il y a des riches, et il y a des pauvres. Ce à quoi on assiste est à un dépouillement de la force de travail d’hommes, de femmes et d’enfants réduits en esclavage et payés d’une façon misérable pendant que les patrons s’enrichissent d’une façon indécente avec des différences énormes.  Selon le dernier rapport de l’ONG Oxfam, 82% de la richesse créée en 2017 ont été absorbés par 1% de la population mondiale.  Les 1810 milliardaires en dollars sur la liste Forbes de 2016 possèdent 6,5 milles milliards de dollars, autant:

«que les 70 pour cent les plus pauvres de l’humanité». Bill Gate, Carlos Slim voient leurs revenus augmenter chaque année par des simples «manipulations» boursières sans risque, de plusieurs milliards de dollars. Ils ont alors le beau rôle pour faire les mécènes et distribuer des aumônes qui ne règlent pas le problème, celui de la redistribution.  La moitié de la nourriture produite dans le monde serait gaspillée chaque année, «Entre 30 et 50%» des 4 milliards de tonnes de nourriture produites annuellement dans le monde «n’atteindront jamais un estomac humain».

«550 milliards de mètres cubes d’eau» sont ainsi utilisés en vain pour faire pousser ces aliments perdus.» «Entre 2010 et 2012, lit-on dans cette étude,860 millions de personnes à travers le monde souffraient de malnutrition, selon l’organisation de l’ONU pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).»  (5)

Comment est distribuée la richesse mondiale?

Qui en profite? Y a-t-il un Smic de dignité sociale pour les revenus. Rien de tout ça! A l’échelle mondiale la richesse des milliardaires a augmenté de 524 milliards de dollars l’an dernier pour atteindre 3700 milliards, selon Bloomberg. Les 300 personnalités les plus fortunées du monde disposaient de 3 700 milliards de dollars à la fermeture des marchés le 31 décembre 2013, soit 1,5 fois le PIB de la France.  En Chine, en 2013 le nombre de milliardaires en dollars a passé cette année pour la première fois le seuil symbolique des 300. La deuxième économie mondiale compte précisément 315 milliardaires, soit 64 de plus qu’en 2012, affirme l’institut de recherche Hurun. (6)

Les multinationales s’enrichissent de plus en plus  Dans un rapport sur les inégalités Nick Beam avait pointé du doigt les dérives criardes:

«De nombreuses statistiques soulignent toute l’étendue du pouvoir du patronat. En termes de revenus, 69 des plus grandes entités économiques mondiales sont maintenant des sociétés, non des pays. Les 10 plus grandes entreprises du monde, dont Wal-Mart, Shell et Apple, ont des revenus cumulés supérieurs aux revenus totaux des gouvernements de 180 pays. (…)  Selon Oxfam, le géant technologique Apple aurait payé une taxe de seulement 0,005 pour cent sur ses bénéfices européens.  Les pays en développement perdent environ 100 milliards de dollars par an en raison de la fraude fiscale et d’exonérations accordées aux entreprises. Les Etats sont complices de la fraude fiscale et la criminalité.  Le rapport cite l’économiste Gabriel Zucman, selon lequel 7,6 milles milliards de dollars sont cachés dans les paradis fiscaux. En raison de la fraude fiscale, l’Afrique perd à elle seule 14 milliards de dollars, soit assez pour payer des soins qui sauveraient la vie de quatre millions d’enfants et embaucher assez d’enseignants afin que tous les enfants africains aillent à l’école.» (7)

2018 et 2019 les fossés  se sont encore plus creusés

Dans une contribution parue dans le journal Forbes Audrey Chabal indique que l’an passé, les 1% les plus fortunés ont accaparé 82% des richesses créée Oxfam calcule ainsi qu’une ouvrière du textile au Bangladesh mettra une vie entière à gagner ce que le PDG d’une des cinq premières marques de textile au monde empochera en quatre jours. Bill Gates (Microsoft), Jeff Bezos (Amazon) et Warren Buffett possèdent autant que la moitié de la population américaine les plus pauvres, soit 160 millions de personnes. » (4)

« Neuf milliardaires sur dix sont des hommes constate l’ONG qui dénombre (en dollars) 2 043 milliardaires dans le monde  En 2019 poursuit Audrey Chabal 26 milliardaires détiendraient autant que la moitié la plus pauvre de l’humanité. Soit 3,8 milliards de personnes. 26 personnes d’un côté, 3,8 milliards de l’autre.  Les ultras riches seraient donc de plus en plus riches. Le nombre de milliardaires aurait même presque doublé depuis la crise financière de 2008.2018 et 2019 les fossés  se sont encore plus creusés.» (6)

L’injustice climatique: Après les réfugiés économiques , les réfugiés climatiques 

