Les médias et #MeToo font le silence sur les viols d’immigrés détenus aux USA

L’omniprésence médiatique des accusations que Moscou aurait truqué les élections américaines de 2016 a presque noyé une révélation récente: l’agence américaine Immigration and Customs Enforcement (ICE) a reçu 1.310 plaintes pour viol ou pour agression sexuelle entre 2013 et 2017.

Le 17 juillet, Emily Kassie du New York Times a publié un court documentaire où elle interviewe deux immigrées agressées par des gardes dans des camps de détention au Texas et en Pennsylvanie.

Un agent de l’ICE reconduisait une immigrée du centre de détention T. Don Hutto au Texas après sa libération sous caution. Selon Kassie, «Elle a pris ses affaires, puis on l’a escortée dans une zone de chargement entourée de barbelés, et on l’a mise dans une cage dans une camionnette. Le chauffeur était un garde masculin nommé Donald Dunn. Peu après son départ, Dunn s’est arrêté.»

«Il m’a saisi les seins … Il a mis sa main dans mon pantalon et il a touché mes parties intimes», a-t-elle dit. «Il m’a touchée encore une fois dans la camionnette, mes mains étaient liées. Et il a commencé à se masturber.»

Les femmes qui cherchent l’asile aux Etats-Unis fuyent souvent des agression sexuelles au mains de forces paramilitaires appuyées par Washington en Amérique centrale.

Kassie a interviewé une autre femme qui cherchait l’asile quand un garde l’a violée; elle avait 19 ans. «Je ne savais pas comment dire non, car il m’a dit qu’on me déporterait», a-t-elle dit. «J’étais dans une prison et c’était un officier des services de migration. Ils vous disent quelque chose et il faut le faire.»

Cristina Parker, chargée de communications dans l’association pro-immigrés Grassroots Leadership au Texas, a dit au World Socialist Web Site: «C’est horrible de le dire, mais ce rapport ne me choque pas. Ceux d’entre nous qui connaissent ces centres ont pensé, ‘Oui, c’est à peu près ça.’ On l’entend souvent. C’est un problème récurrent. Ce n’est pas seulement au centre Hutto, c’est endémique et omniprésent dans le système.»

Les médias font un silence presque total sur les plaintes pour viol ou pour abus sexuels contre le service d’immigration américain. Le New York Times a enterré la vidéo de Kassie peu après sa publication, et le Washington Post ne l’a mentionnée que très brièvement dans un article qui résumait l’actualité ce jour-là. A part cela, les médias bourgeois n’ont rien dit là-dessus. Les abus fascisants commis contre les réfugiés ont été complètement éclipsés par la campagne antirusse hystérique qui domine les médias.

«C’est choquant que ça n’attire pas plus d’attention et ne provoque pas plus d’horreur», a dit Parker. «Les médias s’intéressent au programme de téléréalité qu’est notre gouvernement national actuel, et pas l’impact qu’il a sur des individus et des êtres humains à la frontière. Même si l’immigration n’est plus sur les radars nationaux, le fait est que seule une fraction des enfants séparés ont été réunis avec leurs parents. Le système de détention opère à une échelle de masse.»

La plupart des allégations de viol ou d’abus sexuel datent d’entre 2013 et 2017, pour la plupart sous Obama. Pour étouffer les abus, ICE a jugé que 60 pour cent de ces allégations étaient «sans fondement».

«Je ne pense pas qu’il y ait une culture d’abus, sur les six dernières années c’était moins d’un pour cent de notre population qui a rapporté un incident», a dit Philip Miller, l’ancien directeur exécutif adjoint de l’ICE, à Kassie.

Des centaines de milliers de personnes sont passées à travers les centres de détention ces dernières années, ce qui laisse supposer qu’il y a eu des dizaines de milliers de viols ou d’abus sexuels. A cause de la doctrine juridique de «l’immunité qualifiée», il est très difficile pour des détenus, et surtout des réfugiés, de porter plainte contre des gardes.

Le nombre total d’abus est bien plus élevé que le nombre cité, car la plupart des victimes craignent trop la répression pour se plaindre.

Il y a un mois, le Fonds mexicain-américain de défense légale et d’éducation (MALDEF) a envoyé une lettre à ICE pour réclamer des documents internes sur deux immigrées abusées sexuellement par un superviseur de prison au camp de détention T. Don Hutto en 2017.

La lettre déclare que quatre réfugiées détenues ont vu le superviseur «plusieurs fois, se masturber dans la zone du dortoir tout en regardant les détenues de manière obscène».

Un rapport de l’Union américaine des droits civiques (ACLU) a dévoilé de nombreux abus sexuels et physiques d’enfants réfugiés détenus entre 2009 et 2014. Des agents de la Protection des Douanes et des Frontières (CBP) ont forcé une jeune fille de 16 ans à se dévêtir, «ont écarté ses jambes par la force et ont touché ses parties intimes si fort qu’elle a crié».

Dans le langage brutal et pervers de malfrats fascistes, des agents ont mis une autre enfant dans une salle et ont dit, «Tout de suite, on ferme la porte, on te viole, on te n…». Un agent masculin et un agent féminin ont forcé une autre enfant à se dévêtir et l’ont regardée pendant 15 minutes, en menaçant de l’enfermer dans une salle avec un grand détenu et la forcer à être «sa femme».

Le documentaire de Kassie, qui traite de plaintes par des adultes et par des enfants, démontrent que les abus n’ont pas cessé en 2014. Un autre fait dévoilé par le rapport de l’ACLU est que l’Administration Obama a activement étouffé les plaintes d’abus contre des réfugiés mineurs.

Face à une plainte par un réfugié mineur en 2014, un inspecteur de l’Administration Obama a écrit, «Veut-on vraiment y répondre, vu le vaste nombre de plaintes plus sérieuses qu’on a?»

La CBP a réagi au rapport de l’ACLU en déclarant que les allégations d’abus étaient «infondées et sans justification». Ces reportages «traitent des allégations comme des faits».

Aucun des dirigeants du mouvement #MeToo n’a pris position publiquement sur le viol et les abus sexuels commis par le gouvernement américain. Alors que des personnalités telles l’actrice Rose McGowan, Asia Argento, Ashley Judd et l’ex-responsable du Département d’Etat Ronan Farrow se font une publicité sans fin sur Twitter, leurs pages font le silence sur le reportage de Kassie.

La campagne #MeToo ne porte aucun intérêt au sort des réfugiés victimes des guerres de l’impérialisme américain en Amérique centrale, en Afrique et au Moyen Orient. Le but des riches promoteurs de cette campagne anti-démocratique n’est pas de stopper «les abus de pouvoir», mais de faire avancer leurs propres carrières et de remplir leurs propres comptes en banque.

Eric London



Articles Par : Eric London

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