A toutes les avanies que connaissent les déshérités du monde, la faim, la soif, le manque d’hygiène, le manque d’instruction, il faut y ajouter l’injustice climatique et l’autisme des grands incapables de tourner le dos aux énergies fossiles. La maison brûle et on regarde ailleurs disait le président Chirac au sommet de Johannesburg.  L’amazonie brûle l’Australie  brûle et cela ne semble pas inquiété les grands de ce monde exception faite des peuples premiers qui habitent en Amazonie et en Australie  De plus Les convulsions climatiques   ce sont les pays du Sud qui payent l’addition . Ce sont des inondations , des sécheresses catastrophiques et au bout du compte des réfugiés climatiques qui ne peuvent pas lutter contre les perturbations  Chavez disait que si le climat était une banque, les pays industrialisés feraient tout pour le sauver. Interrogeons-nous si chacun de nous si chaque pays,  a fait ce qu’il doit faire en termes de dette vis-à-vis de la Nature, en termes de viatique vivable à laisser aux générations futures!

L’activiste Greta Thunberg, le 21 janvier 2020, au Forum économique de Davos.  a affirmé devant les grands patrons et responsables polititques réunis au Forum économique de Davos que « rien n’a[vait] été fait » en faveur du climat et de l’environnement. Comme une douche froide pour l’élite économique et politique réunie à Davos, la militante du climat Greta Thunberg a déploré, mardi 21 janvier, que « rien n’ait été fait » pour le climat en dépit de tous les discours en faveur de l’environnement. le réchauffement climatique domine cette année le Forum économique mondial (WEF), à l’heure où les entreprises rivalisent de promesses et les gouvernements de discours alarmistes. Ce n’est pourtant pas faute de recevoir l’attention médiatique, a-t-elle estimé, avec comme une pointe d’amertume.   Nulle préoccupation climatique en revanche dans le tweet envoyé dans la nuit par l’autre tête d’affiche annoncée mardi à Davos, Donald Trump. En campagne pour sa réélection en novembre et à quelques heures de l’ouverture de son procès en destitution à Washingon, il entend vanter sa politique de l' »America First ».

« En route pour Davos, pour rencontrer les Leaders du monde et des affaires, et ramener (…) des centaines de milliards de dollars aux États-Unis ! Nous sommes le Numero 1  dans l’univers, de loin », a-t-il tweeté. (7)

La nécessaire déconstruction pour moraliser la répartition des revenus

L’économiste Thomas Piketty et son équipe ont  démontré qu’entre 1980 et 2016, les 1 % les plus riches ont capté 27 % de la croissance des revenus, alors que les 50 % les plus pauvres se sont contentés de 12 % de cette croissance.

« Nous ne pourrons jamais éradiquer la pauvreté si le système économique continue de répartir les fruits de la croissance de manière aussi inégale. Ce modèle de croissance injuste est aussi intenable dans les limites environnementales de notre planète », conclut Oxfam.   Nul ne doute que le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus abyssal ; les élans de générosité le temps d’un forum ne doivent pas cacher la réalité. L’aide publique au développement est de plus en réduite et de plus, elle est dirigée vers les «bons élèves». Car en définitive, est-il moral qu’un Suisse touche en un jour ce que touche un Africain moyen en une année? Est-ce cela le développement durable Est-ce cela la solidarité , Où sont les Droits humains à l’eau à  un emploi décent, à la santé à l’eau à un toit consacrés par les Nations Unies  La question attend toujours une réponse.(10)

Les inégalités extrêmes dégradent le vivre ensemble, Elles renforcent le pouvoir des oligarchies, limitent l’accès à l’éducation et à la santé, l’égalité homme-femme. Les riches sont des Martiens qui regardent les Terriens besogneux de loin, ils sont indifférents à la douleur et à la dignité humaine qui se déclinent notamment par un droit à l’éducation, un droit à un travail, un droit à un toit, en un mot comme en mille, un droit à vivre décemment. Même l’alter mondialisme que nous avions cru, un temps porteur de valeurs à même de contrer cette machine du diable de la mondialisation laminoir et du néo-libéralisme prédateur, s’est essoufflé.   Non! Le combat continue. Peu à peu, l’organisation économique et sociale devient duale: le bas de gamme; Low-cost pour la grande masse et grand luxe pour les 1%. Quartiers résidentiels bunkerisés, pour les uns, logements précaires dans des quartiers périphériques pour les autres.   Margaret Thatcher martelait ´´There Is No Alternative!´´ (TINA) «il n’y a pas d’autres alternatives». Dans ce monde, il y a toujours des gagnants dans une «économie casino» où l’effort est de loin marginal par rapport à la financiarisation-spéculation.

Comment peut-on parler de la mondialisation du bonheur, quand on sait que les pays africains luttent pour leur survie avec un fardeau de la dette de 400 milliards de dollars, un service de la dette inhumain, une aide au développement de plus en plus réduite? L’hypocrisie des pays industrialisés médiatise à outrance cette aumône, alors que dans le même temps, le service de la dette est autrement plus ravageur puisqu’il compromet définitivement toute velléité de développement durable. Comment peut-on demander aux pays en développement   une bonne gouvernance, quand parallèlement on leur interdit de financer les systèmes éducatifs et de santé vecteurs importants de la cohésion sociale? Ce qui leur est en fait demandé, c’est d’ouvrir leur marché, c’est de laminer leur production nationale et la donner en pâture aux multinationales qui sont, de loin, plus performantes. Est-ce cela la mondialisation du bonheur des chantres du libéralisme à outrance à l’instar d’Alain Minc?

On sait que  l’ambition discrète de la mondialisation, c’est la destruction du collectif et l’appropriation par le marché et le privé des sphères publiques et sociales. Dans le but de construire une société où l’individu sera enfin privatisé  Pour déconstruire et donc contrecarrer un tel projet, un embryon de société civile internationale se met en place surtout dans les pays industrialisés. Une grande privatisation de tout ce qui touche à la vie et à la nature se prépare, favorisant l’apparition d’un pouvoir probablement plus absolu que tout ce qu’on a pu connaître dans l’histoire. Tandis que de nouveaux et séduisants «opiums des masses» proposent une sorte de «meilleur des mondes» et distraient les citoyens.

Conclusion

Qu’on se le dise, un mode vie à l’américaine, à 8 tep/hab/an n’est pas soutenable! Les Européens qui sont à 4 tep/hab/an sont-ils deux fois moins heureux que les Américains? Et que dire des Sahéliens? Quand on sait qu’un Sahélien consomme en énergie en une année ce que consomme un Américain en une semaine! Que dire aussi quand on sait qu’un plein de 4×4 en biocarburant soit 225kg de maïs transformé, peut nourrir un Sahélien pendant une année! Est-ce ainsi que les hommes vivent? Pierre de Rabhi nous recommande de faire chacun à son niveau comme le colibri- apporter chacun notre goutte d’eau pour éteindre l’incendie et ce faisant conjurer le péril d’un climat erratique qui impactera en premier les déshérités de la Terre.

Une cause importante de «mauvais-être» pour ne pas dire de malheur est la précarité -au- minimum la flexibilité-qui aboutit à un CDD antichambre du chômage. Avec sa lucidité coutumière, Bourdieu constate que l’Etat Nation, garant du bonheur des citoyens- recule et abdique ses prérogatives il écrit:

«Historiquement, l’État a été une force de rationalisation, mais qui a été mise au service des forces dominantes. Bourdieu ne se contente pas de constater les inégalités comme le montre  Thomas Picketty , il va plus loin : Il propose d’une certaine façon une déconstruction du modèle qui sévit depuis les premiers balbutiements du néo-libéralisme.    « Il faudrait inventer un nouvel internationalisme (…) Il s’agirait de construire des institutions qui soient capables de contrôler ces forces du marché financier, d’introduire- les Allemands ont un mot magnifique – un Regrezionsverbot, une interdiction de régression en matière d’acquis sociaux à l’échelle européenne. (…) En fait, la force de l’idéologie néolibérale, c’est qu’elle repose sur une sorte de néo-darwinisme social: ce sont «les meilleurs et les plus brillants», comme on dit à Harvard, qui triomphent.» Il ne faudrait plus «maximiser» la croissance, mais le bien-être et le bonheur. Avec raison en 1997, Pierre Bourdieu se posait aussi  la question « des coûts sociaux de la violence économique et avait tenté de jeter les bases d’une économie du bonheur ». (9)

Professeur  Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

Photo en vedette : Photo: Shutterstock ; source : lesaffaires.com

Notes

1.https://www.novethic.fr/actualite/social/droits-humains/isr-rse/si-j-avais-pu-economiser-8-000-euros-par-jour-depuis-la-prise-de-la-bastille-je-n-aurais-aujourd-hui-que-1-de-la-fortune-de-bernard-arnault-148122.htm

2.rapport d’Oxfam https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2020/01/Rapport-Inegalites-Oxfam-2020-Zoom-France.pdf

3.https://www.novethic.fr/actualite/social/droits-humains/isr-rse/2019-annee-de-la-colere-148033.html

4.Sabine Syfuss-Arnaud http://www.challenges.fr/economie/20140122. CHA9435/forum-de-davos-les-confidences-de-klaus-schwab.html#xtor=EPR-14-[Quot10h30]-20140122

5.Nick Beams 17 janvier 2017 http://www.mondialisation.ca/huit-milliardaires-controlent-autant-de-richesses-que-la-moitie-de-lhumanite/5569424

6.https://www.forbes.fr/business/quand-les-1-les-plus-riches-accaparent-82-des-richesses-creees/?cn-reloaded=1

7.https://www.france24.com/fr/20200121-forum-de-davos%C2%A0-greta-thunberg-affirme-que-rien-n-a-%C3%A9t%C3%A9-fait-pour-le-climat

8.Chems Eddine Chitour. La mondialisation : l’espérance ou le chaos ? Edtions Anep. 2002

9.Pierre Bourdieu: L’essence du libéralisme, le Monde diplomatique mars 1998.

 



Articles Par : Chems Eddine Chitour

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